Kiru suivait Lorka en grelotant malgré l'épais manteau qui l'entourait tandis que les deux hommes progressaient dans la neige. En soit le Golem n'avait rien contre une bonne neige de temps en temps mais depuis qu'ils étaient arrivés sur cette mer il ne parvenait plus à se rappeler d'un seul jour où il avait eu chaud ailleurs que dans sa cabine. Vivement qu'ils en finissent avec la mission qui les amenait sur Yakoutie Island aujourd'hui afin qu'il puisse rapidement se remettre au chaud. Et comme si le froid ne suffisait pas ils étaient embarqués dans une escalade des sommets, une randonnée enneigée dont il se serait bien passé. Néanmoins il fallait en passer par là s'ils souhaitaient mettre la main sur un homme qui détenait des informations capitales pour eux. Mais le timing avait été mauvais, ils avaient perdus du temps sur les îles précédentes et en parvenant ici on leur avait annoncé que leur contact était parti en montagne depuis déjà cinq jours. Ils auraient pu attendre son retour mais on leur avait annoncé que ce type d'escapade pouvait parfois durer plusieurs mois. Les groupes de chercheurs qui partaient dans les montagnes disposaient de plusieurs refuges leur permettant de réduire les retour au port, et les Révolutionnaires n'avaient pas tant de temps à perdre. Heureusement ils n'avaient eu aucune difficulté à savoir quel était la destination de leur homme, et une fois la carte de l'île mémorisée ils étaient partis à sa suite. Il leur avait fallu quasiment deux jours pour rejoindre l'endroit en question et Kiru failli bondir de joie lorsqu'il aperçu le refuge au sommet du mont qu'ils gravissaient.

Au fur et à mesure qu'ils s'approchaient du refuge il sentait déjà la chaleur monter en lui, comme si le simple fait de savoir qu'il serait bientôt au chaud suffisait. Néanmoins lorsqu'ils pénétrèrent dans le refuge ils déchantèrent devant le silence qu'il renfermait et le tas de braises s'éteignant lentement dans la cheminée. Ceux qu'ils cherchaient étaient visiblement partis ! Il entendit Lorka pester dans sa barbe, lui-même ayant passé trop de temps à se plaindre en route pour continuer ici. Il préféra s'intéresser au feu qui, malgré le fait qu'il ne reste que quelques braises allumées, dégageait encore une chaleur plus qu'agréable. Sa voix s'éleva alors à l'attention de son mentor :

Le feu est encore chaud ils ne sont partis que depuis quelques heures, nous pouvons sûrement les rattraper.

Encore faudrait-il savoir où ils vont !

Kiru s'apprêtait à répondre lorsque la porte s'ouvrit dans un claquement, laissant entrer un courant d'air frais tandis que les deux hommes retenaient leur souffle en voyant rentrer un homme portant deux cadavres de lièvres, ou un animal apparenté. L'inconnu entra sans faire attention aux intrus, installant ses trouvailles sur la table de la cuisine avant de repérer les voyageurs :

Des nouveaux arrivants! Fantastique! Par contre je n'aurais pas assez de viande!

Nous ne restons pas! Nous cherchons Red!

L'homme sembla quelque peu décontenancé devant le ton direct de Lorka mais se reprit finalement, toisant les deux individus du regard il haussa les épaules avant de dire :

Dommage pour vous ils sont repartis pour la ville il y a un jour, Red et ses amis ont fait une découverte importante parait-il. Ils devraient être de retour d'ici deux mois de ce qu'ils m'ont dis, ils doivent prendre un bateau je crois.

Les Révolutionnaires se regardèrent, Kiru comprenant dans le regard de son allié qu'ils n'allaient certainement pas attendre deux mois avant de pouvoir parler à Red, ils avaient déjà perdu trop de temps. Se redressant dans un grognement de mécontentement il s'emmitoufla de nouveau dans son manteau avant de saluer rapidement l'hôte des lieux et de suivre son mentor à l'extérieur devant le regard incompréhensif du chasseur. Laissant quelques secondes de silence tandis que tous deux réfléchissaient le Golem lança finalement :

On a un jour de retard, même en courant on ne pourra pas les rattraper par là où nous sommes venus.

Alors il faut prendre un autre chemin.

Jetant un regard étonné et incompréhensif à son compagnon il suivit finalement le regard de celui-ci, découvrant un chemin abrupt et glissant qui ne devait désormais plus être utilisé que par des avalanches. Kiru doutait même que ce soit jamais été un chemin, des rochers semblant fleurter avec le vide se trouvant à la limite de leur champ de vision. Se retournant de nouveau vers Lorka il trouva celui-ci avec un large sourire, comprenant alors avec horreur le plan de celui-ci :

Hors de question!... Même pas en Rêve!... Je ne ferais pas la luge!

Un rire sonore et franc fut la seule et unique réponse du quarantenaire qui fit signe à son subordonné qu'il n'y avait pas de débat dans cette affaire, sa décision était prise. L'homme de pierre prit sa forme hybride en grommelant, enlevant son manteau devenu trop petit il frémit aux premiers contacts du froid sur son corps. La pierre lui permettait de ne pas avoir froid mais lorsqu'il se retransformait il était parfois à la limite de l'hypothermie, autant rester sous un manteau tant que possible. Se retournant de nouveau vers son compagnon il lui lança :

Si tu parles de ça à qui que ce soit je te jure...

