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Edward Lawrence
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Dim 17 Mar - 21:35


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Début 1510 ~ Burj Babil - Coeur du Nouveau Monde




Une salle obscure.

Dans l’âtre, un bouquet de flammes oscillait paisiblement dans un doux crépitement qui résonnait dans l’austérité de la pièce, tandis que ses lueurs allaient se refléter sur les surfaces lisses qui composaient les sols et les murs.

D’un geste souple et parfaitement dosé, mon poignet pivota quelque peu, intimant ainsi un courant dans le liquide carmin retenu prisonnier dans le carcan de cristal lui-même assiégé par mes doigts gantés.

J’humai le distingué nectar, tandis que mes yeux roulèrent sur le mobilier luxueux qui m’entourait, comme pour me remémorer le doux fumet de la réussite.

Et puis, sis là , dans l’un des massifs fauteuils recouvert de velours noir, se trouvait un homme avachis, le regard perdu dans le vide situé en dessous du lustre serti de diamants qui nous surplombait. De temps à autre, son regard carmin se décrochait du vide pour s’enticher de nouveau au bout de papier disposé sur la table basse situé en contrebas de son fauteuil, pour lequel il semblait alors afficher une indolente fascination, et dont les oscillations frénétiques avaient quelque chose d’hypnotique.

D’un tic désapprobateur, je me détournais de cet être qui cristallisait en cet instant l’écrasante majorité de la déception que je pouvais éprouver. C’était simple, depuis son arrivée, il arborait le même comportement détaché et semblait accorder plus d’importance à sa maudite boussole de papier qu’à ce que j’avais pu bâtir. Et cela me déplaisait fortement.

Mon regard se porta alors une nouvelle fois par delà l’imposante surface vitrée tamisée, comme pour tenter de percer à jour les sombres ruelles qui s’étendaient à l’extérieur. Vue de l’extérieur, le bâtiment dénotait très clairement avec l’architecture locale et constituait une anomalie : ses murs lisses qui luisaient d’un éclat sombre contrastait avec les ternes façades des bâtiments voisins qui semblaient usées par le temps, ou par les échoppes de fortune qui jonchait les ruelles adjacentes.

Une hérésie architectural idéale et symbolique que j’avais érigé tel un monument venu à rappeler au monde cet immuable dogme :

« Les hommes ne naissent pas égaux. »



Et ainsi commémorer la noblesse inscrite dans nos gènes : à travers leur échec, je voulais leur rappeler ma réussite. Parmi les miséreux et autres pouilleux, nous étions l’élite destinés à surplomber tous ces insectes. Cette île n’en était-elle pas l’un des plus beaux symbole ?

Notre opulence ne pourrait avoir que le ciel pour limite.

Oui, dans cet espace clos, nous étions passablement coupés du ciel supposé nous toiser et étions à l’abri des pluies et autres intempéries climatiques. Mais les nouveaux employés de l’entreprise recrutés localement ne pouvaient s’y tromper : sous mon toit la seule chose qui daignait pleuvoir, c’était les billets.

« Alors, comme je l’évoquais à l’instant, les différentes branches d’activités sont en place : les rouages s’accordent peu à peu et donneront bientôt vie à ce formidable ensemble qui viendra compléter notre nébuleuse. »


Un véritable bijou commercial élaboré de mes mains qui décuplerait notre main mise économique sur ce bas monde. Mais plus encore, elle devait mettre en application les insidieux desseins que l’Architecte avait imaginé.

« Et notre intégration à l’assemblée ? »


« C’est désormais chose faite : nous avons acté hier les formalités contractuelles et ainsi conclut la transaction avec notre partenaire d’affaire pour la cession totale de son affaire et de son siège parmi l’Assemblée. »


Des centaines de milliards investis dans cette opération d’envergure qui nous offraient une place confortable parmi les trente plus grosses fortunes de la cité. Et nous ouvraient les portes d’une pléthore de possibilités.

« Hunter x Hunter… »


La voix rauque venait de faire voler en éclat le semblant de quiétude qui semblait régner jusqu’alors sur notre assemblée élitiste. Et pour cause : l’intervention sonnait comme un appel à la guerre, et émanait du plus dangereux de nous tous.

« Chassés ou être chassés… Chasseurs versus Chassés… Ils ont voulu monnayer notre liberté… alors nous monnayerons jusqu’à voir leurs têtes rouler. »



Edward Lawrence - Nébula
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__________









La piraterie n'est jamais finie.

