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Mer houleuse. [FB 1498 - PV Morgan]
Fenice Nakata
Fenice Nakata
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Sam 18 Mar - 18:17
Mer houleuse.
feat. Morgan
La jeunesse est un art. Oscar Wylde


-Oï, Nakata ! Arrête de dormir là-haut, tu veux ? Ils doivent plus être très loin !

Du haut du mât, le garnement poussa un grommellement sonore et mécontent, s'étirant ostensiblement tout en baillant largement, harassé par la tâche qui était désormais la sienne. Il avait tout juste quatorze ans, quatorze jeunes années, encore imbues de l'arrogance fraîche de l'adolescence et de ses espoirs juvéniles, naïfs et candides, et voguait alors aux côtés d'innombrables soldats de la justice, tantôt véreux, fréquemment bons et bien intentionnés. Il venait tout juste, par ailleurs, de consommer son fruit du démon, quelques années auparavant : il avait depuis eu maintes occasions de s'en servir, tant au combat que pour les tâches qui lui étaient généralement assignées, à savoir le repérage et l'observation céleste. C'était d'ailleurs pour cela que le marmot se trouvait à cet instant précis perché bien en hauteur, pouvant ainsi observer de tout son saoul l'horizon bleuté qui s'étalait alentour, et humer sans la moindre délicatesse les écumes aventureuses qui, quelquefois, se risquaient jusqu'à lui lorsque vagues tumultueuses se pressaient contre la coque impeccable du navire qu'il chevauchait. Avec un effort colossal, sinon titanesque, notre futur grand pirate se redressait difficilement, la bouche encore pâteuse et les membres engourdis. Le mât était trop petit pour qu'il ne puisse s'allonger de tout son long, et ses siestes fréquentes aboutissaient par conséquent fréquemment à ce genre de désagréments. Tout en se passant une main lasse dans sa chevelure dorée, le moujingue se releva pleinement, lorgnant avec désinvolture la personne qui le hélait, plus bas. Il le reconnut immédiatement : c'était James, l'un des plus éminents membres de l'équipage du colonel Hook, qu'ils servaient tout deux. Fort d'une vingtaine d'années de service, le malheureux n'avait toutefois jamais eu la chance d'écoper d'une montée en grade... Au contraire d'un Nakata qui, railleur, lui remémora cet état de fait désagréable au possible.

-Ho, James ! Je te rappelle que c'est Sergent Fenice, pour toi ! Tu ferais bien de me respecter, si tu veux pas finir aux latrines !
-De... Saleté de gamin ! Je t'ai tout appris ! Descend voir, que je te...
-Bah bien sûr ! T'as qu'à monter, toi ! Et si tu vas trop vite, je te rajouterai un peu de challenge en grimpant plus haut !
-Nakata, James, cessez ces enfantillages !

Le rire moqueur et enfantin du moujingue ainsi que la mine courroucée de son opposant furent simultanément tués dans l’œuf lorsqu'une nouvelle figure émergea des entrailles du navire : le lieutenant Hallister. Il s'agissait plus ou moins du second du colonel, et par conséquent d'un homme sérieux, compétent, que tout le monde devait respecter et à qui l'on devait obéir sans frémir ni piper mot. Cela, même un sale môme du calibre du Fenice l'avait aisément compris, et le tempérament joueur de ce dernier s'effaçait promptement lorsque le gradé pointait le bout de son nez. Car si la majorité de ses compagnons d'infortune appréciaient ses traits de caractère volontairement outranciers et provocateurs, James y compris, le lieutenant n'était pas à compter parmi ceux-là : il était quelqu'un d'acharné, qui passait le plus clair de son temps à travailler et à apprendre pour épauler son idole de toujours au mieux. Le colonel, quant à lui, était déjà de compagnie plus plaisante : il riait de bon cœur aux plaisanteries du Phoenix, imaginant sans peine que le jeune zoan était promis à une carrière glorieuse. Cependant, comme depuis leur départ de Seppen Town, le haut-gradé s'était cloîtré dans son bureau et analysait avec ferveur les différents rapports qu'il avait pu se procurer sur un équipage local, apparemment mené par celui que l'on nommait le capitaine Cid. Si le musicien en herbe ne savait pas grand chose sur ce forban-ci, il se doutait que l'objectif était, à terme, de l'enfermer derrière les verrous. Restait à savoir si les gouvernementaux allaient avoir la chance d'y parvenir... Et c'était-là une autre question ! Depuis l'arrivée de Gol D. Roger dans le Nouveau Monde et son émergence en tant que Seigneur des Pirates, les criminels semblaient s'être ragaillardis, revigorés, galvanisés. C'était là un beau pied de nez glissé aux forces de l'ordre que de parvenir à trôner en maître sur le Nouveau Monde et à soumettre les Empereurs eux-mêmes... Et pour tout dire, le mythique lui-même n'y était pas totalement insensible. La personne de Roger le fascinait, l'intriguait de plus en plus, et il se rendait compte petit-à-petit que les pirates n'étaient pas tous aussi sanguinaires que ses supérieurs ne le beuglaient à tort et à travers. Tous présentaient un égoïsme indéniable, mais une bonne partie d'entre eux n'usait pas de cet égocentrisme de façon nocive. Ils vivaient, libres et indomptables, simplement.

Nakata n'eut toutefois pas davantage de temps à consacrer au glorieux Seigneur des Pirates : le lieutenant en contrebas avait renvoyé James à ses tâches personnelles et se tournait désormais dans sa direction pour lui héler quelques ordres depuis le pont.

-Nakata, remplis donc le travail qui est le tien ! Vole, dépêche-toi !
-Bien, lieutenant...

S'il leva son regard au ciel dans un premier temps, à demi amusé, le garnement ne tarda guère à prendre appui sur la rambarde du poste de vigie pour se jeter dans le vide. Il ne termina cependant pas sa chute dans un choc maladroit : son corps s'enflamma promptement et il battit des ailes, revêtant sa forme de Phoenix pour filer en direction des nuages, profitant de son don incomparable pour mirer les divers navires qui les entouraient. Il n'y avait que peu de mouvements sur North Blue, en ce jour frais et ensoleillé... Mais ce qu'ils cherchaient n'allait guère tarder à se manifester.

