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Nous portons tous un masque. [FB PV Lidy]
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Lidy Olsen
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Ven 1 Mar - 0:05

Nous portons un masque [13]


Alors même qu’elle était en chemin, la demoiselle se demanda s’il était sage de poursuivre sa route. Elle n’était pas perdue, sa mémoire parfaite l’en empêchait. Mais à présent, il lui fallait convenir d’une série de choses à outrepasser : les aveux feraient partis de ça, si elle venait à se rendre sur place, et elle n’avait pas envie de lui infliger la sordide vérité. Alors elle devrait mentir. Elle devrait lui dire des demi-vérités, et ainsi en faire des demi-mensonges. Cette idée lui déplaisait : d’habitude, ces types crédules, elle les manipulait par dizaine et s’en servait. Mais lui, il l’avait touchée. Au sens propre, comme au sens figuré, d’ailleurs. D’une certaine manière, ils étaient plus proches qu’elle ne l’avait été avec… En réalité, à quand remontait sa dernière relation un brin amicale ? C’était des relations d’affaire qu’elle dessinait.

- Allez, courage. Courage… Oh, non.

Elle recula, rebroussa chemin. Ce n’était pas le moment d’y aller. Il dormait sûrement encore, il n’était que… Presque midi. Bon, d’accord, elle devrait peut-être s’y rendre. Il se posait des questions, et il croirait bientôt qu’elle avait trahi sa confiance. C’était impensable, pour une raison qui lui échappait. Alors elle se remit sur le chemin de la maisonnette qui abritait le jeune coq. D’une certaine manière, ce serait comme s’absoudre de ses pêchés. Elle avait fait exécuter ces hommes, et si elle n’avait pas eu confirmation que le travail avait été effectué… Non, d’abord un tour chez le vétérinaire, pour faire durer les choses.

D’un geste nonchalant, mais un peu plus mécanique que d’habitude, elle se dirigea vers l’endroit où le lapin de Drum avait été laissé. Celui-ci était endormi dans un coin de foin, et l’homme qui l’avait examiné ne tarda pas à venir à l’accueil, appelé par une assistante de garde.

- Oh, Mademoiselle… Iliane. Votre lapine se porte à merveille. Ne vous en faîtes pas, selon nos premiers examens, les petits naitront à terme d’ici quelques jours.
- Co… Comment cela à terme ?


Elle écarquilla les yeux et eut le souffle coupé. Ce n’était pas un lapin, c’était une lapine, et les émotions conflictuelle qu’elle avait venaient de sa peur de perdre ses petits. Bien sûr, tout s’éclaircissait : Lidy n’avait jamais jugé nécessaire de scanner réellement les pensées de cette pauvre créature, et voilà qu’à présent elle se retrouvait avec une portée sur les épaules. D’un air sidéré, elle fit comprendre par le biais de son regard qu’il s’agissait d’une surprise pour elle aussi. Il se gratta les cheveux mais finit par dire sur un ton prudent :

- Vous savez… Nous pouvons la garder jusqu’au terme, et ce serait à vrai dire plus prudent. Après cela, si ils venaient à être livrés à eux-mêmes… Je ne suis pas un expert, mais cet océan n’est pas idéal pour leur développement.

« Pas un expert. ». A vrai dire, un lapin ne pouvait pas naviguer seul, aussi intelligent soit-il. Et elle était coincée sur l’île encore au moins quelques jours si elle voulait lui venir en aide. C’était une nouvelle déplaisante qu’elle accusa pourtant rapidement. Cela lui permettrait de découvrir les environs, peut-être de se reposer un peu… Nicholas n’était pas très loin, à ce qu’il paraissait, elle pourrait peut-être voir son frère aussi. Quoique… amener Némésis en ces lieux était loin d’être une excellente idée.

- Je m’occuperai du transfert, et vous de l’accouchement. Très bien, faisons comme cela. Je règlerai tous les frais liés à son hébergement.

Le vétérinaire acquiesça. Quand on parlait affaire, il n’était pas le dernier à penser au profit, mais assister et superviser un accouchement inédit sur Notebouque, c’était inespéré. Il sourit donc et laissa la demoiselle s’échapper. « Bientôt midi », se dit-elle tandis qu’elle observait les environs. Finalement, ses pas la dirigèrent, décidée, en direction de l’endroit où devait se trouver son sauveur. Un véritable sauveur pour le coup, et elle se décida à toquer avant d’entrer pour demander à voir le jeune homme. Une fois qu’elle serait à ses côtés, elle l’observerait, détaillerait sa carrure musclée, et retirerait son masque qui protégeait jusqu’alors son identité. En privé, elle acceptait de se montrer à nue, enfin c’était du moins la sensation qui restait.

Quand elle eut pris son inspiration, un millier de phrases possibles lui vinrent en tête, mais elle n’en sélectionna qu’une seule qui faisait part de son émotion la plus sincère :

- Est-ce que tu vas mieux ? Si tu as besoin, je peux repasser plus tard et te laisser te reposer…

Elle ne s’assoirait pas tant qu’il ne l’aurait pas invité à le faire, trop peu disposée à cela dans son état actuel. Finalement, le rouge commencerait à monter à ses joues pour les teinter d’un charmant rose pâle.

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Ven 1 Mar - 9:04




Mauvais endroit, mauvais moment ?