Il laissa sa phrase en suspens, se reconcentrant sur la pente qui lui semblait de plus en plus dangereuse au fur et à mesure qu'il l'observait. Nul doute qu'avec ce moyen ils rattraperaient Red et ses alliés, ils les précéderaient même probablement, mais encore fallait-il arriver en un seul morceau. Poussant un dernier soupir il se mit finalement à courir, rapidement suivi de Lorka qui le collait aux basques. Parvenant finalement au début de la pente avec une bonne vitesse initiale il sauta en avant, plaçant ses bras le long de son corps et faisant de son mieux pour demeurer droit tandis que son corps venait glisser sur la neige. Il tangua un peu lorsque son mentor se plaça sur son dos d'un saut, gardant pour lui une protestation inutile tandis que le paysage se mettait à défiler de plus en plus vite. Très rapidement la neige vint couvrir son visage, l'empêchant de se diriger ou de voir quoi que ce soit et laissant le bretteur seul à la manœuvre. A cet instant il se jura de faire payer à son ami l'humiliation qu'il lui faisait subir à ce moment là, de manière amicale bien entendu.

Cela faisait déjà plus d'une heure que le duo insolite dévalait la pente, Kiru ne sentant plus son corps totalement congelé tandis que quelques roches sur le chemin l'avaient frappés lors de manœuvres compliquées de la part de Lorka. Les rochers l'avaient entaillé, laissant apparaître quelques tâches rouges rapidement recouvertes de neige blanche. Le Golem retrouverait très certainement avec un corps couverts de griffures une fois qu'il reprendrait sa forme humaine mais pour l'heure il ne sentait absolument rien et n'aurait pas pu dire si on lui avait coupé une jambe. Il sentit une soudaine pression de son passager sur son corps qui tourna brusquement à droite, l'homme de pierre n'aurait su dire si cela avait été fait pour éviter une falaise ou un rocher mais au vu du grondement sourd qui s'ensuivit il comprit que cela avait eus de lourdes conséquences.


Lorka avait tourné d'un coup sec dès qu'il avait vu le pan de neige suspect, mais le vrombissement soudain qui suivit son action lui fit comprendre qu'il était déjà trop tard. Sans le vouloir il s'était aventuré sur un surplus de neige instable, et le passage du duo venait de provoquer une avalanche d'envergure. Il ne restait plus qu'à espérer que le corps du Golem parviendrait à aller plus vite que les montagnes de neiges qui commençaient désormais leurs courses à une cinquantaine de mètres derrière eux. C'est alors qu'il aperçu une silhouette qui semblait descendre de la montagne, il était vrai que la pente semblait moins abrupte désormais et permettait un passage à pied. Mais cela ne suffirait pas à stopper ce qui arrivait derrière eux, l'avalanche avait accumulée une masse et une vitesse impressionnante en peu de temps, et désormais l'inconnu était autant voir plus en danger qu'eux, lui n'avait pas la vitesse de leur luge improvisée. Si l'homme n'avait pas encore entendu le bruit caractéristique qui fonçait sur lui il entendrait certainement Lorka lui crier :

Courez! Courez!

Cela faisait à peine quelques secondes que le bruit de l’avalanche résonnait derrière eux lorsque Kiru cru entendre son mentor lui parler. Par réflexe il tenta de redresser la tête en ouvrant la bouche pour lui dire qu’il n’entendait pas, grossière erreur ! Aussitôt il sentit un flot de neige venir se tasser dans sa cavité buccale tandis que son corps congelé ramenait rapidement son visage sur le sol. Serrant les dents tandis qu’il sentait la neige se dissoudre lentement et venir refroidir encore plus son organisme il repoussa une soudaine envie de cracher afin de ne pas revivre la même expérience. Une pointe de douleur se fit sentir dans son corps à l’exposition à ce froid intense, s’il n’avait pas eu une coquille de pierre pour protéger ses organes il serait probablement déjà entré en hypothermie. Faisant abstraction du froid qui se dissipait finalement il tenta de détendre son corps comme il le pouvait afin de ne pas être bloqué en arrivant en bas, se replaçant finalement dans la position la plus aérodynamique possible afin de ne pas se faire reprendre par l’avalanche.

C’est alors qu’il sentit un poids atterrir soudainement sur son corps, manquant de le faire dévier de trajectoire et lui faisant ouvrir la bouche de surprise, une deuxième erreur ! Il se retint une nouvelle fois de tousser tandis que la neige se tassait dans sa bouche, venant frapper sa gorge de plein fouet tandis qu’il ne pouvait toujours pas ouvrir les yeux. Il n’avait pas de réelle crainte quant à sa sécurité, Lorka était largement capable de les protéger d’éventuels animaux sauvages ou autres dangers. Néanmoins s’il ne savait pas ce qui venait d’avoir lieu sur son dos cela semblait malheureusement fait perdre son attention au Révolutionnaire puisque Le Golem entra subitement en contact avec un rocher bien plus imposant, se tournant subitement sur le côté sous la force du choc. Il sentit petit à petit le sol se dérober sous lui tandis qu’il partait en vol plané, emporté par sa vitesse initiale. Le seul bon point était qu’il pouvait enfin rouvrir les yeux, sentant ses paupières de pierre résister quelque peu avant que la fine couche de glace les reliant ne se brise il regretta soudain cette action. Le vent glacial et la lumière qu’il n’avait pas vu depuis plus d’une heure agressèrent subitement ses pupilles qu’il referma par réflexe avant de les rouvrir, ne parvenant à voir que des formes approximatives dans sa chute. Il crut reconnaître deux formes plus sombres devant l’immense mur blanc qui les poursuivait avant que son corps ne vienne à nouveau heurter le sol. Mais cette fois-ci il tenta de se redresser, sollicitant son corps encore recouvert de glace en grimaçant, il ne pouvait pas laisser son mentor face à cette avalanche.