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Fenice Nakata
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Dim 19 Mar - 2:05
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« I’m going to change you like a remix
Then I’ll raise you like a phoenix »

Quinze ans : pas totalement une femme, mais plus une enfant depuis longtemps. Enfin, j'admets que c'est plutôt relatif, surtout vu la position dans laquelle je commençais notre aventure du jour. Ma joue reposait contre une surface boisée, ma bouche pâteuse imbibée de l'odeur caractéristique des bureaux d'école, vous savez laquelle. Ma chevelure déjà volumineuse tombait en cascades bouclées sur mes épaules et dans le haut de mon dos, encore trop courtes néanmoins, à l'époque, pour dégringoler jusqu'à mes hanches. Mes sourcils étaient froncés et mon nez, retroussé, se dandinait d'un côté à l'autre. Ne désirant pas faire d'efforts, c'est à mon bras que je tentai de le frotter pour me débarrasser de cette sensation désagréable, sans résultat probant. Frustrée, c'est après avoir littéralement épuisé mes options (ouais, l'ignorer ou me gratter, très ingénieuse la Morgan de l'époque) que j'entrouvris les paupières, dévoilant mes iris fuchsia au regard félin. À peine m'étais-je exécutée que la lumière du soleil, filtrant par la petite fenêtre, vint me chatouiller, déclenchant une réaction de cause à effet pour ainsi dire incontrôlable. J'éternuai, projetant devant moi une vague fraîche, laissant des traces de givre contre le bois et, comble de malchance, les pages du livre que je lisais théoriquement. Théoriquement.

« Merde merde merde merde ! James va me tuer... »

Muée par un sentiment d'urgence, je me redressai sur ma chaise qui laissa échapper un craquement inquiétant, mais que je n'avais pas le temps de considérer. J'étais trop occupée à essayer de frotter les pages gelées de la paume de la main, comme pour chasser une saleté persistante. Au moins si je n'avais pas congelé plusieurs pages ensemble, mais là... Si je ne trouvais pas rapidement un moyen de réparer ma bêtise le livre serait fichu et moi avec. Étant naturellement très talentueuse et pas du tout maladroite, ce qui devait arriver arriva. Crac. Je laissai retomber l'ouvrage sur la table comme si j'avais eu peur de m'y brûler, dévisageant l'objet avec un air grave, le mettant au défi de se fendre une seconde fois. Aller, juste un autre craquement et je t'achève, salopard de livre qui ne veut pas coopérer ! Heureusement pour moi, et très logiquement à dire vrai, mon petit incident préféra s'en tenir là et, réciproquement, je décidai de lâcher l'affaire. Quitte à empirer les choses, autant m'atteler à réparer les pots cassés. C'est vers James, le second de Cid, que mes pensées se tournèrent. Relevant le museau timidement, prête à me faire taper sur les doigts, c'est avec grande surprise que je découvris être seule dans le bureau.

Clignant des yeux à quelques reprises, c'est en toute immobilité que je décris mentalement le cheminement inverse, pour mieux reconstituer les événements. Le livre, l'éternuement, ma sieste et, avant cela, le départ de mon enseignant attitré. Tout était en train de me revenir. James m'avait laissée à ma lecture avant d'aller s'occuper d'autres besognes. Je me frottai l'oeil du dos de la main, achevant d'échapper au sommeil. Vu le temps qui semblait s'être écoulé, je ne serais pas surprise qu'il soit revenu et m'ait trouvée endormie pour mieux repartir sans me réveiller. Ce serait bien son genre. Aussi strict et exigeant qu'il fût, ça n'enlevait rien à sa gentillesse sous-jacente et, pour le coup, j'avais doublement honte de moi. Je quittai donc mon siège sans plus tarder, replaçant sommairement mes cheveux avant de me diriger vers la sortie. Je devais au moins aller le rejoindre pour m'excuser et lui partager le sort malheureux de son ouvrage. Du moins c'était le plan, jusqu'à le trouver sur le pont, occupé à donner une leçon d'escrime à d'autres mousses. Mouais, pour le timing on repassera. Il me suffit de croiser son regard pour comprendre le message : va te montrer utile ailleurs, on discutera plus tard.

C'est donc ce que je fis, décidant de me tourner vers la vigie. Le vieil homme y siégeant la majorité du temps, pour ne pas dire en permanence, semblait certes difficile d'approche, mais l'expérience m'avait appris à l'apprécier pour ce qu'il était. Mieux encore, j'avais pris l'habitude de lui rendre fréquemment visite pour offrir d'aller lui chercher à boire ou à manger, voir le relayer pour lui permettre d'aller se reposer un peu. Et c'est donc ainsi que j'avais grimpé dans les cordages, sentant la brise du grand large s'engouffrer dans ma chevelure claire et le soleil taper sur mes bras nus. Arrivée tout en haut, je m'assis à cheval sur la rambarde, une jambe de chaque côté de celle-ci, sans crainte d'aucune sorte. Il faut dire que j'avais pris l'habitude à force.

« J'ai été libérée plus tôt, aujourd'hui ! Alors, on ne s'ennuie pas trop ici ? »

« Chhtt, y'a un truc bizarre en l'air. »

« En l'air ? »


Curieuse, j'avais incliné légèrement la tête sur le côté, rendue un peu perplexe par l'attitude du marin qui ne se séparait plus de sa longue vue, cette dernière orientée vers le ciel. Imitant le vigie, c'est mon regard que j'élançai vers l'azur, sans trop savoir ce que j'y cherchais. Si je ne souffrais guère de myopie, cela ne me rendait pas plus douée dans ce rôle qui n'était pas le mien et c'est sans surprise que je ne remarquai strictement rien. Heureusement, l'autre m'offrit sa longue-vue avant d'allonger l'index vers le ciel, pour me guider. Je le remerciai d'un geste du menton et retournai à mes recherches maladroites. Il ne me fallut pas plus d'une minute pour le trouver.