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Mar 19 Mar - 19:46


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Mars 1510 - Burj Babil - Coeur du Nouveau Monde

Là, dans la succursale d’une boutique où s’était massé un lot invraisemblable de types bien fringués ou se voulant tels. Blessures, brûlures et cicatrices ; poings serrés et jointures blanchies ; cous massifs grimés d’un même tatouage ; le tout empaqueté dans des costumes à plusieurs millions ; ornés de ceintures et holsters encombrés de ferrailles aiguisées ou sciées, un art en soi, une contradiction frisant la provocation de l'autre. Une pièce donc, plutôt un local : trois murs surdécorés et une vitre donnant vue sur l'attroupement. Celle-ci s'étriquait à mesure des négociations, une lumière qui passait de tamisée à lugubre au fil de la conversation.

-Vous n’êtes qu’un inconnu, pour le milieu. Cet acompte est pour nous une garantie. Le binoclard s’arrêta, balaya l’air devant lui comme pour se défaire d’un doute. Vous avez tout à gagner à devenir notre client, tandis que de notre côté… La voix jusqu’alors affable s’aggrava d’un coup. Croyez-vous que votre argent ne se dépense pas plus facilement que celui d’un autre ?

Spoiler:

Son regard s’était planté dans celui de son interlocuteur. «The Warrant» avait été introduit au pirate comme le point d’entrée d’un vivier conséquent de mercenaires. Pour cause, celui-ci était affilié, selon ses dires, à l’un des sièges de l’Assemblée et contractait des portions de sa main d’œuvre pour professionnels et particuliers. L’homme d’affaire s’était ancré sur ses appuis avant de reporter son attention sur celui qui se tenait aux côtés du Baxter : Phô. C’était l’intermédiaire qu’avait dégoté Basil à sa première venue sur Burj Babil, il aurait été ancien membre de la Triade et se serait décidé à devenir un indépendant. Son offre était de mettre son réseau à disposition de ses partenaires, moyennant commission.


Spoiler:

-Basil, à ta place je me raviserais et verserais le montant. Le criminel fit naturellement pression.
-Mais, je…

Le doute sembla s’écouler sur Basil. Il s’était redressé subitement, prenant appui sur les accoudoirs d’un fauteuil glouton et inconfortable, et avait planté son regard sur la feuille que l’autre à sa droite lui tendait. Son index pointait des lignes, ci-et-là, tout en murmurant des commentaires inaudibles et certainement inutiles. Le sous-texte était pourtant clair, mais le forban préférait ne pas chercher à s'y plonger. Il ne voulait pas de ce savoir, il le refusait car il le dégoûtait.

-C’est le prix pour devenir un de nos clients. Un partenaire, même, car si vous vous montrez fiable, avec pareille offre pour nos hommes, je suis certain que notre courant d’affaire atteindra nos sommets financiers.
-Tu deviendrais l’un de leurs meilleurs clients, Basil. Tu sais ce que ça veut dire ? Ces bateaux, ces têtes, tout ce que tu demandes : tu l’obtiendras.

Combien de milliard de berrys avait-il entre les mains ? Qu’allait engendrer la décision qu’il allait prendre ?  

-Je… Ses lèvres se scellèrent, avant de s’étirer en une grimace paraissant de détresse. Je… Qu’est-ce que je dois faire ? Tu penses vraiment que c’est un bon choix, Phô ?
-Je me tue à te le dire. L’intermédiaire sortit un stylo de sa veste, puis le tendit à Basil. Ce qui est bon pour moi, l’est tout autant pour toi. Un rictus blanc cassé ponctua sa phrase. C’est ça, d’être associés.

Le corps du pirate s’arqua puis trembla comme une branche au vent. Il semblait vouloir contenir la sensation qui le parcourait. Elle lui procurait un quelque-chose d’étrange, que ni l’alcool ni le reste ne savait lui apporter. Un soulagement le parcourut  enfin, à mesure que Basil se ressaisit : ces questions n'avaient lieu d'être.

-Associé ? Il explosa de rire puis son expression vira au marbre. C’est un terme que je n’étends qu’à ma capitaine

Derrière «The Warrant», la vitre se fissura dans un bruit sourd.