Lorka demeura comme pétrifié de surprise en voyant l’individu atterrir devant lui, bougeant simplement pour se stabiliser lorsque Kiru tangua sous ses pieds. Il lui fallut quelques secondes pour comprendre ce que venait de faire l’inconnu et même lorsque celui-ci eut fini de se présenter il ne parvint qu’à bégayer un début de réponse :

J-j-je…

Sa phrase en resta là, subitement coupée par l’entrée en contact entre l’homme de pierre qui leur servait de luge et un rocher que le bretteur distrait par le nouvel arrivant n’avait pas vu venir. Projeté dans les airs à la suite de son moyen de transport qu’il vit prendre peu à peu quelques mètres d’avances dans sa chute il se retourna vers la masse blanche qui émettait un immense vrombissement derrière eux. Il était plutôt mal barré !

Les bras de l’homme de pierre vinrent frapper le sol, tentant de ralentir la chute du maudit qui continuait de dévaler la pente devant l’immense masse de neige qui le suivait. Le vrombissement constant sembla alors s’intensifier tandis que le mur blanc se rapprochait dangereusement. Ses yeux le brûlaient complètement alors qu’il ne parvenait qu’à distinguer de faibles formes devant lui, sa vision d’ores et déjà masquée par le mur qui grossissait devant lui. Il capta néanmoins une masse plus noire devant le blanc immaculé qui semblait vouloir échapper à l’avalanche, disparaissant d’un coup au milieu des flots de neiges, comme happé par la vague destructrice. Persuadé que son mentor venait de disparaître au sein de l’avalanche Kiru comprit qu’il allait devoir user de son pouvoir pour le déterrer au plus vite, mais pour cela il allait déjà falloir ne pas se faire enterrer vivant à son tour. Se baissant en grimaçant tandis qu’il sentait ses articulations partiellement rocheuses se coincer légèrement à cause du froid il s’étira d’un coup sec pour d’élever dans les airs. Néanmoins son corps en partie congelé suite à son expérience de luge ne parvint pas à l’élever à plus de deux mètres de hauteur, ses yeux s’écarquillant tandis que l’avalanche lui faisait désormais face et qu’il comprenait qu’il ne pourrait plus y échapper désormais. Serrant les dents en appréhendant le choc à venir il cria un simple mot avant de se faire engloutir par cette marée blanche :

Lorkaaaaaaa !


Le vieux Révolutionnaire senti qu’on l’attrapait alors qu’il entamait sa chute en direction de l’avalanche, tournant la tête vers celui qui venait de le cueillir au vol il découvrit de nouveau le visage de l’inconnu. Entendant avec peine les paroles de l’individu à travers le bruit sourd qui se rapprochait d’eux il ferma les yeux tandis qu’ils s’élevaient dans les airs, sentant la neige venir laper ses jambes. Ils l’avaient échappé de peu mais ils n’étaient pas sortis d’affaire pour autant, désormais sous leurs pieds se présentait les flots de neiges en mouvement digne des plus effrayants sables mouvants. Mais son allié de circonstances se montra alors étonnamment plein de ressources, plantant son arme dans la masse blanche il s’en servit de levier pour remonter le courant de neige qui tentait de les emporter. Répétant son action autant de fois que nécessaire pour les tirer d’affaire, faisant par la même preuve d’une force impressionnante. Un cri perça alors le vrombissement de l’avalanche, Lorka se retournant en entendant son nom et se défaisant par la même occasion de l’emprise de l’homme qui semblait déjà faible suite à son effort. Retombant lourdement sur la neige plus stable il grimaça sous le poids de l’impact, il devenait trop vieux pour ces conneries. Rouvrant les yeux en se frottant la tête il aperçut son sauveur étalé sur le sol quelques mètres plus loin, visiblement épuisé suite à la prestation qu’il venait d’accomplir. En réalité le Révolutionnaire sentait également ses muscles endoloris alors qu’il n’avait rien fait, il ne pouvait imaginer à quel point l’homme avait poussé son corps à bout. Se redressant il avança jusqu’à l’inconnu, lui donnant une légère tape sur l’épaule en disant :

Merci gamin, reposes toi maintenant ! Je reviens te chercher !

Sur ces mots il tourna les talons, se dirigeant vers l’endroit où il avait entendu le cri de son partenaire en espérant ne pas avoir à creuser pour le retrouver. Progressant avec difficulté tandis que ses pieds s’enfonçaient dans la neige fraichement brassée il s’arrêta soudainement tandis qu’un tremblement commençait à agiter la couche blanche déjà instable. Demeurant immobile tandis que le tremblement s’intensifiait il retint son souffle en observant la neige qui ne semblait pas vouloir repartir. C’est alors qu’un énorme poing de pierre surgit du sol enneigé, le tremblement s’arrêtant alors aussi brusquement qu’il avait commencé. Le combattant comprit alors que Kiru avait pris sa forme totale afin de se défaire de la prison glacée qui venait de l’entourer. Un soupir de soulagement fut alors lâché par Lorka en découvrant que la neige avait tenu le coup et que son ami allait bien. Néanmoins la joie fut de courte durée, un craquement sourd se faisant entendre comme en résonnance avec le bruit qui s’éloignait peu à peu vers le bas. Aussitôt le mentor du Golem se retourna vers le sommet, voyant le corps de celui qui l’avait aidé trembler légèrement tandis que le sommet s’éloignait peu à peu d’eux. Au moins ils n’étaient plus poursuivis par une avalanche désormais, ils étaient sur celle-ci, mais était-ce réellement une progression ?