« Mais qu'est-ce que... ? »
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Fenice Nakata
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Dim 19 Mar - 10:46
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Le gigantesque oiseau azuré et son regard inquisiteur frayèrent puissamment les airs pour déceler au sein de cet océan glacial les anomalies ou les étrangetés qui auraient su abriter de la vie, celle qu'ils traquaient sans relâche depuis plusieurs jours. Les Seas Blues, sans être aussi impitoyables et imprévisibles que Grand Line, recelaient malgré tout de surprises et de nouveautés, jour après jour. Ici, sur North Blue, la température était fréquemment plutôt fraîche, malgré les rayons du soleil clairs et la chaleur qu'ils transmettaient. De ces conditions météorologiques particulières naissaient généralement un temps bleuté et céleste impeccable, lequel irradiait les marines au fur et à mesure de leur progression. Se frayer un chemin à travers les rares nuages et profiter de la brise marine tout en hauteur, c'était un plaisir incommensurable pour le garnement qui, pour autant, n'oubliait pas la mission qui le voyait virevolter gaiement et habilement : il devait mettre la main sur un équipage pirate, le plus promptement possible. La hauteur prise et l'avance engagée par Nakata lui permit bien rapidement de quitter les eaux sillonnées par le bâtiment naval de la marine pour se jeter à corps perdu dans la gueule béante de l'inconnue : ce qui s'offrait à lui échappait dorénavant totalement à la perception de ses collègues et supérieurs. Ceux-là n'avaient jamais eu de cesse de lui rappeler que la présence d'un zoan volant à bord était fondamentalement une chance, un privilège inouï pour le commun des mortels : il en prenait, dans ces moments-ci, pleine mesure. Car les gouvernementaux avaient un avantage indéniable sur leurs opposants, tant en terme de repérage que de filature... Et cela ne tarda guère à s'avérer payant. D'abord point à l'horizon, le navire du capitaine Cid se manifesta soudainement, apparaissant au creux de deux vagues délicates, bercés par ces flots d'une clarté divine. S'il ignorait s'il avait d'ores et déjà été remarqué, le Phoenix était sûr d'une chose : cela allait forcément être le cas s'il s'approchait davantage pour constater le nombre approximatif d'hommes et d'armes à bord. Alors, devait-il prendre ce risque pour le bien fondé de leur offensive à venir ? Après un bref instant d'hésitation, le Fenice se ravisa et se contenta de faire demi-tour, fier qu'il était d'avoir atteint son objectif. Le jeune sergent avait découvert leurs cibles et allait pouvoir en référer à ses compagnons d'arme... Le reste ne dépendrait plus seulement de lui, mais de chaque soldat en mesure de combattre.

Car s'il avait, bien entendu, tout ardent et courageux qu'il était, envisagé de se jeter à la poursuite des forbans seul et de les affronter sans avoir à jouir du moindre soutien de la part de ses collègues, il se souvint promptement que l'ordre ne lui avait pas été donné et que même en cas de victoire, les remontrances qui risquaient de lui être adressées allaient davantage tenir du sermon implacable plutôt que des félicitations grossièrement déguisées. De surcroît, si le blondinet jouissait d'un pouvoir incommensurable et rarement comparable à ce que l'on trouvait habituellement sur les Seas, il avait conscience des faiblesses qui étaient les siennes. Il suffisait d'une mauvaise chute ou d'un mauvais mouvement pour se précipiter dans les abysses bleutées de cet océan sans fond, ce qui ne tarderait bien entendu guère à causer sa mort... Dans ces circonstances, mieux valait donc pécher de prudence, et c'est pour cela qu'il s'en retourna vivement jusqu'au pont de sa propre embarcation où il se posa agilement, récupérant sa forme humaine sous les regards empressés et enjoués de ses camarades et sous celui, plus ferme, du lieutenant Hallister.

-Trouvés !
-Haha, parfait ! Bravo gamin !

Les clameurs qui montèrent immédiatement des rangs et les tapes amicales qu'on adressa par la suite à Nakata ravirent celui-là au plus haut point, attirant sur ses lèvres un sourire radieux et hautement satisfait. La première partie de l'opération s'était indéniablement déroulée sans encombre, et il ne restait dès à présent plus qu'à achever la petite affaire en s'opposant frontalement à ces forbans et en leur faisant regretter leurs odieuses exactions... Tandis qu'il transmettait la direction à prendre et la distance approximative qui les séparait de leurs cibles, le sergent éclatant se dirigea vers le poste de vigie, qu'il escalada agilement, avec une dextérité indéniable, et ce sans avoir à user de sa malédiction. Lorsqu'il fut à nouveau tout en haut, il attrapa son arme fétiche, un simple katana qui lui avait été offert lors de son entrée en fonction, et l'accrocha bien fermement à sa ceinture, prêt à retourner dans les cieux pour prendre un peu d'avance et jouir d'un effet de surprise certain. Malheureusement, une voix familière le coupa dans son élan, à la fois autoritaire et amusée : le colonel venait de sortir des entrailles du navire, en entendant l'engouement de ses subordonnés.

-Non, Nakata ! Viens par là !
-Oui, colonel !

Quoique légèrement surpris par la demande de son supérieur hiérarchique absolu, le marmot décida d'obéir sans poser davantage de question et se mit à dégringoler le long des cordages, avec le même doigté et la même précision que lors de son ascension. Lorsque ses deux pieds eurent enfin embrassés le plancher du pont, le colonel Hook s'avança jusqu'à lui et lui tapota l'épaule d'un geste paternel et fier.

-Bon boulot. Mais ton rôle s'arrête ici, ou presque.
-Comment ça, colonel ?
-Tu n'es pas prêt pour livrer bataille, pas encore. Dans un premier temps, tu t'occuperas des canons, avec quelques hommes sous tes ordres. Lorsqu'on aura engagé l'abordage, tu devras rester ici pour protéger le navire des intrusions ennemies. On devrait avoir l'avantage, mais on n'est jamais trop prudents...
-Mais... Je peux, et je veux me battre !