Lorsque la fameuse "Lidy" se présenta dans son cabinet, le médecin l'observa longuement, après avoir consciencieusement terminé de lire des notes qui trainaient sur son bureau depuis trop longtemps. Bien... il semblait qu'ils ne pourraient pas y couper, alors autant en terminer rapidement. Heziel avait eu l'occasion, sans doute, de réfléchir sur ses actions et les conséquences qui n'en avaient bienheureusement pas découlé. Si son esprit criait sa défiance, sans doute par envie d'éviter de nouveaux troubles à son jeune patient récurrent, il n'avait aucune preuve tangible que se montrer réfractaire à sa présence était légitime. Il décida donc de laisser la demoiselle voir le damoiseau... en espérant qu'il n'aurait pas à le regretter.

- Il est dans l'infirmerie. Essayez de ne pas l'attirer dans une nouvelle rixe, il serait capable de perdre face à un manchot, dans son état.

Il pointa du pouce la porte qui menait à l'arrière partie du bâtiment, tout droit vers la pièce que le Coffe était actuellement le seul à occuper. Quelques instants plus tard, on toqua à la porte. Le brun, encore en train d'observer son café qui refroidissait, l'esprit ailleurs, fut tiré de sa rêverie dans un soubresaut. Il observa quelques instants la porte, s'attendant à entendre la voix du vieil homme qui avait sans doute oublié quelque chose, ou qui revenait lui poser d'autres questions dans le but d'enfoncer le clou une dernière fois. Rien. Sa voix, un peu plus faible qu'au top de sa forme mais nettement meilleure que la veille avant de passer sur le billard, s'éleva.

- Oui ?

Lorsque les gonds grincèrent et que le battant de la porte pivota, les yeux du noiraud s'écarquillèrent légèrement, avant qu'un sourire timide ne vienne éclairer son visage. Elle était venue... en avait-il vraiment douté ? C'était... compliqué. Il avait surtout beaucoup réfléchi, imaginé l'instant, imaginé ce qu'il pourrait apprendre. Il craignait la vérité, mais il devait la découvrir. Il avait imaginé de nombreuses choses, des scénarios un peu improbables. Le suspens nourrissait l'imagination à merveille : deux choses dont il disposait en très larges quantités, depuis son réveil. Pourtant, en la voyant retirer son masque et l'observer, il s'attarda sur ses traits, reléguant tout cela au second plan. Il était content de la voir.

- Non, non ! C'est bon... ne t'en fais pas. Je survivrai.

Il essaya de se redresser plus convenablement. Inconsciemment, il ne voulait pas apparaître comme abattu, affaibli. Ce n'était pas dans son caractère... et il savait qu'elle devait s'en vouloir de l'avoir attiré dans ce guêpier. Pourtant, il ne voulait pas la mettre mal à l'aise, même s'il aurait eu tous les droits du monde de s'énerver, de s'agacer, de se montrer caustique et incisif après ce qu'il s'était passé. Il n'était pas comme ça. Il pardonnait sans qu'on lui demande, sans même y penser. Il essayait de comprendre les gens avant de les fustiger... même si c'était lui qui avait souffert. Il était juste... lui.

- Tu peux t'asseoir, tu sais.

Il ne précisa pas spécifiquement le tabouret, mais il y avait également assez de place sur le rebord du lit pour qu'elle s'y installe confortablement. De son côté, le noiraud ne savait pas par où commencer. Lui demander comment elle allait ? Oui... oui, bien sûr. Mais après ? Attaquer le vif du sujet ? Non. Non non non... c'était bien trop brusque et puis, il ne savait même pas quoi dire. Il se gratta la nuque, indécis, avant de se rappeler d'une chose. Le lapin géant ! Comment s'en était-il seulement sorti ? Il se souvenait que l'animal n'était pas très loin, lorsqu'ils étaient sortis du Trou à Rat... du reste, c'était le flou total. Oui... c'était une bonne idée.

- Tu... vas bien ? Et notre ami aux longues oreilles ? Il est sain et sauf ?

Il plissa les yeux. Il n'était pas doué pour ça. Si seulement... quel manche. Pressé d'apprendre le fin mot de l'histoire, trop soucieux de mettre Lidy à l'aise pour amorcer la discussion de but en blanc. Et puis, il y avait dans son esprit des interférences assez perturbantes. Il avait du mal à la regarder sans repenser à leur baiser... et le rose sur ses joues, semblable à celui qu'il avait pu voir sous le masque, ne faisait qu'accentuer sa confusion.




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"Are you a man... or a monster ?"

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Ven 1 Mar - 12:34

Nous portons un masque [14]


L’idée d’être rejetée effleura l’esprit de la hors-la-loi qui n’eut pourtant pas de mal à effacer cette idée de sa tête en voyant son ami. Ami ? Non, son comparse, son camarade. Il ne fallait pas aller trop vite en besogne. D’un air incertain, elle scruta le regard de Heziel. Devait-elle… Allait-elle… Non, il fallait qu’elle soit forte, qu’elle ne cède pas à son envie de déballer toute son histoire, de s’épandre. Pour une fois qu’elle avait quelqu’un à qui parler, son regard se porta sur lui et elle s’assit sur le bord du lit, sans prendre en compte le tabouret : il pourrait parler moins fort ainsi, même si la proximité était plus grande. A vrai dire, après ce baiser… Elle tourna la tête pour éviter de trop y penser.

- Je… je vais bien.

