Kiru resta immobile pendant quelques secondes, contemplant l’un des nombreux ports de l’Île de St John à travers la fenêtre de la salle qui lui servait à la fois de chambre et de bureau improvisé. Cela faisait déjà quelques semaines qu’il était arrivé sur cette île et son plan progressait de manière parfaite pour le moment. Cependant pour la suite des événements il était préférable qu’il prenne l’initiative, même s’il n’avait pas pu s’y résoudre pendant longtemps il n’avait plus vraiment le choix désormais. S’il voulait faire ce qu’il avait prévu ce face à face devenait désormais inévitable. Sortant son Den Den Mushi il composa un numéro avec rapidité, il l’avait tellement fait tourner dans sa tête qu’il le connaissait désormais par cœur. Il n’utilisait pas de Den Den blanc pour stopper les écoutes, cette île n’était pas fréquentée par la marine, et il se fichait totalement que quelqu’un puisse intercepter cette conversation. De toute façon son interlocuteur en aurait un donc il n’y avait aucun problème. Prenant une grande inspiration tandis qu’il entendait les premières sonneries résonner il se lança dès qu’il entendu le déclic signifiant que la personne avait décrochée :

Bonjour Maréchal Oulanov! Ici le Commandant Kabayochi.M.Kiru, de West Blue.

Il avait précisé son affectation actuelle, sachant pertinemment que le Maréchal avait su qui il était dès son nom, à vrai dire il l’avait certainement su bien avant de décrocher. Il laissa quelques secondes de blanc, laissant au cyborg le temps de préparer ses remontrances, avant de continuer d’un ton grave et sérieux :

Je vous appelle parce qu’il me semble que nous avons des choses à nous dire, je vous laisse donc commencer.

Kiru ne réagit pas, demeurant impassible et ne tentant même pas de se défendre pendant le speech du Maréchal. N’écoutant même en réalité qu’à moitié les remontrances de son supérieur il pensait déjà à sa réponse. Il était préparé à ce que lui disait le cyborg, il se l’était déjà assez reprocher à lui-même pour ne plus en être réellement affecté, en tout cas il n’en montrait aucun signe extérieur, mais les plus grandes souffrances sont souvent celles qu’on ne voit pas. Le Révolutionnaire ayant finalement visiblement fini de parler le maudit laissa quelques secondes de silence avant de répondre :

Je ne chercherais pas à me défendre des actes que j’ai fait, ni à m’en excuser. J’assume la totalité de mes actions, quitte à devoir le regretter le reste de ma vie. Et dans ce cas je ne regrette absolument rien, si la situation se représentait je referais exactement les mêmes choses.

Sa voix avait légèrement faiblie sur cette dernière phrase, de manière presque inaudible mais il s’efforçait de conserver ce ton impassible et inexpressif. Il savait pertinemment que c’était faux, il y avait énormément de choses qu’il aurait voulu changer, mais ce qu’il avait fait l’avait amené ici, à un tournant de sa vie, à un moment extrêmement important pour l’avenir de cette mer, qui sait où d’autres choix l’auraient amenés. Reprenant la parole de nouveau, ayant retrouvé toute la sérénité et la force de sa voix il poursuivit :

J’ai pris conscience de certaines choses Vadim! Des choses qui ont changé ma manière d’agir. Nous avons toujours usé de la volonté et de l’espoir, deux forces très importantes, pour tenter de vaincre nos adversaires et d’arriver à notre but. Mais la peur est une force bien plus puissante, bien plus intéressante ...

Il n’avait pas prononcé le grade de son interlocuteur, se permettant même de l’appeler par son prénom, voulant ainsi lui faire comprendre qu’il ne se considérait plus comme son subordonné.

Les temps changent! Nous devons donc évoluer avec notre temps. Disons simplement que nous avons toujours le même objectif, j’utilise simplement une route différente pour l’atteindre.

Il arrêta là son laïus, attendant la réponse du Maréchal qui serait sans aucun doute assez expressive. Il avait encore beaucoup de choses à dire et n’avait pour l’instant qu’insinuer sans donner de réelle information. Il laissait néanmoins à son interlocuteur le loisir de lui répondre, ça lui éviterait d’être coupé plus tard, quand la conversation commencerait à devenir importante.

Kiru sourit en entendant la réponse de son ancien supérieur, tant pour le contenu que pour la manière de le dire. Dans un certain sens il se fichait de ce que lui répondrait l’homme, il aurait pu l’insulter, tenter de le raisonner ou même ne rien dire, cela n’aurait absolument rien changé, cet appel n’avait en réalité qu’un seul objectif :

J’ai fait de nombreuses erreurs sur cette île, mais celles auxquelles tu penses ne sont certainement pas les mêmes que les miennes. Néanmoins cet appel n’est qu’à but informatif et diplomatique. Je vais vous faciliter les choses me concernant, je quitte la Révolution! Par conséquent la totalité des soldats révolutionnaires présents sur l’île de Las Camp ont d’ores et déjà été sommés de quitter l’île sous les deux jours. A partir de cette date tout révolutionnaire non invité et ne pouvant donner une raison valable quant à sa présence sur l’île sera exécuté. Si vous tentez quoi que ce soit contre moi ou mes alliés je n’hésiterais pas à vous éradiquer de cette mer.

Laissant enfin un léger silence il pouffa à l’idée des forces révolutionnaires présentes sur cette mer avant de reprendre :

Je connais cette mer et les rouages de nos forces par cœur, certes le Commandant Sor est un combattant redoutable mais nous savons vous et moi qu’il en faudra plus pour m’arrêter. Je vous conseillerez aussi de ne pas trop me sous-estimer, je suis peut-être jeune mais j’ai quelques relations. Une connaissance commune a fait l’erreur de me sous-estimer, elle est depuis peu à Impel Down. Une nouvelle fois n’y voyez aucune menace, ce ne sont là que des informations que je vous donne. Je vous remercie pour l’argent qui m’a permis de me lancer sur cette mer, il me semble que ma dette financière a été remboursée, désormais j’ai trois autres dettes à honorer.

Le Golem ne raccrocha pas, il aurait pu mais il attendait que le Maréchal s’exprime, après tout même s’il ne tiendrait certainement pas compte de la réponse il l’avait appelé pour ça.

Kiru raccrocha finalement à son tour avec un immense sourire, tout se déroulait exactement comme prévu. Il devait avouer que si Vadim n’avait pas réagi de la sorte il aurait commencé à manquer de choses à raconter, ce geste d’humeur prouvait qu’il avait réussi à énerver le Maréchal au point qu’il souhaitait. La réunion au sommet qui allait sous peu avoir lieu à Baltigo allait cependant empêcher les gradés de Grand Line de se déplacer jusqu’à West Blue dans l’immédiat, la riposte viendrait donc certainement de la mer elle-même. Ce n’était qu’un détail, le Golem avait tout prévu, si les hautes strates de la Révolution avaient besoin qu’il leur confirme le fait qu’il était le plus puissant de West Blue actuellement, il le ferait avec plaisir. Il savait pertinemment que le cyborg allait le sous-estimer, son ton et tout ce qu’il avait dit dans cette courte conversation n’avaient eu que cet unique but. Désormais tout ce qu’il lui fallait, c’était que la Révolution fasse le premier pas, et sa première erreur.