Le rire franc et éclatant du colonel Hook acheva d'apporter au visage encore juvénile de l'adolescent son lot de déconfiture et de lassitude. Ça n'était pas la première fois qu'on l'écartait précautionneusement des conflits, pour la simple et bonne raison qu'il manquait singulièrement d'expérience... Mais à ce rythme-là, il n'était pas prêt de livrer bataille avant belle lurette ! Devant son air interdit et son mutisme soudain, son supérieur sembla comprendre ce qui le tracassait, et tenta par conséquent de trouver les mots justes pour répondre à ses doutes et à ses incertitudes :

-Tôt ou tard, tu seras un marine exceptionnel, crois-moi. Tu me dépasseras même largement en grade ! Mais pour l'heure, tu es trop imprudent. La puissance que te confères ton fruit te grise, et c'est naturel. Tu dois comprendre que les hommes sous tes ordres ne sont pas aussi invulnérables que tu ne l'es : si tu te précipites dans une bataille sans la moindre précaution préalable, tu survivras assurément... Mais ceux qui te suivent pourront mourir à ta place. Cette bataille n'est qu'une arrestation. La mort doit être évitée, autant que faire se peut.
-Bien, colonel...

Là-dessus, et comme le colonel le contournait pour rejoindre d'un pas franc le lieutenant Hallister, d'ores et déjà occupé à la préparation de l'assaut, le sergent Fenice se contenta de traîner des pieds en direction des canons pour retrouver la petite équipe qui lui avait été assignée. En voyant son air abattu, ceux-ci comprirent sans la moindre difficulté qu'il souffrait du rôle qui était le sien. L'un d'entre eux, un prénommé Rémy, tout juste plus vieux que lui, lui adressa un signe amical en dressant son pouce et en lui offrant un sourire ravissant ainsi que quelques paroles encourageants :

-Nous sommes sous vos ordres exclusifs, sergent...
-Commencez par préparer les canons... On n'a pas trop le choix de toute façon.
-Colonel, Nakata avait raison ! Ils sont en vue !
-Parfait, prenez-les en chasse ! Aujourd'hui, capitaine Cid ira croupir en prison !

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Fenice Nakata
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Dim 19 Mar - 23:54
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« Ça repart dans l'autre sens. C'est dommage, j'aurais bien aimé le voir de plus près. »

Dis-je en refermant la longue vue, ma moue tournée vers l'azur. Parti, peu importe ce que ce fut. Un dénouement bien gênant pour une demoiselle se demandant toujours que faire du reste de sa journée. Ceci étant dit, d'autres avaient des projets pour moi et une voix s'éleva de nouveau à mes côtés.

« C'était probablement rien, mais pense à en glisser un mot aux patrons juste au cas. Ils ont vu plus de choses que moi sur les mers. Et quand tu reviendras, rapporte une couverture, ça caille ici. »


J'avais encore oublié ça. Si, pour ma part, la température était plus que confortable, il n'en allait pas de même pour tout le monde. Sans doute était-ce l'un des nombreux avantages que j'avais acquis au moment de mordre dans ce fruit au goût discutable (dégoûtant, il était franchement dégoûtant). Cette discussion étant visiblement terminée, je pris congé en descendant les cordages avec l'aisance d'une habituée, sautant les deux derniers mètres pour me réceptionner d'une roulade sur le pont. C'est au petit pas de course que je me relevai, la tête encore dans les nuages, me dirigeant sans réfléchir vers le stock de couvertures et d'autres bouts de tissu. Plus j'y pensais, plus j'avais l'impression d'avoir rêvé. Peut-être était-ce simplement une ombre bizarre ? Je n'en savais trop rien. En même temps bleu sur bleu... Bref. Je poussai la porte, marquant une pause dans l'embrasure pour laisser mes yeux s'accoutumer à la luminosité moins élevée.

À peine étais-je entrée qu'un son vint me titiller l'oreille. C'était subtil, calme, telle la respiration d'un grand fauve. Puis, sans crier gare, voilà que le bruit gonflait, enflait et se changeait en bruit de moteur irrégulier, un peu guttural. Tiens tiens, il n'y avait donc pas que des couvertures ici. Couché dos à l'entrée, l'air bien confortable au milieu de la lessive propre et des voiles de rechange, le Capitaine Cid avait trouvé le moyen d'échapper à ses fonctions. La cachette parfaite. À croire que je tenais plus de lui que je n'aurais bien voulu l'admettre, ayant moi-même fait un somme plus tôt. Pauvre James tout de même, devoir composer avec tout ça. Mais qu'importe. Un vague sourire aux lèvres, j'allai m'asseoir sur une caisse en bois, n'osant pas véritablement signaler ma présence. D'une part je ne voulais pas le déranger et, de l'autre, c'était bien de simplement l'entendre dormir. Ça me rappelait les premiers temps de mon arrivée avec une touche de nostalgie dont je ne faisais pas souvent l'étalage. Également, mon attitude témoignait fortement de ma naïveté de l'époque, moi qui pensais ne pas l'avoir éveillé de ma simple présence. Un pirate comme lui avait le sommeil léger depuis longtemps, évidemment.

« Maman, j'veux pas y aller. Laisse-moi dormir encore cinq minutes. »

Impossible de ne pas éclater de rire après ça. Qu'un homme adulte aussi imposant que Cid, aussi baraqué qu'un ours et au regard perçant comme l'aigle sorte un truc du genre était plus que déconcertant. Reconnaissant mon rire, le pirate se redressa avec une pointe de surprise avant de m'imiter et de céder à l'hilarité, passant une main contre sa nuque pour mieux adopter une position assise légèrement plus digne. Légèrement.