Ses joues étaient devenues pourpres tandis que la sensation revenait sur les lèvres. Ah, elle s’en souvenait parfaitement, et chaque nouvelle prise sur ce souvenir faisait revivre une sensation si pleine, si douce, qu’elle n’en pouvait déjà plus. Si elle avait été dans un drama, elle aurait sûrement saigné du nez, mais il ne fallut pas longtemps avant que son cerveau ne se remettre à fonctionner normalement, et qu’elle passe une main dans ses cheveux, répandant une terrible odeur de fleur, celle du doux parfum qu’elle portait.

- Le lapin… Enfin, la lapine va bien. Enfin, elle… Elle va bientôt avoir des petits, le vétérinaire m’a dit que ça devrait arriver dans quelques jours.

Le regard de la Olsen se perdit un court instant tandis qu’elle laissait Heziel assimiler l’information, puis elle lui jeta un regard timide, mais emprunt d’un certain charme. Ses yeux étaient baissés pour esquiver ceux de son camarade, avant de les chercher et de s’y plonger, lâchant ainsi la nouvelle qui trémoussait derrière ses lèvres.

- J’ai donc décidé de rester quelques jours de plus…

L’information avait une importance capitale, elle était synonyme d’aventures pendant les jours à venir, jusqu’à un accouchement et au transport des lapereaux sur Drum. Cette dernière partie, elle la voulut implicite et saurait rapidement si le Coffe l’avait comprise. Sinon, elle se ferait violence, peut-être plus tard, pour l’expliciter. Un air déçu traversa ses traits tandis qu’elle prenait pleine conscience de ce que cette séparation impliquait : une occasion ratée de connaître quelqu’un, d’avoir un ami. Cependant, il ne fallait pas qu’elle se démoralise.

Un sourire serein lui parcourut soudainement les traits tandis qu’elle se décida à parler. Il était toujours un peu difficile de poser des questions, de chercher des informations. Finalement, elle avait choisi qu’elle ferait confiance à cet homme qui, sur son île, avec son air naïf, ne lui poserait sûrement jamais de problèmes, bien au contraire.

- Je suis née sur une île tranquille, tardivement dévastée par une guerre civile. Mes parents sont morts durant cette guerre.

Elle avait abruptement commencé son histoire, raccourcissant ce qui pouvait l’être pour ne pas s’apitoyer sur son sort.

- Mais mon frère a survécu. Mon cher frère et moi étions des enfants, alors on a… On s’est débrouillé comme on a pu, mais ce n’était que rarement honnête. Il est entré dans une organisation criminelle qui avait un seul but : provoquer la libération des peuples par le chaos. Des anarchistes en soit.

Elle eut un sourire désolé face à l’immonde vérité. Sa voix avait déjà commencé à trembler mais elle continua, comme si assumer la vérité était une façon de s’excuser auprès de Heziel pour l’avoir traîné dans cette affaire.

- Plus tard, pour mon frère, je suis entrée à mon tour dans cette organisation… Némésis. J’y ai été utilisée pour des missions diverses, surtout de la récolte d’informations, de l’infiltration, et récemment pour gérer des transactions. On m’a envoyé ici pour… absorber le cartel. En somme, prendre la clientèle de l’homme que l’on a croisé hier.

Elle se tut. C’était tout ce que Heziel devait imaginer… Et pire encore.

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Ven 1 Mar - 13:32




Mauvais endroit, mauvais moment ?


S'il n'en montra rien, il accueillit agréablement le fait que la demoiselle s'installa à son chevet direct, sur le lit, aussi proche. En avait-il seulement conscience ? Non. C'était de l'ordre de ces petites choses, ces petites réactions discrètes mais pourtant fondamentales qui lui prouvaient que le vieux Steure n'avait peut-être pas tort sur une partie de l'affaire... s'il avait seulement tort sur un seul point. Il la détailla, jusqu'à ce qu'elle réponde finalement, de façon relativement concise. C'était bon à entendre. Il resta silencieux, observant ses doigts délicats passer dans ses cheveux à la couleur reposante. Le parfum floral s'invita rapidement dans ses sens et il resta interdit, attendant la suite, essayant de se concentrer sur autre chose que des capteurs sensoriels qui commençaient un à un à se détraquer.

Le lapin... était une lapine ? Et il... elle allait accoucher ? Bientôt, sur cette île ? La bouche du Coffe forma un large "O" tandis qu'il accusait le coup. Il s'était attendu à pas mal de choses, y compris des mauvaises... mais ça... c'était un joyeux évènement ! Un air satisfait se répandit sur son visage, avant qu'il ne baisse à nouveau la tête sur son café désormais froid. Il le fit tourner, ondoyer dans la tasse paresseusement d'un mouvement souple du poignet. C'était une bonne chose qu'ils soient tombés sur cette bête. Il préférait ne pas imaginer l'enfer qu'elle avait pu vivre... après tout, elle n'était certainement pas d'ici. Il n'avait même jamais entendu parler de lagomorphe de cette envergure.

- Ça, pour une surprise... ça me soulage, cependant. Elle n'avait rien à faire dans un endroit et des conditions pareilles.

Qui savait les réelles intentions du gangster et de sa clique ? Avaient-ils seulement conscience de la portée que la femelle apportait avec elle ? Pire encore... avaient-ils sciemment décidé de capturer une future mère pour pouvoir conditionner ses petits ? Le noiraud ne connaissait pas cette espèce, mais la carrure imposante et les griffes acérées dont il gardait un souvenir assez exact lui indiquaient que ce n'étaient certainement pas des lapins qu'on pouvait emmerder en toute impunité. Cela lui rappela d'ailleurs les Fuchiens de Mormoilnoeud, ces canidés étranges qui pratiquaient des arts martiaux dans les montagnes. Définitivement, il y avait des armes à trouver dans la nature, pour quiconque était assez froid pour priver un être vivant de son caractère conscient, de son individualité. Ces pensées sombres s'invitaient dans son esprit, lorsque la Olsen annonça une nouvelle autrement plus saisissante.