Kiru se sentait compressé dans le décor glacial qui l’entourait et lui empêchait le moindre mouvement. La seule chose qu’il avait pu faire avait été de prendre sa forme complète afin de se créer un espace plus important mais au vu des tremblements qui le secouaient maintenant il venait de recréer un glissement de neige. Il aurait probablement poussé un soupir s’il n’avait pas eu peur de voir une partie de la masse blanche qui le recouvrait s’engouffrer dans sa bouche. En réalité le problème de cette forme était qu’elle présentait de nombreuses aspérités que venait remplir peu à peu les flocons blancs, augmentant soudainement la sensation de froid intense qu’il ressentait. Certes sous cette forme il ne pouvait pas entrer en hypothermie mais étonnamment le froid semblait se venger en engageant une souffrance de tous les instants qui s’emparait peu à peu de son corps. Tentant de bouger ses membres il ne parvint à rien faire à part agiter son bras droit qui semblait être remonté à l’air libre. Au vu de ce qu’il sentait encore dans cette partie que le froid n’avait pas encore anesthésiée il ne devait pas y avoir plus d’un mètre entre lui et la surface. Tentant de concentrer sa force vers son bras il l’agita frénétiquement, tentant de le tordre en arrière pour essayer de creuser le manteau blanc qui l’entourait, ne parvenant malheureusement qu’à déblayer à l’écart de son bras. Néanmoins une idée lui vint soudain, il avait mangé son nouveau fruit que peu de temps auparavant et il commençait tout juste à le contrôler mais cela pouvait marcher. Plaçant tant bien que mal sa paume sur la neige il divisa soudainement l’avalanche, sentant aussitôt son corps bouger et sa prison de glace le libérer lentement. Un halo de lumière perça soudain tandis que le Golem voyait s’éloigner derrière lui une partie de la masse qui le recouvrait quelques secondes auparavant. Néanmoins maintenant il avait un second problème. Son poids était tel qu’il accélérait considérablement la partie dans laquelle il se trouvait alors que la suivante ralentissait peu à peu. Tentant de se relever il grimaça, pouvant à peine bouger son corps, la neige l’avait vraiment anesthésiée et il ne pouvait rien faire d’autre que lever légèrement ses bras pour le moment.


Lorka se releva avec difficultés, essuyant son manteau plein de neige tandis qu’il commençait à grelotter. Il tentait de rejoindre son apprenti coincé sous la glace mais cela faisait déjà deux fois qu’il tombait en avançant, l’instabilité de la masse blanche n’était clairement pas à son avantage. Soudain le bras sorti du Golem resté immobile pendant quelques secondes s’agita dans tous les sens, venant racler la neige de manière peu efficace. Le membre de pierre semblait pris d’une étrange frénésie qui affola son mentor, son élève était en train de suffoquer sous la tonne de neige qui l’enterrait vivant. Se relançant en avant en oubliant les secousses il fit deux pas avant de glisser et de tomber la tête la première dans l’épais manteau glacé. Relevant la tête en crachant les flocons qui étaient entrés dans sa bouche il vit le bras de pierre se poser calmement au sol, un léger halo lumineux apparaissant sur la main avant qu’un nouveau craquement retentisse et qu’une cassure se crée dans l’uniformité de l’avalanche. C’est alors qu’il capta du coin de l’œil l’inconnu qu’il avait laissé au sol quelques secondes auparavant, visiblement celui-ci était remis sur ses pieds mais ne semblait plus réellement savoir où il habitait. Avançant de manière mécanique sans avoir l’air de se rendre compte de ce qui l’entourait. Sauf qu’en l’occurrence il se dirigeait désormais vers un trou béant qui s’agrandissait peu à peu tandis que la partie comprenant le Golem s’éloignait lentement de la leur. Sautant de nouveau en avant pour retenir le pauvre garçon il trébucha à nouveau, ses doigts n’attrapant que le vide tandis que son visage venait une nouvelle fois s’étaler sur la neige. Tentant de relever son regard il espéra silencieusement que celui-ci revienne à lui rapidement, ou que sa chute soit stoppée par les bras rocailleux et glacés par le froid du Golem.

Kiru grimaçait sous l’effort, ses articulations semblant se libérer peu à peu alors qu’il tentait de se tordre dans tous les sens. Il voyait deux silhouettes situées sur le sommet de la deuxième masse de neige qui semblait ralentir peu à peu tandis que lui-même accélérait. Tentant une nouvelle fois de se relever il dû finalement se résigner, il avait un peu bougé cette fois-ci mais demeurait trop gelé pour faire beaucoup mieux. Serrant les dents il reprit alors sa forme hybride, fermant les yeux tandis qu’il sentait le froid emplir ses organes pour finalement lâcher un cri de douleur. La glace avait fondu en lui sous sa transformation, même si sa couche de pierre le protégeait une telle action risquait fort de le plonger en hypothermie. Mais au moins sous cette forme il serait plus libre de ses mouvements, ce seraient désormais les forces qui lui manqueraient. Soufflant de manière répétée et rapide comme s’il venait de faire un grand effort il voulut se jeter en avant pour se libérer de sa prison de glace mais n’en eut pas le temps. Un tronc d’arbre vint le frapper en plein dos, le projetant hors de la masse de neige pour lui en présenter une autre en plein visage. Se relevant avec difficulté tandis qu’il sentait une douleur lancinante dans son dos il releva rapidement les yeux vers l’amont de la montagne. L’avalanche se rapprochait dangereusement bien qu’elle ait perdu en vitesse, et il n’était pas en état de courir pour y échapper. Repensant à sa vision du duo au sommet de l’avalanche il vit alors la solution, se baissant pour s’accroupir il attendit quelques instants avant de pousser subitement sur ses jambes, s’élevant aussitôt dans les airs.