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Eden Chapter
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Sam 23 Mar - 22:06
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Burj Babil – Mars 1510


31 Octobre 1439 – Quelque part sur Grand Line

La neige s’engouffre dans chaque repli de mon manteau, cruelle, intransigeante. Une énième fois, je remonte mon col, tentative dérisoire de garder le peu de chaleur qui ne m’a pas encore quitté. Je déteste le froid. Donnez-moi du soleil. Du soleil et du vin.

Loin derrière, à peine perceptible sous le vent, le clocher sonne. Douze coups. Tous sur ce pauvre bout de terre désolée savent ce que cela veut dire. L’heure des loups. Il ne m’inquiètent pas. Si seulement il pouvait y avoir un peu de soleil. Juste un peu de soleil.

A tâtons, je cherche la poignée, grimaçant à la morsure glaciale de l’air sur la peau nue de ma main. Je referme aussitôt, inspire, crache à terre. La pièce empeste à plein poumons les excréments et l’encens. J’ai peine à me tenir debout. Les cris emplissent l’espace. Je vacille. Ainsi, l’histoire est vraie.

La vie n’est qu’un éternel recommencement. C’est que Saga disait toujours. Sans doute se pensait-il d’une sagesse profonde. Il me maintenait le menton d’une main ferme, cherchant à scruter mon âme au plus profond de mes yeux tandis qu’il m’assénait sa révélation dans un souffle de rhum et de tabac froid. Il me faisait mal. La vie n’est qu’un éternel recommencement. Un passage, un manège, un échange, un partage – mais à sens unique. Un emprunt à taux variable. C’était incohérent. Je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas.

Il me fixe, sans vraiment me regarder. Je le regarde, sans savoir quoi voir. Cette chose improbable, mauvaise farce de la vie, anomalie du destin, mélange hasardeux de deux êtres qui n’auraient pas du se croiser. Est-il aussi perplexe que moi ? La vie n’est qu’un éternel recommencement, et nous sommes condamnés à tourner. Tourner pour l’éternité.

Les cris reprennent, et soudain, j’éclate. D’une main, je le prends aux bras froids qui l’enserrent, le soulève face à moi. Mon rire tonne dans la pièce, se mêle à ses pleurs. Ensemble, ils écrasent, au dehors, le hurlement du vent et des loups. Un instant qui dure une vie. Un tour. Nous sommes plus puissants que l’hiver. Puis, tout s’étouffe. Ma voix meurt au fond de ma gorge, aussi brusquement qu’elle y est née, disparaissant en un raclement rauque et cassant. Je crache à nouveau. Une petite flaque écarlate sur la moquette poisseuse. Il se tait, m’observe.

La vie est un éternel recommencement. Un passage, un manège, un échange, un partage – mais à sens unique. Un emprunt à taux variable. Je le lui dirai. Peut-être un jour comprendra-t-il.

Une vie, ce n’est qu’une vie. Celle-ci, comme la mienne.

Je rentre à la maison.

Je retrouverai le Soleil.


__________________


Sa nervosité devient de plus en plus visible. Derrière les verres rectangulaires, ses yeux carmins sautent d’un point à l’autre avec attention. Léon n’aime pas cet endroit, pour la simple et bonne raison que cet endroit ne les aime pas. D’un regard mauvais, il détaille chaque devanture mal condamnée, chaque pouilleux les fixant d’un air hagard, chaque brute tatouée écrasant son cigare à la terrasse d’un bouge malfamé, chaque portier de casino ou de maison de passe les alpaguant crassement. Chacun d’entre eux bondirait en un battement de cils, s’il flairait la petite fortune facile qui se traînait devant lui.

Les doigts de sa main gauche pianotent contre sa cuisse. Un endroit pareil, ça leur ressemble bien. Il sera tranquille une fois qu’ils les auront rejoint. Pour la millième fois depuis qu’ils ont mis pied à terre, il se force à ralentir le pas. Sur son avant-bras droit, tenu à l’horizontale, les doigts noueux resserrent fébrilement leur prise. Léon réprime une grimace. Il accélère à nouveau, malgré la respiration sifflante qui lui parvient sous la large capuche anthracite.