« Alors maintenant James n'est plus le seul à savoir que je dors ici. Tu d'vrais commencer à l'appeler m'man toi aussi, j'aimerais bien voir sa tête... M'enfin, t'es quand même pas v'nue pioncer aussi ? »

Je fis non de la tête, le mouvement se répercutant en ma chevelure ensoleillée qui vint me fouetter doucement les épaules. Mon sourire s'était fait plus contenu, mais n'avait pas totalement déserté mes lèvres rosées.

« Je suis venue prendre une couverture pour le vigie, il a froid tout en haut du mat. »

L'homme m'avait écouté et acquiesça avant de regarder autour de lui, visiblement en quête de quelque chose. De nouveau, je penchai la tête sur le côté, curieuse de voir ce qu'il était en train de faire. Au final, il abattit simplement l'une de ses grosses mains sur une couverture rugueuse qu'il lança vers moi. C'est de justesse que je la réceptionnai, dressant la dextre devant mon visage, alors que le capitaine sautait déjà sur ses jambes. Après avoir fait rouler ses épaules quelques fois, il marcha en ma direction et me donna une virile tape dans le dos, son air confiant faisant de nouveau empire sur ses traits.

« Alors ne le faisons pas attendre. Moi j'vais aller vérifier notre itinéraire avec M'man. »

Je tournai donc les talons, repartant comme j'étais venue, d'un pas rapide et décidé. Jetant la couverture sur mon épaule pour me libérer les mains, je commençai mon ascension. J'en étais environ à la moitié lorsqu'un cri tombant d'en haut me gela sur place. La marine ?! Portant un regard derrière moi, j'aperçus le navire faisant route sur nous à toute vitesse. Me mordant la lèvre inférieure, je retournai néanmoins à mes priorités, poursuivant mon escalade pour mieux enjamber la rambarde de la vigie, là où je pourrais être en sécurité. Enfin, disons surtout que, en comparaison des cordages, c'était un terrain plus sur. Je dépliai le bout de tissu avant de le planter sur les épaules du vieil homme qui ne me portait guère d'attention. En contrebas, la voix forte de Cid avait eu tôt fait de revigorer tout le monde. La fuite s'organisait et, dans le pire des scénarios, la contre-attaque.

Tendue comme la corde d'un arc, je restai à la vigie, consciente que je ne pourrais rien faire de mieux dans l'immédiat. Il n'y avait qu'à attendre, laisser passer les minutes, voir l'autre navire s'approche jusqu'à ce que, finalement, la confrontation devienne inévitable. Impuissante, je ne pouvais que me mordre la lèvre inférieure, regardant la première vague d'attaquants déferler sur notre pont pour mieux faire la rencontre de l'épée de notre James et des poings dévastateurs de Cid. Que faire ? Je pourrais toujours sauter en bas et tenter de les aider, mais je pourrais alors courir la chance de nuire à mes camarades dans leurs propres affrontements. Pas le choix, je devrais m'y prendre autrement. La solution s'offrit d'elle-même : pendant qu'ils procédaient à l'abordage de notre vaisseau, qui protégeait le leur ? En toute franchise, mon idée ne me plaisait que partiellement. J'étais bien consciente des risques, mais ne pouvais pas non plus demeurer là les bras croisés. Pas alors que, sous nous, la bataille faisait rage. Et c'est donc comme ça que je décidai de ramasser la corde enroulée à mes pieds, croyant avoir trouvé l'idée du siècle.

« Hey la p'tite ? Tu fais quoi ?! »

Je passai un bout de la corde de l'autre côté du mat pour l'en entourer, tentant vainement, par la suite, de faire un noeud. En tirant un peu, toutefois, celui-ci se défit en m'arrachant un juron. Pour faire ce que j'avais en tête, il était impératif que la corde tienne. Je n'aiderais personne en allant m'échouer dans l'eau séparant les deux navires. Débrouillarde, c'est avec d'autres moyens que j'entrepris de fixer le tout. Rien de tel qu'un gros cube de glace bien solide pour m'assurer du succès de mon plan. La corde ne bougerait plus d'un pouce. Confiante autant que faire se peut, il ne me restait plus qu'à m'accrocher et, surtout, à prendre mon courage à deux mains.

« Morgan ? »

« On se revoit plus tard ! Cowabung-- AAAAAAAAHHHHHH!!! »


Attendez avant d'applaudir mon sens de l'initiative. Je me suis retrouvé les pieds battants dans le vide, suspendue au-dessus de la mêlée. L'océan était juste là, menaçant sous ma personne, mais il n'était pas le moment d'hésiter. J'avais un bon élan, hors de question de ne pas en profiter. Mes mains s'ouvrirent donc et mon corps poursuivit son chemin, mes yeux grands ouverts et mon coeur battant à tout rompre. C'est avec une chance insolente que je réussis à atterrir sur le pont du bateau ennemi, jambes devant, roulant ensuite à toute vitesse pendant quelques mètres avant de m'immobiliser. Tout s'était succédé très rapidement. Ciel, pont, ciel, pont, ciel, pont. Je croyais d'ailleurs avoir foncé dans quelque chose ou quelqu'un dans la manœuvre, mais étais trop occupée à retrouver mes esprits pour en être certaine. Difficilement, j'entrepris de me relever et de remettre de l'ordre dans ma chevelure de paille.

« Ouf... Quand je vais dire à Mei'Lou ce que j'ai fait sans elle... »
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Fenice Nakata
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Mar 21 Mar - 21:40
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-Ils ne répondent pas aux sommations !
-C'était à prévoir. Tant pis... Notre navire est plus rapide que le leur. Arrosez-les, nous passerons à l'abordage dès que nous en aurons l'occasion.
-Vous l'avez entendu ? Feu !