Lorka se retrouva face à son sauveur qui l’aidait une nouvelle fois à se relever. Au moins sa chute, bien que peu glorieuse, avait eu pour effet de stopper la progression de l’homme et lui avait évité une chute autrement plus dangereuse. Soupirant de soulagement tout en se répétant qu’il était réellement trop vieux pour ces conneries il remercia l’inconnu sincèrement :

Merci gamin ! Je te rev…

Sa phrase resta en suspens tandis qu’il venait de capter son élève du regard, l’homme de pierre visiblement pris entre les deux avalanches semblait enchainé les mauvaises situations. Par réflexe Lorka voulu aller l’aider, se jetant en avant sans réfléchir à ce qu’il allait faire, ni au fait qu’il tenait toujours fermement la main de son sauveur et qu’il risquait fort d’entrainer celui-ci dans sa chute. Tombant en avant en comprenant son erreur il ne prêta pas attention s’il avait entrainé l’autre pauvre hère avec lui, trop surpris de voir le Golem s’élever brusquement vers lui avant qu’il ne le fauche violemment. La poussée de Kiru et la chute de Lorka s’étaient rencontrées, et malheureusement pour eux la pesanteur l’emportait sur cette rencontre. Les yeux étonnés des deux amis se rencontrèrent alors, s’interrogeant du regard tandis que le mur de neige se dressait devant eux. Pourquoi ils avaient quittés West Blue déjà ?!

Le Golem et son mentor se regardèrent incrédules un court instant, ne comprenant pas trop comment ils s’étaient retrouvés là, au milieu des airs, menacés par une grande avalanche. Néanmoins leurs retrouvailles furent brusquement interrompues par un troisième larron, le sauveur de Lorka qu’il avait malencontreusement entrainé avec lui. Décidément cet homme, sans avoir réellement pu leur parler de manière normale, allait finir par se dire que le duo portait vraiment la poisse. Une réaction normale dès que tout cela serait fini serait de fuir à toutes enjambées le plus loin possible de ces catastrophes ambulantes. Une ombre apparut soudain au-dessus des trois hommes, un immense tronc venant frôler l’homme de pierre en passant à toute vitesse à côté de lui, les dépassant même dans leur chute. Tombant au sol juste après l’inconnu qui partageait à présent leurs mésaventures les deux hommes ne se firent pas prier pour se mettre à courir à sa suite. Le corps de Kiru commençait à mieux réagir maintenant que la sensation de froid initiale s’estompait peu à peu mais ses mouvements demeuraient hésitants et pas aussi performants qu’à l’accoutumée. Les deux hommes observèrent leur compagnon d’infortune sauter sur le conifère qui les avait ratés de peu quelques secondes auparavant, constatant malgré son appel qu’ils avaient déjà trop de retard pour parvenir à sauter dessus. De plus il semblait clair que leur vitesse était inférieure aussi bien au tronc qui s’éloignait lentement qu’au mur de neige qui semblait mourir d’envie de les croquer. C’est alors que le Golem capta le regard de son mentor qui le fixait avec intensité. Comprenant aussitôt ce qui trottait dans la tête de celui-ci il s’écria :

Hors de Question !

Si !

J’ai dit non !

Quelques secondes plus tard les deux hommes parvenaient à rattraper l’inconnu et son tronc, le Golem grommelant en silence tandis qu’il servait de luge à Lorka pour la deuxième fois de la journée. L’avantage de leur moyen de transport était qu’ils parvenaient à prendre plus de vitesse que le large tronc qu’ils commençaient désormais à dépasser. L’inconvénient était que Kiru sentait monter en lui une irrépressible envie de mettre une tarte à celui qui prenait son dos pour un tapis, allié ou pas, situation désespérée ou pas !

Euh… Je crois qu’il vaut mieux que ce soit toi qui monte !

En disant ces quelques mots Lorka avait désigné du doigt une position légèrement en aval. Ils n’étaient pas arrivés à destination mais ne devaient plus en être très loin, comme pouvait en témoigner les quelques maisons qui se présentaient à eux. Celles-ci semblaient avoir été construites sans réel axe majeur et créaient à vue d’œil un véritable dédale dans lequel le tronc, difficilement manœuvrable, viendrait s’encastrer dans le premier obstacle venu. Le Golem néanmoins pouvait lui leur permettre de zigzaguer entre les habitations de manière plus efficace. De plus la pente semblait se réduire après le village d’une quarantaine de maisons, signe que l’avalanche toucherait probablement bientôt à sa fin. Une couche de neige bloquant les portes d’un bon mètre attestait déjà de la ligne d’arrivée des précédentes avalanches qu’ils avaient laissé partir devant. Certes le village risquait fort de se faire ensevelir avec une nouvelle couche de neige mais les habitants étaient selon tout vraisemblance déjà cloisonnés chez eux et le Golem pourrait les déblayer rapidement une fois tout cela terminé. Lorka fit un signe à son sauveur pour qu’il les rejoigne, cette fois-ci il s’attendait à son arrivée tout comme Kiru et pourrait gérer à la fois sa réception et leur slalom au milieu des habitations dont certaines ne voyaient déjà plus que leur toit apparaître. Il ne leur restait que ce dernier obstacle à passer avant de pouvoir enfin faire une pause juste après le village.