__________________

Sa tête penchait. La froideur du mur traversait ses vêtements, pénétrait ses os. Auparavant, le froid ne l’avait jamais dérangé ; il le sentait à peine. Aujourd’hui…

Il inspira longuement, étouffa difficilement un quinte de toux, s’essuya les lèvres du dos de la main.  Quelques secondes passèrent, avant qu’il ne rouvre les yeux. Le brouillard avait disparu. L’expression nette qu’il lisait dans ceux du binoclard le révulsa au plus profond de son être. Ces trois dernières semaines, si dures euent-elles été, avaient surtout été marquées par ce changement là : cette transition, progressive mais brutale, dans le regard qu’il lui portait. Ce regard qui faisait à présent naître en lui l’intime envie d’y loger une balle. Il était devenu pathétique.

Il serra le poing, haussa les sourcils au son du papier froissé. Ce petit carré blanc qu’il serrait de toute la force de ses serres décharnées, alors même qu’il semblait tenter inlassablement de s’en extraire. La raison de leur venue. A l’interrogation silencieuse de Léon, adossé lui aussi entre les riches ornements, il ne répondit que d’un bref hochement de tête.

Il se redressa, chancela un instant, posa une paume contre les briques froides. Il s’arrêta, serrant les lèvres, sur ce cuir usé, affiné, cassant, presque transparent. Les innombrables petites taches brunâtres qui le maculaient. La petite aiguille qui courrait sous sa manche, se logeant dans ses veines. Il ne pouvait qu’imaginer ce regard dans son dos.

Il grogna, arrachant la perfusion d’un geste rageur. Quittant le mur, sa main passa sur son visage, infligeant le même sort au fin tuyau qui courait le long de sa joue émaciée pour se loger dans ses narines. A nouveau, il ferma les yeux, savourant un instant la brûlure de l’air qui emplissait ses poumons. Il était prêt. En poussant la porte, il sentait déjà la chaleur du feu l’envelopper et le nourrir.

Que le maudit verrait-il, tandis qu’il s’avançait dans la pièce, son garde du corps sur les talons? Un frêle vieillard grelottant, titubant lentement vers la tombe ? Inacceptable.

Non.

Son meilleur lieutenant, de retour.

En route vers leur plus grandiose triomphe.


[Présent] 3ED2Y RUrSc5d
Eden Chapter












Techniques:

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[Présent] 3ED2Y WUPhkz9
"Avant moi rien n'était, nul ne fut enfanté,
Hors les êtres crées d'éternelle substance,
Et moi je suis comme eux, car j'ai l'éternité,
Vous qui passez le seuil, laissez toute espérance."

Dante Alighieri, La Divine Comédie
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Edward Lawrence
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Jeu 25 Avr - 20:04


3ED2Y

Début 1510 ~ Burj Babil - Cœur du Nouveau Monde




« … ainsi que sur les armements. Cela renforce donc la synergie, non seulement d’un point de vue commercial, mais surtout, cela vient compléter notre offre de service global et crédibilise ainsi notre position à propos de… »


Les palabres s’effondraient tels des objets célestes sur un bastion révolutionnaire, les unes succédant aux autres, dans un insatiable ballet dont je ne retirais qu’un profond ennui. Les réunions s’engorgeaient de débats, et les idées étaient trimballées, pesées, contrebalancées puis reformulées dans des discussions qui semblaient se vouloir plus éternelles que la neige de Yukiryu. Chaque détail devenait le prétexte idéal pour s’y attarder davantage, et ainsi poursuivre cette interminable hérésie : c’était comme si chaque participant se livrait à un concours d’endurance où seul le dernier encore apte à discuter se verrait congratuler.

« Encore les yeux fixés là-dessus, hein…? »


La palabre vint me sortir de cette boucle monotone dans lequel les messagers de l’ennui avaient tenté de cloîtrer. Pour autant, je n’y accordai aucune considération pour la simple raison que je ne portais aucun intérêt à dialoguer avec son colporteur. Sans doute tentait-il lui aussi d’y échapper, après tout, mais cela n’effacerait pas le manque de considération que…

« Avoue, elle te manque, hein... »


Cette fois l’offensive fut mouche et je fus contraint malgré moi de décrocher les yeux du bout de papier hypnotique qui captait jusqu’alors mon attention pour venir fusiller l’homme qui osait se jouer de moi. Il fallait lui reconnaître sa dextérité dans le maniement des aiguilles puisqu’il avait su distiller l’une d’entre elles avec une précision suffisamment chirurgicale pour me piquer au vif. Mon regard tenta de l’incinérer, comme pour le maudire pour son audace nouvelle, cet excès de confiance qu’il arborait depuis le désastre de San Tulum et qui lui donnait des ailes. Il ne manquait ainsi que bien peu d’occasions de m’assaillir de ses remarques aiguisées, comme s’il caressait le dessein de me percer à jour.