Frustré et anxieux, le Phoenix l'était : on lui retirait le droit de lutter au sein d'une bataille dans laquelle son fruit du démon aurait pourtant pu s'avérer grandement profitable... Et comment pouvaient-ils être sûrs de l'emporter, s'ils n'abattaient pas intelligemment toutes les cartes en leur possession, les unes après les autres ? Bien sûr, Nakata reconnaissait incontestablement le talent de combattant du colonel Hook, grand bretteur de son état, et celui certes plus discret mais non moins remarquable du tireur lieutenant Hallister, mais les pirates qui leur faisaient face avaient commencé à se forger une petite réputation, avec tout ce que cela impliquait. C'était parce que leurs actes étaient préoccupants, après tout, que les marines avaient décidé de s'élancer à leur poursuite... Ainsi donc, le marmot se mit en tête qu'il devait décharger ladite frustration accumulée en redoublant d'efforts dans l'exercice de ses fonctions. C'est ainsi qu'il prit très à cœur le rôle qui était le sien, braillant des ordres aux hommes sous ses ordres à qui mieux-mieux, le tout avec un air étonnamment autoritaire qui tranchait pourtant singulièrement avec son apparence toujours juvénile. Pudiques et respectueux, ses subordonnés eurent tout du moins le mérite de ne pas lui faire remarquer cette anomalie et lui obéirent sans piper mot, mettant toute leur âme à l'ouvrage : il n'était guère heure aux plaisanteries, après tout. Lorsque les deux navires furent suffisamment proches, les gouvernementaux durent toutefois cesser canonner l'embarcation adverse, laissant les combattants se préparer à engager l'abordage, ce qu'ils firent sans plus attendre lorsque les deux coques imposantes se percutèrent latéralement dans un brouhaha dantesque. Si le Fenice dût lutter pour conserver l'équilibre dans un premier temps, il récupéra promptement et sentit bien vite son rythme cardiaque s'emballer à mesure que les siens s'élançaient vers le combat qui allait les couvrir de gloire ou bien les livrer à la mort. Il avait pleinement conscience du fait que c'était certainement la dernière fois qu'il voyait certains d'entre eux, même si le colonel avait pour maxime de toujours éviter la mort lorsque cela était envisageable... De chaque affrontement découlait une cruauté, même des plus raisonnables.

Les quelques hommes qui étaient encore présents à ses côtés entreprirent alors de se débattre avec les cordages : il fallait demeurer proches du navire adverse, à tout prix, afin de permettre une retraite tactique si la situation l'exigeait. Isoler des hommes en terre ennemie, c'était les abandonner, et puisque leurs gradés avaient décidé de mettre la main à la pâte, il était inenvisageable de simplement reprendre de la distance avec le marasme et les tumultes de la bataille... Le blondinet, pourtant, ne put se résoudre à agir de la sorte. Il ne se voyait guère travailler les voiles dans un tel instant, aussi enivrant et glauque que stressant et captivant. Les cris, les coups de feux, les échanges métalliques le galvanisaient et mettaient son âme en émoi. S'il voulait y prendre part, le plus lassant était encore de savoir que ce n'était pas près d'être le cas : les prochains abordages ne seraient pas plus mouvementés pour le zoan, pas tant que ses supérieurs finiraient par admettre sa maturité précoce. Avec toute l'intensité des combats qui s'offraient à ses prunelles et les drames humains qui en découlaient naturellement, l'adolescent en vint toutefois à faire montre de son inexpérience flagrance : il ôta momentanément de ses pensées les ordres qu'on lui avait donné, à savoir surveiller chaque mouvement ennemi de sorte à pouvoir protéger le bateau de la marine de manière efficace.
Tant et si bien que lorsqu'une silhouette s'écrasa sur le pont, à quelques pas de lui seulement, le Phoenix se mit à tressaillir puissamment. Il ne s'était guère attendu à un choc aussi puissant et aussi proche de lui... Savoir qu'il s'agissait de surcroît d'une personne l'angoissa avec virulence, et il eut le réflexe mécanique de tirer son katana au clair, dégainant avant d'arborer une posture défensive encore grossière, laquelle mettait en avant son jeune âge en dépit de l'uniforme de bas gradé qu'il revêtait fièrement. Sans réfléchir et sans chercher à analyser la menace qui planait désormais sur lui et sur l'intégrité de ce sur quoi il aurait dû veiller plus sérieusement, Nakata se mit donc à beugler quelques ordres d'une voix hésitante avant de se raviser, finalement, en constatant l'identité surprenante de cette silhouette qui s'avéra être une intruse plutôt qu'un pirate sanguinaire.

-Vous ! Ne bougez plus ! Vous êtes en état d'arr...

Le Fenice sentit son cœur rater un battement et le plancher se dérober de sous ses pieds. Ses paupières s'écarquillèrent lentement, sous la stupéfaction et l'incompréhension. Cet intrus était non seulement une femme... mais jeune, de surcroît ! A tout casser, elle semblait être plus ou moins de son âge... Et présenter par ailleurs un certain lot de ressemblances avec le Phoenix, à en commencer par sa chevelure dorée, certes néanmoins plus ébouriffée que celle du jeune soldat.
Si le marine perdit donc la notion du temps quelques secondes durant, il finit par balbutier tout en clignant des yeux, perdu face à ce spectacle incroyable. Il ne savait guère comment réagir face à cette apparition, ne sachant en vérité pas trancher quant à la qualité qu'il devait lui attribuer. Devait-il la traiter en tant qu'ennemie ? Il ne pouvait s'y résoudre... Elle avait l'air si jeune, si pure, si délicate ! Le gouvernemental se mit donc à élaborer une théorie folle, en réponse à ce cas de conscience déchirant qu'il ne savait résoudre. Il était probable qu'elle soit une otage... Effaré, et soudainement gêné par cette perspective qui aurait pu reléguer son comportement actuel à celui d'un goujat indiscipliné et irrespectueux, le garnement rengaina sèchement avant de se diriger, inquiet et soucieux, droit vers la demoiselle en question qu'il héla par la suite plus délicatement.

-Excusez-moi... Vous êtes blessée ? Vous... Venez du navire ? Ils ne vous ont pas fait de mal ?

Oui, pour le coup, le mythique était complètement à côté de la plaque... Et c'était probablement pour cela que le colonel Hook avait jugé bon de le laisser en faction sur le navire. Pour lui éviter ce genre de désagréments... Car, quoi qu'il ait pu en penser, la vérité demeurait là : l'épéiste en herbe n'était pas prêt du tout à arpenter des champs de bataille.