Le trio avançait en silence vers le village qui ne se trouvait plus désormais qu’à une trentaine de mètres devant eux. L’inconnu les avait rapidement rejoint sur leur luge de fortune et tous trois semblaient désormais retenir leur souffle. Deux d’entre eux demeurant concentrés sur le slalom qui les attendait tandis que le troisième n’avait pas vraiment le choix. Sans ce bruit de glisse et le grondement sonore qui les suivait depuis déjà un moment on aurait probablement pu entendre les grommellements du Golem qui protestait intérieurement sur sa condition. Tout cela se paierait il en était certain !

Accroches-toi ça va secouer !

La phrase claqua dans l’air de la part du bretteur à l’attention de celui qui l’avait sauvé quelques minutes auparavant. Sans plus se soucier de l’homme qui l’accompagnait sur le dos du Golem Lorka se reconcentra rapidement sur le village dont la première maison passait déjà à leurs côtés. Le quarantenaire se porta soudainement sur le côté droit du corps de pierre, occasionnant un brusque virage tandis qu’ils frôlaient une bâtisse. Se remettant aussitôt en position il réitéra l’action afin d’esquiver un autre bâtiment, constatant avec bonheur qu’ils ne semblaient même plus être déséquilibrés par ses changements soudain de direction. Il songea un instant que la présence de l’homme à l’arrière leur permettait probablement de conserver cette stabilité, dans un sens sa présence imprévue était une bénédiction. Esquivant au dernier moment un toit à moitié enneigé il se reconcentra aussitôt, poussant un soupir de soulagement lorsque, après une dizaine de virages supplémentaires, la nature leur fit de nouveau face, dépourvue de la moindre bâtisse. Néanmoins sa joie fut de courte durée tandis que le corps du Golem rencontrait un solide mur en pierre qui le stoppa net dans sa course, projetant les hommes sur son dos devant lui.

Le Golem se redressa en grimaçant, le choc avait au moins eu pour mérite de faire travailler ses articulations à un point suffisant pour briser la glace qui les avait recouverts et, malgré la douleur, il pouvait bouger librement. Son premier réflexe fut de regarder derrière lui, constatant non sans un certain soulagement que le grondement avait disparue et que l’avalanche était finie, ayant simplement recouvert un peu plus de neiges les maisons du village. Laissant s’échapper un long et profond soupir de soulagement il se retourna alors pour s’enquérir du sort de son compagnon, manquant de s’étouffer de rire en voyant celui-ci la tête plantée dans la neige et les fesses en l’air. Cette position avait beau être probablement plus douloureuse qu’il n’y paraissait le maudit ne pouvait pas s’empêcher d’y voir un retour du karma qui le ravissait. Cherchant alors l’autre individu du regard tandis qu’il demeurait en forme hybride il lança d’une voix puissante :

Y en avait pas un deuxième à me prendre pour un paillasson ?!

Kiru s’approcha de son compagnon visiblement bien enfoncé dans la neige et dans l’incapacité de s’en dégager par lui-même, ses jambes battant dans le vide d’une manière ridicule. Poussant un long soupir il sembla hésiter un court instant sur le fait de libérer Lorka de sa prison glacée avant de finalement attraper chacune de ses jambes, le tirant d’un coup sec hors de la masse blanche. Il regarda alors le quarantenaire se redresser, ses bras entourés autour de lui tandis qu’il grelottait, ses dents claquant de manière audible. Sur ce point les deux hommes ne pouvaient être que d’accord, vivement qu’ils retournent sur leur bonne vieille West Blue. Kiru avait beau être originaire de cette mer il n’y avait plus mis les pieds depuis plus de dix ans et n’appréciait guère son climat si particulier. Se retournant alors vers l’individu qui répondait à sa demande précédente il le toisa du regard, se demandant ce qu’il pouvait bien faire ici. Le Golem savait qu’il ne fallait pas se fier aux apparences, les hommes les plus freluquets pouvaient parfois se montrer les plus dangereux, mais cet homme faisait tout de même tâche dans le paysage. Habillé comme s’il se rendait à un bal costumé malgré la dureté du climat, une cape en fourrure en simple protection. Haussant un sourcil à cette vue le maudit ne s’en formalisa pas pour autant, à force de se balader sur les mers il avait pris l’habitude de rencontrer des individus toujours plus ubuesques et fantasques. Néanmoins s’il avait dû le rencontrer quelque part il n’aurait probablement pas parié sur une montagne enneigée au milieu d’une avalanche. Cela eut ajouté au langage utilisé par l’inconnu eut pour effet de soudain tendre le Révolutionnaire.