- Oh... je vois. Eh bien, ces bandages, c'est pas grand chose... je suis sûr que je serai vite remis sur pieds, tiens. Et on pourrait... se promener, ou...

Il s'emmêla un peu les pinceaux. Il avait commencé la phrase sans savoir comment la terminer et il en payait cocassement les conséquences. Il y avait pourtant énormément de choses à faire, sur Notebouque. La ville, chamarrée en cette période festive, était pleine de boutiques, de points d'intérêts et de restaurants (dont le sien, surtout). Une balade au port était la garantie d'un moment de détente à observer les vagues nonchalantes et azurées, tandis qu'une sortie hors de la ville les amènerait sur les sentiers d'une forêt lumineuse et accueillante, dont la cime des arbres chatouillait la base d'une montagne d'environ neuf-cent mètres. Un parcours de randonnée parfait, qui se terminait par une vue saisissante des environs de la petite île : des plaisirs simples, donc, mais qui permettaient à tout un chacun de se ressourcer. Pourtant, avec ces agréables perceptives vint la réalité, plus triste : elle "resterait" quelques jours. Ce qui signifiait qu'elle partirait, de toute façon. Le coeur du brun se serra doucement dans sa poitrine à cette idée. Pour une raison inconnue, imaginer cela lui était désagréable.

Soudain, le prenant de court, elle s'ouvrit à lui.

Il écouta, attentivement, sans l'interrompre une seule fois ni montrer un signe tangible de vouloir le faire. Son visage évoluait en fonction des phrases, marquant pas à pas une tristesse empathique, puis une certaine défiance. Telle qu'elle lui était décrite, cette "Némésis" se présentait peut-être sous des jours nobles. Sous le masque d'un chevalier à la cause juste, sous les traits mystérieux d'une force prête à faire le nécessaire. Mais quelle était la réelle valeur de cette liberté par le chaos ? Le but de libérer les peuples n'était-il pas d'améliorer leurs conditions de vie ? Si les gens étaient contents de leur situation, pourquoi les en extirper par la force ? Et cela au prix du bonheur d'autres personnes qui n'avaient rien demandé, à un autre morceau de la carte ? Tout cela tournoyait dans la tête du brun, qui sentit quelque chose en lui défaillir lorsque la voix douce de la criminelle se mit à trembler. Elle avait donc été envoyée ici par ce groupuscule, en effet... mais pas vraiment pour négocier un accord. C'était plutôt un rachat qu'autre chose. Un rachat particulièrement douloureux.

Le silence s'étira sur de longues secondes, durant lesquelles il observa sa main gauche, proche, et pourtant si loin de celle de la demoiselle. Il était incertain sur la conduite à adopter, sur le comportement à tenir. Les paroles du docteur lui résonnaient en tête. Pourtant... Rah, pourquoi était-ce si compliqué ? Il avait envie de la croire. Il n'avait pas plus de raison de se méfier d'elle que l'inverse, au fond... et puis, pourquoi se serait-elle échinée à venir jusqu'ici, à se mettre dans une situation précaire, si ce n'était pour lui dire la vérité ? Qu'elle fut pleine ou non était une autre histoire, mais... son regard s'adoucit. Lentement, sa main se posa sur celle de Lidy, lui transmettant sa chaleur si cette dernière se laissait faire. Il reprit d'une voix paisible, apaisante, profonde : une voix ronde et confortable à l'oreille, dont les gens comme lui avaient naturellement le secret. Celle de l'écoute.

- Ça n'a pas du être facile... de le vivre... de me le dire. Merci d'être venue le faire.

Il restait cependant interrogatif sur plusieurs points. Celui qui l'enquiquinait le plus, c'était cette histoire de frère : il avait lui même une petite sœur, une petite sœur qu'il chérissait, qu'il avait protégée longtemps, collée aussi petit être, mais jamais... au grand jamais... il n'aurait cherché à lui faire du mal, ou à la mettre dans une position d'inconfort. Ce frère dont elle parlait... avait-il conscience de ce qu'elle pouvait subir ? Elle n'avait pas l'air de faire tout ça de gaieté de cœur. En fait, il ne la croyait pas réellement attachée aux idéaux qu'elle présentait : c'était sans doute pour ça que sa réaction s'était faite si rassurante.

- Et... tout ça... tu y crois ? Tu es d'accord avec ces méthodes ?

Il faisait peut-être un amalgame. Après tout, il ne savait rien de bien probant de cette entité qu'était Némésis. Pourtant, il savait qu'elle "récompensait ses alliés et punissait ses ennemis"... ce qui impliquait, couplé à sa nature sans doute illégale, qu'elle ne devait pas toujours être du "bon côté" de la transaction. Il avait beau tenter de raisonner froidement, il n'y parvenait pas. Pourquoi ? Il se fustigeait avec cette question depuis plusieurs secondes, mentalement. Un instant, il compatissait pour ce qu'elle avait pu vivre. Un autre, il trouvait dommageable de la voir engagée sur pareil chemin. Celui d'après... il s'attardait sur l'ondulation de ses cheveux, sur le rose pâle qui teintait ses joues, sur la profondeur de son regard et le souvenir sucré d'une étreinte. Peut-être que la médecine de ce vieux roublard de médecin faisait encore effet ? Non... non plus.