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You think that you caught me, I can hear you taunt me
Fractured and I'm falling down, My enemy is watching me bleed

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So watch me burn.
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Fenice Nakata
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Jeu 30 Mar - 4:31
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« I’m going to change you like a remix
Then I’ll raise you like a phoenix »

Maintenant que ma petite cascade s'était soldée d'une réussite, le plus difficile était encore à venir. Certes, je me tenais sur le pont ennemi, mais ensuite quoi ? Comment pourrais-je leur nuire suffisamment pour ramener tout ce joli monde à bord, sans pour autant les priver de leur vaisseau en pleine mer. Au moins si j'avais eu des connaissances plus poussées à propos des bateaux, peut-être aurais-je trouvé réponse à mes interrogations. Sans doute aurais-je du penser à tout cela avant de me quitter le mat en grandes pompes, rendue impulsive par le sentiment d'urgence, mais il était beaucoup trop tard pour me laisser aller aux regrets. Il était temps d'agir, tout simplement, ce qui n'allait pas être aussi facile que je l'espérais. En effet, on me tira de mes réflexions avant même que je n'aie terminé de me relever alors qu'une lame affutée avait été pointée vers moi. Je déglutis, entendant cette voix m'ordonnant de rester immobile. Malgré mes intentions et contre toutes attentes, mon premier réflexe fut de lui obéir, ne me redressant que très lentement pour diriger mon regard vers l'inconnu.

Ce dernier semblait franchement surpris par mon allure et, à dire vrai, n'était pas le seul à être frappé d'un tel sentiment. L'unique différence, c'est que le blond paraissait simplement choqué. De mon côté, la réaction était un peu plus compliquée, plus conflictuelle. Son âge devait sensiblement être le même que le mien et son regard agrandi était parcouru d'une certaine innocence qui m'empêchait de lui en vouloir et c'est précisément pour cela que j'ai commencé à le détester sans même le connaître. Pourquoi fallait-il que la première personne que je rencontre me semble aussi inoffensive, aussi désemparée et gentille ? Le seul crime qu'il avait commis, c'était d'être dans le camp adverse pour des raisons qui, comme moi, le dépassaient probablement. À cet âge, est-on vraiment maître de sa destinée ? Malgré mes belles paroles et mon entêtement naturel, j'osais croire que non. C'est donc pour cela que je restai plantée là avec une moue quasi boudeuse, mon regard magenta le fixant sans ciller, dur et froid. Mes petits poings de jeune femme étaient serrés, mes ongles en pénétrant la paume pour exprimer ma frustration.

Comme finalement tiré de sa transe, le matelot reprit ses couleurs, clignant des yeux avant de ranger son arme. De nouveau, il semblait plus gêné par ma présence qu'autre chose, n'arrivant visiblement pas à me considérer comme une ennemie. Encore une fois, malgré l'opposition, nous étions identiques. Lui se voyait confus d'être confronté à une pirate d'allure aussi pure et, inversement, je bouillais intérieurement de trouver un soldat de la marine que je ne puisse pas maudire pour sa stupidité et son inclinaison à suivre les règles sans les questionner. C'était l'une des premières fois que l'on me forçait à envisager les choses autrement et, pour être parfaitement honnête, je n'y étais pas prête. Malheureusement, mon alter ego se contenta malgré tout de ce qui lui semblait couler de source, sans se douter de la réaction qu'il allait provoquer en moi. Avenant, le blond s'approcha en s'enquérant de mon état, de blessures potentielles. Physiquement, j'allais très bien. Si je venais du navire ? Oui, bien sûr, je n'étais quand même pas tombée des nuages. Pourquoi tant de prévenance ? Que pensait-il que j'étais ? Ah. Voilà. Ils ne vous ont pas fait de mal ?

La question de trop, la question stupide. Comme si Cid, James, cet imbécile de Wilfred, le vieux gars de la vigie, Mei'Lou... comme si un seul d'entre eux aurait pu me faire du mal. Ils m'avaient nourrie, m'avaient appris à lire et à écrire, à compter. Ils m'avaient offert un refuge, une nouvelle maison, des perspectives d'avenir. Ils me permettaient de découvrir le monde, de me réveiller chaque matin avec le sourire pour admirer la vaste étendue d'eau qui s'étalait devant nous, ne demandant qu'à être explorée. Et voilà que ce blond, ce soldat, débarquait avec plein de bonnes intentions, croyant qu'il viendrait me secourir de je ne sais quel destin tragique, insultant mes amis au passage. Sa gentillesse me rendait malade. Ne voyait-il pas ce qu'il était en train de faire ? Si j'avais été plus mature, peut-être aurais-je été à même de le comprendre, de lui tendre la main moi aussi, mais ce n'était pas le cas. Tout ce qui comptait, c'était encore de protéger les miens et leur honneur avec. C'est d'une impulsion furibonde et irrationnelle que je lançai mon poing en sa direction, visant sa mâchoire, sans sommations. Allais-je réussir à l'atteindre ? Aucune idée, mais je ne m'en souciais même pas. Je ne réfléchissais pas.