Messire ! Seuls les nobles et leurs serviteurs utilisaient ces mots pour s’adresser à autrui, et au vu de ses habits l’homme n’était clairement pas un serviteur. Des images des Tenryuubitos qui l’avaient pris comme esclaves, le traitant pire qu’un chien alors qu’il n’était encore qu’un enfant lui revinrent alors en mémoire. Kiru tressailli un instant avant de se reconcentrer sur son vis-à-vis. Non cet homme n’était pas assez hautain et dédaigneux pour faire partie des dragons célestes, probablement était -il un simple noble d’une quelconque île de ces mers. Pour autant le Golem le considérait avec méfiance, comme tout bon Révolutionnaire il avait du mal avec la noblesse et la bourgeoisie, tous ces gens qui se croyaient au-dessus des autres et opprimaient les pauvres sous prétexte d’un droit de naissance. Écoutant d’une oreille la présentation de son compère il jeta un œil aux habitants qui sortaient peu à peu de leurs maisons pour déblayer celles qui avaient été ensevelies, repensant à la question du Médixès. Oui ils étaient à l’origine de cette coulée de neige soudaine, de cette double avalanche même, mais probablement ne valait-il mieux pas le crier sur tous les toits. Ainsi lança-t-il simplement à son interlocuteur :

Il vaut mieux ne pas trop trainer ici, allons en ville !

Sur ces mots il récupéra son manteau des mains de Lorka qui ne cessait de trembler pour reprendre forme humaine et se recouvrir, sentant alors lui aussi la froideur glaciale des lieux. Le prendre aux tripes. Ses dents claquèrent un court instant avant qu’il ne se reprenne et n’avance en direction de la ville que l’on devinait un peu plus loin, leur objectif n’était pas encore atteint, il ne fallait pas oublier la raison de leur descente si risquée, ils devaient retrouver leur informateur. Avançant ainsi pendant quelques mètres il se décida finalement à répondre à leur invité imprévu :

Je suis Kévin …

Kiru ! Faut pas qu’on traine ici !

Le Golem se retourna vers son allié, foudroyant celui-ci du regard alors qu’il venait de faire planter la tentative de demeurer incognito du Commandant de la Révolution. Kiru ne faisait pas confiance à cet individu trop éloigné de ses principes et dont il avait si souvent combattus les alter ego, mais Lorka avait quelque peu handicapé sa présentation. Suivant du regard l’endroit que son mentor désignait au large il poursuivit alors :

Kévin Kiru… enchanté.

Sur ces mots il avait tendu la main à son compère du jour tandis que ses yeux commençaient à percevoir les contours d’un navire imposant qui s’approchait de l’île, le pavillon bleu et blanc ne laissant aucun doute sur l’identité de ses occupants. Le Gouvernement Mondial arrivait en nombre à Yakoutie Island et un tel monument naval ne pouvait présager que l’artillerie lourde des marines qui investiraient bientôt les lieux.

Kiru sembla dévisager leur compagnon d’infortune pendant quelques secondes, détournant finalement le regard lorsque celui-ci eut fini sa phrase. L’homme semblait également vouloir se montrer méfiant à la vue des gouvernementaux mais le Golem en demeurait toujours aussi sceptique, cela aurait pu n’être qu’une façade. Le Révolutionnaire avait développé une certaine paranoïa depuis qu’il avait été primé sur West Blue à 30M de Berrys, et s’était ainsi découvert une capacité à soupçonner autrui qu’il n’avait pas jusqu’alors. Néanmoins sa prime, bien qu’assez élevée, n’avait probablement pas provoqué l’intérêt de quiconque sur cette mer, il n’avait certainement rien à craindre. Se forçant à se détendre il n’en demeura pas moins sur ses gardes, se surprenant lui-même que son action soit préméditée, paraître baisser sa méfiance pour mieux percer à jour son interlocuteur. Le côté calculateur et machiavélique que l’homme de pierre développait commençait à le faire ressembler à son père, il comprenait à présent pourquoi tant d’adultes paraissait si aigri et médiant, le danger pouvait venir de partout dès lors qu’on choisissait cette vie. Se reconcentrant sur le moment présent il estima un instant la question du Médixès tout en jetant un regard en coin sur Lorka qui semblait trop frigorifié pour répondre, se décidant finalement à prendre la parole :

L’urgence c’est de se mettre à l’abri et de trouver des vêtements chaud, on doit encore avoir une bonne heure avant qu’ils ne débarquent et ne commencent à inspecter les auberges.

Le trio pénétrait dans la ville alors même qu’il finissait son intervention, Kiru regrettant presque aussitôt sa phrase, il avait plus pensé à voix haute qu’autre chose et sa phrase s’était transformée en invitation ouverte à l’inconnu. S’ils étaient avec lui ils ne pourraient contacter leur informateur et tout cela n’aurait servi à rien, il faudrait tout recommencer. Se retenant de lâcher un soupir de frustration il continua simplement à marcher en tentant de se réchauffer. Si sa forme de pierre avait pu bien résister à ce climat extrême son corps humain y parvenait bien moins et il ne tarderait pas à finir dans le même état que son mentor s’ils ne s’activaient pas rapidement. Ainsi dès que la pancarte caractéristique d’une taverne se présenta devant eux les deux hommes s’empressèrent d’y pénétrer sans même se concerter, ne prêtant aucune attention à si le troisième larron les avait suivis. S’asseyant à une table proche du feu Lorka lâcha alors un bruit de soulagement sonore tandis qu’il se collait à la cheminée pour capter le plus de chaleur possible. Quelques visages se retournèrent vers les nouveaux arrivants, certains habitués semblant lancer quelques blagues sur les étrangers à leurs compères de beuverie avant de se reconcentrer sur leur verre. Sans y prêter attention Kiru leva la main pour appeler la serveuse, lui commandant quelques verres de grog afin de réchauffer leur système interne il sembla finalement avoir une fulgurance, demandant sur un ton néanmoins assez bas auquel il était habitué afin de ne pas se faire écouter dans les tavernes avant même de s’être assuré de la présence de celui à qui il parlait :

Au fait qu’est-ce qu’un seigneur comme vous faisait là-haut ?