Il se passait quelque chose chez lui. Quelque chose qui le désorientait.



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Ven 1 Mar - 14:11

Nous portons un masque [15]


La Olsen accueillit les émotions de son camarade par à-coups, d’abord parce qu’elle ne les percevait pas toutes en même temps, mais aussi en raison de son regard fuyant. Son pouvoir n’était pas encore au paroxysme de son contrôle, tant et si bien qu’elle devait agir avec défiance envers celui-ci. Le ton de Heziel était trop compatissant, trop amical, trop… Trop. Elle l’appréciait réellement, et ses rougissements n’étaient pas feintés, loin de là. Un air triste passa sur son visage lorsqu’elle sentit que la vérité, la dure, lui ferait plus de mal que de bien. Il n’était pas prêt, et elle ne lui imposerait pas le tableau de sa vie en entier, elle ne lui parlerait pas des morts pris dans son sillage, certes malfrats mais des morts quand même. Ce garçon était candide, et la beauté de sa candeur ressortait encore plus à présent qu’elle le voyait presque nu.

Une main vint se poser sur celle de la bleutée qui l’accueillit en la serrant légèrement. Elle aurait aimé se coller au garçon mais il était blessé, ainsi le mouvement subtil qu’elle faillit enclencher mourut dans l’instant.

Finalement, la question vint cueillir les derniers soupçons d’innocence qui régnaient dans leur relation, pour y amener une abrupte et rude vérité. Elle ne pouvait répondre honnêtement à cette question, et pour cause : si elle le lui disait, il essayerait de la sauver. Et cela, elle ne pouvait pas le lui imposer.

- Je… ne suis pas d’accord avec ces méthodes. J’essaye de les changer, mais ça prend du temps. Pour mon frère.

Ce n’était à nouveau qu’une demi-vérité, et qu’un demi-mensonge. Passé avec le plus de douceur possible dans un discours un peu brut, un peu déglingué. La demoiselle passa sur sa cuisse sa seconde main : elle portait une tenue relativement simple, un kimono qui accompagnait son masque mais qui laissait à son corps toute la latitude pour se mouvoir. De fait, l’ouverture lui permettait de mettre une partie de sa peau à nue sans qu’elle n’en ait conscience.

- Je serais ravie de me promener avec toi. Oublier quelques jours ce monde, et…

« Et peut-être plus », mais elle ne vint pas au temre de sa phase. Déjà son regard s’était fermé, déjà sa main allait doucement caresser celle qui la prenait avant de s’en séparer et de finalement venir cueillir le visage du jeune coq. Elle avait apprécié le baiser, mais à présent… à présent il devait se reposer. Elle avait répondu à sa question muette, celle qui l’intéressait le plus, et avait même fini par lui donner plus d’informations que personne n’en avait jamais eu sur elle. Avec un air absent, elle se détourna et alla prendre un verre d’eau tout en lui en servant un, s’il le désirait. Il fallait qu’elle aille aux thermes pour se relaxer, ce serait sûrement la meilleure chose à faire.

Mais elle ne voulait pas partir. Il était irrésistiblement présent. Et cela, c’était un point qu’elle ne pouvait ignorer. Quand elle fut aux côtés du jeune homme à nouveau, elle lui reprit naturellement la main tout en contemplant ses blessures.

- Le monde est étrange, n’est-ce pas ? Je suis juste contente de t’avoir rencontré, même si les circonstances sont….

Elle sourit à moitié, et son regard s’anima à nouveau avant de se fixer sur celui du Coffe. D’un air interloqué, elle se surprit à désirer… quelque chose. Et son corps bougea de lui-même, tandis qu’elle approchait ses lèvres de celles du cuistot… Quand la porte s’ouvrit à grande volée et qu’elle recula brutalement, rougissant comme jamais. C’était vraiment quelque chose, ce chevalier servant.

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Mauvais endroit, mauvais moment ?


- Je vois...

Lorsqu'elle évoqua son frère, comme une raison pour se plonger dans les eaux troubles du monde noir de la criminalité, le noiraud exerça une gentille pression sur sa main. Comme pour l'accompagner. Il n'y avait pas pensé mais... si Emilia s'était retrouvée dans cette situation ? Si elle avait emprunté un mauvais chemin et que le seul moyen de s'occuper d'elle avait été de la suivre ? Sans parents pour les superviser, pour les guider, pour les sauver de leur ignorance ? Il imagina quelques instants les choses qu'il aurait alors été capable de faire et, à défaut de trouver des réponses certaines, il resta songeur quant à un point : il n'arrivait certes pas à s'imaginer réaliser de mauvaises actions... mais il n'imaginait pas de limite claire aux lignes qu'il serait capable de traverser. Cette résonance avec un sujet qui le touchait ne cessait de l'amadouer, de l'adoucir. Ça, et la manière dont le temps semblait ralentir lorsqu'il la fixait.