« Ces gens sont ma famille, connard !! »
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Ven 31 Mar - 19:14
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C'étaient son inexpérience et sa candeur qui parlaient pour lui. Comment diable aurait-il pu penser une si frêle et délicate jeune femme responsable de crimes odieux et aberrants ? Elle n'avait rien d'un criminel véreux, d'une infâme raclure égocentrique, d'un monstre de vices et de malices : elle était une gamine, comme lui, avec sa jeunesse et sa simplicité, avec sa franchise et sa droiture... Ainsi donc, Nakata avait songé plus sage que l'ériger d'entrée de jeu en victime d'un enlèvement, d'un rapt quelconque. En bref, il ne pouvait pas considérer qu'elle se trouvait en haute mer à bord d'un navire criminel de son propre chef. C'était un raisonnement étonnamment simpliste et qui exhalait outrancièrement la candeur passée du futur Schichibukai : il n'était ni plus ni moins qu'un marmot, qui n'allait pas tarder à comprendre que le Monde vaste n'était pas aussi évident qu'il n'y paraissait. Incapable de se rendre compte de son manque certain de clairvoyance, l'adolescent fit donc les premiers pas en direction de la blondinette, le tout en lui tendant une main fraternelle, amicale et chaleureuse, bienveillante à souhait. S'il n'avait pas reçu d'éducation complète à proprement parlé, ayant été enrôlé de son propre chef dès l'âge de dix ans, on avait néanmoins pris le temps de lui inculquer les valeurs les plus élémentaires : l'amour de son prochain et la galanterie en faisaient partie indéniable, d'autant plus qu'il avait fait ses classes au sein de la marine d'East Blue majoritairement, océan de quiétude où bien peu de gradés étaient doublés de crapules. Toutefois, ce qui achevait de le rendre aussi méprisant vis-à-vis des règles pourtant logiques et limpides de précaution et de sécurité, c'était bien entendu la présence d'un pouvoir mirifique et extraordinaire au sein de son corps juvénile. Le Fenice n'était plus un simple garçonnet depuis belle lurette : il était un combattant incroyable, d'un potentiel incommensurable, l'homme le plus invincible, au sens propre du terme, que puisse alors receler North Blue, voire le Monde tout entier. Comment donc aurait-il pu craindre une réaction, quelle qu'elle fut, de la part d'une demoiselle en détresse, effroyablement jolie au demeurant ? C'est pour cela que le Phoenix ne bougea pas d'un pouce tandis que la princesse, preste et vive, s'égosillait pour lui faire regretter son arrogance et sa gentillesse désintéressée, mais, force était de le reconnaître, terriblement maladroite.

Ainsi, lorsque la jeune femme ravala la maigre distance qui les séparait, gommée au préalable par le tempérament chevaleresque du soldat en herbe, ce dernier eut à peine le temps d'écarquiller les paupières sous le coup de la surprise et de l'hébétement. S'il s'était attendu à toutes sortes de réactions, jamais, ô grand jamais il n'aurait pu envisager que la main de la blondinette puisse venir percuter sa pommette de plein fouet. Le petit poing avait beau sembler frêle, délicat et raffiné, il n'en mordit pas moins le visage du mythique avec une virulence extravagante et une détermination invraisemblable, lesquels balayèrent le bas-gradé sans plus de cérémonies. Celui-ci, incompréhensif, bascula violemment en arrière et s'écrasa un petit mètre plus loin, lourdement et sèchement, l'arrière de son crâne cognant contre le parquet du pont du navire. S'il ne souffrait d'aucune blessure majeure, dire que Nakata ressortit indemne de cet assaut tapageur aurait été grossièrement exagéré : ses pensées en vrac et la moitié de son visage légèrement endolori, agonie qui s'estompa bien vite à mesure que son fruit remplissait office, le zoan se passa lentement et douloureusement une main maladroite dans les cheveux avant de balbutier quelques paroles sans significations aucunes, ayant simplement besoin d'un peu de temps pour enregistrer les dires de la demoiselle et pour savoir y réagir avec pragmatisme et intelligence. Lorsque cela fut enfin chose faite, le marmot stupéfait se redressa précipitamment, levant ses mains innocentes à hauteur de buste, dévoilant ses paumes à son assaillante tout en prenant la parole plus précautionneusement qu'auparavant :

-Non, attendez, calmez-vous ! Je... Je ne veux pas vous combattre, vous n'êtes pas une criminelle !

Et oui : même si l'adolescent semblait avoir durement intégré le fait que la jeune femme était venue du navire pirate et qu'elle y avait vécu de son plein gré, il avait du mal à croire qu'elle puisse être aussi vicieuse et instable que les pirates qu'elle fréquentait. Dans les faits, seul le capitaine semblait dangereux et redoutable : c'était en son nom que les justiciers s'étaient élancés, et c'était uniquement pour le mettre derrière les barreaux qu'ils se retrouvaient précipités en plein abordage. Les autres forbans n'étaient pas aussi terribles, et leurs captures n'auraient été qu'un plus léger et négligeable. Autrement dit, s'ils se tenaient à carreau, il était envisageable que les marines leur rendent leur liberté... Non ? Non, bien évidemment, mais cela, le Fenice ne s'en doutait guère : il avait entendu parler de procès, de jugements, notamment dressés à Enies Lobby, et s'était figuré que les juges et jurés étaient de nobles personnages, objectifs et ouverts d'esprits. Maintenant que la possibilité d'un forban pur et délicat lui apparaissait comme une évidence, le marine s'imaginait naïvement que le tri était fait de manière sérieuse et professionnelle, pour ne pas tous les envoyer à Impel Down mourir bêtement au nom d'une paix stérile et d'un équilibre de toute façon précaire... Oui, si la jeune femme se tenait tranquille dès à présent, elle pourrait reprendre sa vie en main de manière plus saine et plus sereine ! C'est pour cela que, bêtement non violent, l'artiste en herbe persévéra.

-Si vous acceptez de vous calmer, je suis sûr qu'on pourra vous ramener sur votre île ou... Peu importe, où vous voudrez ! Vous n'avez pas besoin de combattre pour eux, je veux dire... Vous n'irez pas en prison, faites-moi confiance !

Restait à savoir ce que la jolie frimousse allait bien pouvoir penser de sa sympathique bienveillance. Dans tous les cas, cette fois-ci, le moujingue allait s'avérer évidemment nettement plus vigilent, plus concentré, et ce sur le moindre de ses mouvements, sur la moindre esquisse de déplacement trop prompt ou trop brutal à son goût. Certes, grâce à sa malédiction, il ne craignait pas vraiment de blessure majeure, mais il préférait éviter de souffrir, dans la mesure du possible... Car sous forme humaine, il ressentait évidemment la douleur, même éphémère !


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