Sans le vouloir vraiment le Golem avait employé le vouvoiement, les stigmates de son enfance reprenant le dessus sans qu’il n’en ait réellement conscience. Néanmoins la question conservait toute son importance. Au vu de la vitesse à laquelle ils étaient descendus cet homme ne les avait clairement pas suivi depuis le sommet de la montagne, mais quand bien même pour quelle raison celui-ci aurait-il bien pu se trouver au milieu de nul-part comme il l’était lorsqu’ils étaient tombés sur lui ?

Lorka rendit au bourgeois le manteau que celui-ci lui avait proposé et sur lequel il s’était jeté quelques instants auparavant, s’empressant néanmoins de se coller à côté de la cheminée, plaçant ses mains au-dessus du feu en poussant un nouveau soupir de soulagement. Quelques rires s’élevèrent cette fois-ci de l’audience qui était quant à elle habituée aux conditions extrêmes des lieux. Sur la majorité des îles les étrangers étaient accueillis d’une manière spéciale, que ce soit de manière pacifique ou agressive les populations locales aimaient généralement toutes se gausser des différences entre leurs coutumes et conditions de vie qui faisait en sorte qu’un étranger restait rarement discret très longtemps. Attendant que l’audience cesse de se concentrer sur eux Kiru se reconcentra sur son vis-à-vis en se demandant si Lorka ne profitait pas un peu de la phase montante sur laquelle était son poulain pour le laisser prendre les rênes, peut-être même un peu trop. Kiru considérait toujours le combattant révolutionnaire comme son mentor mais la réalité était que depuis qu’il l’avait retrouvé cette notion semblait s’être inversée au profit du Golem. Toujours restait-il que d’un point de vue de l’expérience l’homme de pierre avait encore beaucoup à apprendre de son ainé, mais cela pouvait être difficile à croire lorsqu’on observait la scène à cet instant. Ecoutant alors la réponse du Médixès il tenta de le détailler une nouvelle fois du regard. Il ne l’avait jamais rencontré cela ne faisait aucun doute, néanmoins les capacités physiques d’adaptation à cette mer dont l’homme semblait faire preuve l’impressionnaient en tout point. Et cela n’avait rien à voir avec la génétique, lui-même était né et avait vécu ses premières années sur l’Île de Micqueot, pourtant aujourd’hui il souffrait comme toute personne issue des mers plus chaudes. Seul des années de vie dans ces conditions dantesques pouvaient habituer le corps à de tels extrêmes, probablement que ces mêmes hommes s’ils parvenaient jusqu’à South Blue ne cesserait de transpirer et de souffrir de la chaleur. Être habitué à un climat pouvait avoir ses avantages, mais aussi ses inconvénients.

Laissant son interlocuteur terminer il fut rassuré par sa manière de s’adresser à lui, cet homme bien qu’issue des hautes sphères avait probablement l’habitude d’être en contact avec des roturiers. Au final il n’avait rien contre le jeune homme qui avait d’ailleurs sauver Lorka de l’avalanche un peu plus tôt, il aurait même pu l’apprécier mais ce blocage demeurait pour le moment, accentué par le fait qu’ils n’avaient pas de temps à perdre. Ses pensées s’orientèrent aussitôt sur leur informateur, si celui-ci était arrivé en ville ils devaient se dépêcher de le retrouver avant qu’il ne reparte dans la montagne, mais ils ne pourraient rien faire tant qu’ils auraient celui-ci dans les pattes. Finalement lorsque la question lui fut retourné il se trouva bien embêté, s’il était parvenu à esquiver une question similaire quelques minutes auparavant il voyait mal comment le faire ici, alors qu’il était l’instigateur de celle-ci. Poussant un léger soupir il se résigna à déclarer à l’individu :

On tentait de rejoindre un refuge un peu plus haut… et on a glissé.

La partie du refuge était vraie, et même s’il n’avait pas su trop s’orienter pendant leur folle descente ils avaient bien dû couper à un moment ou un autre un chemin menant au sommet. Sentant finalement l’impatience le gagner il finit rapidement son verre, faisant signe à un Lorka grognon de se rhabiller il se leva finalement pour déclarer à leur allié du jour :

Navré de devoir vous laisser comme cela mais nous étions attendus et avec cette histoire tout notre séjour tombe à l’eau. Nous allons aller voir un ami pour régler cela, le verre est pour moi.

En prononçant ces quelques mots il avait posé quelques berrys sur la table, bien assez pour couvrir leurs consommations et encore quelques autres à venir si l’homme le souhaitait. Commençant à partir pour quitter la taverne Kiru s’arrêta finalement, éprouvant quelques remords à simplement quitter comme cela un homme dont ils avaient dérangé la journée et avaient mis en danger avec leur avalanche. D’autant plus que celui-ci s’était montré courtois et amical envers eux depuis leur rencontre alors qu’il n’avait pas à le faire. Oubliant ses méfiances le Golem arbora un large sourire avant de lui lancer :

Passez nous voir si vous venez sur West Blue, nous serons ravi de discuter plus en détails dans de meilleures conditions.

Sur ces dernières paroles il poussa la porte de l’auberge, grimaçant à la simple idée de retourner dans le froid. S’avançant finalement dans la rue il sentit aussitôt le vent glacial lui mordre le corps, se mettant aussitôt à trottiner pour ne pas passer plus de temps que nécessaire dans ce climat inhumain.