Elle essayait de changer les choses. Il y prêta sa croyance, sans hésiter. Sans qu'il l'eut réalisé, son jugement et ses capacités de réflexion étaient obscurcis par une myriade de désirs qui s'invitaient dans la danse, prenant de plus en plus de place alors que le temps passait. L'envie de voir ce sourire triste éclater, rayonner. Le désir de réitérer leur étreinte. L'idée de pouvoir s'allonger dans ce lit et de la sentir collée contre son torse... mais pas comme la veille. Sans jeu, sans filtre, sans danger. Juste être là et laisser les minutes filer, inlassablement. Elle ne pouvait pas être mauvaise... il refusait de l'affubler d'une telle étiquette. Elle était certes mystérieuse, peut-être pas tout à fait transparente, mais... la louve de la veille, décidée et efficace, avait laissé place à une fleur cristalline au rayonnement magnétique. Le fait de la cueillir semblait à la fois comme une évidence et comme un sacrilège.

Lorsqu'elle lui affirma que passer plus de temps avec lui lui ferait plaisir, il sentit son coeur bondir dans sa poitrine. Elle ne termina pas sa phrase, laissant à sa curiosité le loisir d'assembler des pièces jusque là erratiques en des ensembles insoupçonnés. Lorsque la paume de soie se déposa sur sa joue, il s'abandonna à sa chaleur et laissa même légèrement aller sa tête contre, sans le vouloir. Il y avait une attirance énigmatique dans tout ce qu'elle faisait. Une chose qui le captivait, dans la façon dont son kimono ample mettait en valeur sa corpulence délicate, dans la manière dont cette fille qui était encore une parfaite inconnue la veille parvenait à le laisser ainsi, expectatif mais serein. S'il n'avait pas été blessé, elle l'aurait sans doute cloué dans ce lit d'un simple regard. Il accepta avec plaisir un verre d'eau, qu'il commença doucement à boire avant de le poser sur la table de chevet.

Elle s'assit à nouveau à ses côtés. Sa main retrouva la sienne, non sans une certaine acclimatation : ce toucher, il l'appréciait de plus en plus. Il y trouvait quelque chose qu'il ne savait pas définir. Il n'était pas incrédule et ignorant au point d'ignorer les concepts d'attachement sentimental, d'affection, d'amour... pourtant, il y avait autre chose. C'était trop tôt pour ça, de toute manière, se disait-il. Trop tôt pour parler de quelque chose de sérieux. Trop tôt pour seulement le définir : c'eut été priver l'instant de sa magie, couper l'herbe sous le pied à la découverte, à l'exploration prometteuse de ces émotions vivifiantes. Non... il allait se laisser porter par le courant. Elle planta son regard dans le sien, notant à demi-mot le croisement complexe et inattendu des situations qui les avaient amenés à se rencontrer. Il la laissa approché. Sous le charme... littéralement. Il se sentit aspiré vers l'avant et, comme deux aimants qu'on rapproche, il laissa l'attraction mystique de deux corps humains faire son travail. Distraitement, il termina sa phrase.

- ... étranges... aussi...

Le contact, imminent, l'envoutait d'avance.

La porte claqua et il fut tiré de cette torpeur si charmante et agréable, ce qui lui arracha un petit sursaut et une plainte étouffée lorsqu'il remua son abdomen dans la foulée. De son côté, la Olsen se retira hâtivement de son sillage. Le rouge sur ses joues, il le remarqua et resta tout bête en réalisant ce qu'il signifiait. Il l'avait sous les yeux depuis la veille, et pourtant... c'était durant ce court moment, cette infime quasi-culmination durant laquelle leurs regards les avaient emmenés sur un sentier plein de merveilles, qu'il s'était rendu compte qu'il se passait définitivement quelque chose... et pas que dans son sens.

- L'est là, ce sagouin.

Il était arrivé à temps : bon sang, ces jeunes. C'était une infirmerie, ici, pas une chambre d’hôtel. Déjà qu'il n'était pas foncièrement content de voir la gamine, il était hors de question qu'ils poussent le bouchon jusqu'à commencer à s'enlacer dans ses lits d'hospice... ils avaient eu le temps de discuter, non ? Il aurait pu dire qu'il venait repasser sur les bandages, mais ça aurait fait un piètre prétexte : ils avaient été faits assez récemment pour ne pas nécessiter de revue, surtout si l'on considérait la capacité effarante du marmot à revenir sur ses pieds en moins de deux. Par contre, il amenait avec lui une alliée de poids pour occuper le petit con avant qu'il ne fasse d'autres bourdes.

- Oh mon dieu ! Mon petit chou des îles !

Zara. Il avait amené Zara. Pomponnée et extravagante, comme à son habitude. Le futur pirate jeta vers Papa Steure un regard suspicieux, même s'il comprenait déjà que la manœuvre n'avait rien d'innocente. La pauvre marchande devait être morte d'inquiétude pour son petit cuisinier favoris et, forte comme elle était pour tenir le crachoir, elle le tiendrait éloigné de la bleutée un petit moment... de quoi lui laisser le temps de récupérer un peu, au moins. Il était encore faible, même s'il prétendait le contraire. Se ruant dans la pièce, la dame arriva à son chevet en moins de deux, tandis que le docteur suivait, l'air blasé.

- Douce soierie de Trader, que t'a-t-on fait, mon chat... si cruel...
- Oui, enfin... ça va aller, tu sais, je-
- Un avenir si prometteur, brisé avant de déployer ses ailes...
- Non mais... je suis vivant, hein, je-
- Cette blessure te laissera certainement des cicatrices et séquelles terribles, mon poussin... mais il faut que tu sois fort, d'accord ?
- Tu m'écoutes quand je parle ?!