Visait-il juste ? Mon comportement défensif tendait à le corroborer, bien que l’absence du Haki ne pouvait au final le démontrer ni l’affirmer. Quelle posture devais-je adopter ? Une réaction excessive ne ferait que mettre le feu aux poudres et mettrait ainsi en péril le secret que je désirais ardemment protéger.

Je pestais une nouvelle fois intérieurement. Quand étais-je devenu aussi faible ? Aussi pathétique ? N’étais-je pas en train de devenir la caricature de ce que j’abhorrais ? De ce tout ce que je pouvais décrier ? Pire encore, Norton lui-même devait se retourner dans sa tombe, face à la décadence venue m’envelopper.

Je pestais encore et toujours, à défaut de disposer d’un autre remède à ce constat qui m’ankylosait. Alors, mes yeux s’empoisonnèrent de nouveau aux oscillations doucereuses qui faisaient frémir jusqu’à mon âme. Mon épiderme demeurait tatoué par la douleur, tels les échos du passé prêts à fissurer mon carcan, comme pour précipiter ma perte. Oui. Les femmes étaient les plaies de l’homme.

[...]


Et puis, les secondes chassèrent les minutes jusqu’à sonner le glas de nos tourments respectifs. Ou plutôt, cela se fit via l’écho d’une voix familière proclamée par l’intrusion d’un corps étranger au sein de cette confrérie qui complotait à l’ombre de regards indiscrets. A l’ombre, certes, mais à la lumière de nos profits grandissants, Midas se serait plu de préciser : « A l’ombre du low business, assurément ».

« Eden Chapter. »


L’écho solennel résonna dans la pièce comme pour annoncer l’arrivée de l’être fatidique qui semblait venir d’un autre temps, et dévoila ainsi son identité quelques secondes avant que ses traits ne se révélassent aux lueurs embrasées du salon.

« Si près du but… »


Oui, pour sûr il aurait pu être l’élu, s’il n’y avait pas eu ce rien pour se mettre en travers de ce qui aurait dû être une véritable master class. Sinon comment nommer l’acte qui aurait permis de se jouer de l'Impératrice ?

Un zeste de frustration qui venait inéluctablement se mêler à l’amertume d’un verre encore à moitié vide, comme si son poison ne saurait réprimer réellement cet état de fait : encore une occasion manquée.

Pour autant, celui à qui j’avais failli être redevable à vie ne cristallisait aucun ressentiment de ma part : il était au contraire la preuve qu’il était une élite précieuse parmi les lieutenants qui m’épaulaient, et qu’il épousait même parfaitement mes caractéristiques. Un potentiel sans commune mesure, et dont l’impitoyable réussite n’attendait et ne dépendait que de l’alignement des astres. Cette compétence si précieuse, celle de se créer des opportunités.

« Deux ans dans le Nouveau Monde… pour quel bilan…? »


Commençais-je par grommeler, avant d’être interrompu par le maître des lieux

« Oh pour sur, les résultats financiers sont équivoques, nous… »


La paume de ma main alla claquer le pan de mur le plus proche dans un bruit sourd, comme pour faire taire cet ahuri qui n’avait d’yeux que pour des choses superflues, et pour rappeler ma posture.

« Il suffit ! Je n’ai que faire que l’argent, alors change de disque. »




Rétorquais-je sèchement à son attention, lui notifiant clairement par le fait de la mettre en veilleuse. Et puis, la solution vint éclairer mon esprit jusqu’alors embrumé par la morosité, s’imposant d’elle-même par son irruption.

« Chapter. »


Oui, il était le vent frais venu souffler les harassants germes qui s’étaient insinués à mes côtés pour jouer les bien pathétiques conseillers.

« Donne-moi ton avis, sur notre situation actuelle. Sur le bilan que nous pouvons tirer de ces deux années. Sur la tendance future que tu entrevois pour nous. »


Il avait là l’opportunité de réaffirmer sa place au sein de nos troupes, de démontrer son expérience et son recul, et de supplanter ceux qui s’étaient trop reposés sur leurs lauriers, durant ces deux années.

Et puis, après l’avoir patiemment écouté, je poursuivrais dans mon sinistre élan, recentrant s’il le fallait sur un point de vue un peu plus personnel de notre situation.