Non. Elle ne l'écoutait pas et c'était bien ce qu'il lui reprochait souvent : les discussions à sens unique. Il toussa un peu et fut forcé de se laisser retomber dans son lit, tandis que le chirurgien l'observait en se massant les tempes. La vendeuse de vêtements de luxe, elle, se tourna vers Lidy avec un sourire chaleureux qui retranscrivait sa propre bonhommie naturelle. Elle était fraiche et pleine d'énergie, sa trentaine sublimant sa beauté par une maturité qu'elle assumait pleinement.

- Oh, mais qu'avons nous là ? Petit cachotier ! Tu me caches des choses, maintenant ? Enchantée ! Zara Nafnaf. Vous devez être sa...
- Bon, tu es venue me le secouer, ou lui souhaiter un prompt rétablissement ? Si tu sors et qu'il est en plus mauvais état qu'à ton entrée, je vais me fâcher.

Les deux commencèrent à discuter tandis que Heziel jetait à Lidy un regard un peu désolé, avec un sourire coincé. Il ne savait pas comment la situation évoluerait dans les prochaines minutes... surtout avec la Nafnaf dans la pièce. Si la Olsen voulait s'extraire des lieux, c'était peut-être sa chance. Il s'était décidé, en son for intérieur, à la revoir de toute manière. Espiègle comme il était, il trouverait une façon de se délester des quelques lourdeurs sociales qui risquaient de lui tomber dessus dans les heures à venir... et ça, que le vieux grigou l'eut voulu ou non !

Cette magie de quelques instants, il voulait la ressentir à nouveau.



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Ven 1 Mar - 17:25

Nous portons un masque [16]


Encore une fois, elle se retrouvait dans une situation qu’elle n’avait pas l’habitude de vivre. Ce n’était pas grave, et elle sut apprécier la scène qui se déroula en jetant un petit rire amusé qui saurait charmer la nouvelle arrivante, une personne extravagante qui comptait bien interrompre leur rencontre. De toutes les manières, c’était l’objectif du vieil homme qu’elle maudit sur plusieurs générations : ces moments magiques étaient déjà rares dans la vie d’une personne sans qu’on vienne les faucher avant qu’ils n’aient éclos. Qu’importe !

Quoiqu’il en soit, l’entreprenante demoiselle se déporta sur le côté et dirigea à la fois son attention et son regard sur les personnes qui se trouvaient dans la pièce, sans la conserver totalement sur Heziel. Elle devait paraître naturelle et sans arrière-pensées, alors même qu’elle avait espéré lui voler un baiser. Argh !

- Je vais m’éclipser, comme tu as de la visite.

Être sage devrait rassurer le vieil homme qui prendrait cela comme une marque de pragmatisme, quelque chose qui manquait cruellement à son jeune protégé. Alors qu’elle irait déposer un bisou sur la joue du malade, sous le regard sûrement atterré de Papa, elle glisserait aussi le lieu de leur prochain rendez-vous, daté du lendemain s’il se sentait assez en forme. Aller en dehors de cet environnement serait plus que revigorant, et il ne nécessitait pas de marcher trop longtemps pour accéder à cet endroit.

S’éloignant, sa silhouette fine, douce et féminine ferait le chemin vers la porte et la fermerait doucement derrière elle après avoir salué respectueusement une dernière fois le gérant des lieux et son invité. Puis, elle remettrait son masque, comme si elle ne l’avait jamais enlevé.

Dehors, la foule était importante. Les quelques personnes qui ne portaient pas de costume faisaient partie du staff de l’évènement, et étaient munis de brassards. Ce festival était à n’en pas douté une réussite, malgré la fermeture subite du Trou à Rat qui avait déçu nombre de touristes venus pour découvrir l’attraction hantée la plus réaliste de Notebouque. Si seulement ils savaient.

Elle n’était pas restée longtemps, le soleil venait à peine de quitter son zénith que déjà elle retrouvait les stands de nourriture. Il fallait qu’elle prolonge la réservation de sa chambre, au moins d’une semaine, et qu’elle allait pouvoir changer de vêtements. Au pire, elle allait sûrement se faire alpaguer en les achetant… Alors autant atteindre le jeune homme qui l’avait faite chavirée pour qu’il donne son avis.

Une minute. Deux minutes. Trois minutes.

Elle regarda l’heure affichée devant elle, défilant. Elle se trouvait en bas du temple, portant la dernière tenue qu’elle avait ici. Son ami devait arriver d’un instant à l’autre, enfin du moins le pensait-elle. Cet endroit était rempli d’une foule humaine qu’elle n’aurait su deviner, auprès d’un temple improvisé aux couleurs de l’île. Il avait été installé de manière à permettre de partager de vieilles traditions, aujourd’hui désuètes.

Quand ses lèvres se refermèrent, elle les fit claquer une fois pour les faire briller. Une petite coiffure plus élaborée que d’habitude lui montait les cheveux dans un chignon travaillé, et ses habits avaient été taillés pour l’occasion, spécialement.

Une fois qu’il serait arrivé, elle l’inviterait d’abord à aller voir ce que le temple proposait, avant de le diriger vers la boutique de vêtement, tout en tentant de faire la conversation.

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Mauvais endroit, mauvais moment ?



- Au revoir, mon choupinet ! Prend bien tes médicaments et fais attention à toi ! Je reviendrai te...
- DE-HORS ZARA.