« J’ai trop perdu… »


Murmurais-je dans un élan de dépit, tout en faisant lentement glisser ma main hors du cadre, ce qui dévoila les affiches disposées dans l’encadrement qui s’apparenterait presque à une ode à la gloire de nos meilleurs pirates, comme pour afficher leurs hauts faits et célébrer leur notoriété. Quatre d’entre elles surplombaient les autres, par leur récence, et donc l’encadrement doré était sobrement titré :

HALL OF FAME


wanted
EDWARD LAWRENCE
439.000.000
wanted
TUCKER LAW
150.000.000
Wanted
EDEN CHAPTER
135.000.000
wanted
MARORN PREGWICH
104.000.000
wanted
LEON WINTER
99.000.000
wanted
LILITH
80.000.000
wanted
O-KARAI
41.000.000
wanted
JOSH
29.000.000
wanted
CELESTE
23.000.000

Prime totale de l'équipage :     1.100.000.000 B

[...]

« Hall Of Fame ? Quelle ignominie, c’est plutôt Hall of Shame ! »


Crachais-je dans une amertume encore iodée par la tournure des évènements.

« Quand d’autres se paluchent sur ces montants, et consacrent leurs miséreuses existences à faire grossir ces chiffres… Pourquoi leur accorder tant d’importance ? Pourquoi dussent-ils être les fondements de nos réputations de forbans ? Alors qu’à mes yeux, ils ne sont que le reflet de cette chose si précieuse que l’on fantasme à nous retirer : notre liberté. »


Oui la liberté, c’était le trésor auquel j’avais dû renoncer au cours de ces deux années, sur bien des aspects. Et cette insidieuse vérité n’avait de cesse de me consumer, de me faire sombrer dans des insinuations qui n’avaient de cesse de me tourmenter. Le jeu en valait-il la chandelle ? N’avais-je pas fauté, appâté par les gains illusoires ?

D’une traite, je consumai le liquide contenu dans mon verre à l’intérieur de mon brasier intérieur, comme pour étouffer les tourments qui m’asphyxiaient. Mon regard s'attarda de nouveau quelques instants durant sur l'une des affiches, l'arrosant du rouge aussi profond et complexe de mes iris que pouvaient l'être mes sentiments, avant de se poser sur le vieillard dont l’heure n’était pas encore arrivée.

Un rire nerveux me fit vrombir.

Alors, je glissai jusqu’au fauteuil sur lequel j’étais avachi jusqu’à alors et le contournai pour m’accroupir devant une seconde table basse carrée, disposée dans l’angle mort du second canapé qui était adossé au premier. La surface plane était morcelée de petits carreaux clairs et foncés, sur lesquels étaient disposés des éléments parfois empilés, parfois dispersés, et eux aussi teintés d’obscur… et de lumière.

« Seikatsu… Les primes… Hadès Tenryon… La ruche… »


Comment était nommé ce passe-temps qui déjà ? Était-ce le fameux « Shogit » ? Un passe-temps découvert récemment dans ces contrées reculées du Nouveau Monde. Dans les ruelles de Burj Babil, il m’avait semblé entendre certains habitants nommer cela le « Gungi ». Mais peu importait le nom de ce passe-temps dont les règles ne m’étaient pas familières et ne me concernaient aucunement : je me plaisais à m’en servir comme d’un outil afin de modéliser des idées, des situations, et donc des opportunités.

« Faire mentir les apparences… Isoler le roi… Dos au mur… Le destin nous réserve parfois de vicieuses surprises… »


Oui, c’était cela.

« Oy oy Ed, me dis pas que… »


Josh avait d’ores et déjà compris. Après tout, il était le mieux placé pour voir venir ce type de stratégie, même s’il manquait de clairvoyance pour se défaire de mon pernicieux jeu d’acteur…

« Et alors, d’ici un an ou deux… au moins un des cinq empereurs sera tombé. »


L’annonce prophétique déferla, désarçonnant les pauvres âmes qui ne s’y étaient pas préparées. L'estimation était basse, mais pouvait aisément s'incrémenter selon divers paramètres.

« Le fondement d’une opération décisive. »


« Le battement d’aile d’un papillon qui lèvera le rideau d’une nouvelle ère. »


Le nom de l’opération était tout trouvé.

« Honeypot ! »




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Qui peut bien être la personne mentionnée par Josh ?

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