Lui glissant un ultime baiser volant, la luxueuse éditrice de mode locale se retira finalement avec un sourire espiègle tandis que Papa Steure la raccompagnait vers la sortie de son cabinet. Lorsqu'il revint, il croisa un Heziel aux traits tirés, qui observait fixement devant lui. Lessivé... ça avait duré toute l'après midi. Il y avait eu plusieurs visites : des collègues du Crabe-Repu, Jora le charpentier, une petite fille pour laquelle il faisait parfois des petits sablés en secret, ainsi qu'une foultitude d'habitants qui le connaissaient assez pour se payer le luxe de s'enquérir de son état. Il avait tenté, par tous les moyens, de s'excuser : rien à faire, Papa était un chien de garde de premier calibre. Couplé à Zara, il lui avait été impossible de s'extirper de ce traquenard. La bonne nouvelle, c'était que le vieillard était aussi crevé que lui : bien fait, se dit-il, boudeur. La prochaine fois, il éviterait d'ouvrir les portes de l'enfer. La cacophonie passée, il se laissa tomber dans son lit. Le souvenir d'un baiser doux sur sa joue le revigora quelques peu... et l'idée du rendez-vous du lendemain le rasséréna.

- Bon... laisse moi jeter un coup d’œil à tes bandages. T'as mérité un peu de repos, mais c'est pas tout de suite.

- Fais toi plaisir.

Il avait répondu distraitement. Il était dans les nuages, à dire vrai. La fatigue le pesait quelque peu, dans l'immédiat, le calme se faisant un ami et allié de poids pour retrouver un peu de plénitude. L’auscultation se fit sans heurts et il fit clairement comprendre au vioc que, mort ou vif, il passerait le pas du cabinet le lendemain. Ce dernier n'objecta pas : il n'aimait pas foncièrement les visiteurs et son infirmerie s'était changée en moulin. Une fois, pas deux d'affilée... ils discutèrent rapidement, mais le noiraud n'en démordait pas : bah, il réagissait peut-être avec un peu trop de sévérité. La demoiselle s'était éclipsée, sans faire de scène ni montrer de signe d'irrespect : elle avait été correcte. Laissant son jeune protégé à une nuit de repos qui se faisait pressante, ce dernier ne tarda guère à s'endormir pour un long sommeil paisible, sans doute parsemé de rêves agréables.



Le lendemain...

Une nouvelle goulée d'air frais lui rendit tout son vivant possible. Il avait obtenu sa permission, comme prévu : un passage rapide chez Zara, qu'il avait volontairement écourté, lui avait permis de s'habiller pour l'occasion. La fashion lady s'était montrée bien plus compréhensive quand il avait avoué, de but en blanc, devoir se faire beau pour plaire à quelqu'un. Elle avait déblatéré de nombreuses choses, dont il n'avait écouté qu'une maigre partie, tout en lui trouvant un habillage qui correspondait à sa situation : une veste de lin, assez cintrée pour laisser apparaître sa carrure au grès de certains mouvements, mais assez ample pour éviter de jouer sur ses côtes endolories, lui donnait cet air à la fois simple et propre. Un pantalon noir, cerclé au niveau de la taille d'une ceinture à la boucle de fer blanc, mettait en valeur ses jambes sans trop les mouler. Ses chaussures, légèrement montantes, lui assureraient une bonne prise sur les chevilles. Elles étaient agréables : il avait beau détester sa propension à s'accaparer le monde qui l'entourait, le noiraud ne pouvait que louer les capacités de la Nafnaf à lui dégoter ce qu'il fallait. Un petit coup de parfum boisé et marin à la fois, harmonieux, venait suppléer le soin qu'il avait apporté à sa coiffure. Il était à la fois plus décontracté que dans son habit carnavalesque de la veille, qui renvoyait à sa candeur et à sa simplicité, et plus attirant encore. Il espérait que ça ferait plaisir à la charmante jeune femme. Après tout... les interrogations s'étaient tues. Il voulait profiter du temps dont il disposait.

Il parvint au temple peu de temps après l'heure du rendez-vous. Son corps, encore un peu faible, ne lui avait pas permis de se presser comme il le désirait : ce n'était pas grave. Le tout, c'était d'être là... et il y était. Cherchant la demoiselle dans la foule, il laissa ses yeux vaguer sur quelques sculptures de l'année, quelques constructions de bois et autres montages artistiques qui renvoyaient à de vieilles idoles du folklore populaire. Il aurait beaucoup de choses à lui montrer... sans compter les boutiques qu'il risquait de devoir écumer. Pour une raison obscure, cela ne le dérangeait pas plus que cela : il avait même hâte de découvrir d'autres facettes de son amie, dans des couleurs et des tenues différentes. Lorsqu'il la vit finalement, en train d'observer l'heure, puis la masse des locaux, il resta pantois quelques instants.

Qu'est-ce qu'elle était belle.

Il déglutit. Ne pas avoir l'air idiot... allez, Heziel, tu n'as pas fait tout ça pour rien ! Il tentait de se convaincre et de rassembler un peu plus de courage. Il s'approcha, détaillant la coiffure et le visage enchanteurs de Lidy, s'attardant sur ses vêtements, sa silhouette. La manière dont elle semblait l'attendre, qui le fit fondre. Il s'approcha, la main gauche dans la poche correspondante par confort et volonté d'atténuer les quelques douleurs restantes, avant de se planter non loin d'elle. Il cherchait une phrase d'accroche. Il chercha. Elle se retournerait sans doute avant qu'il ne trouve... moment auquel il lâcherait la meilleure de ses trouvailles.

- Je... suis là.

Putain. Ça craignait. Il se gratta la tête et, s'il avait pu se dédoubler, il se serait sans doute infligé un marron pour sa bêtise. Il y avait tellement à dire ! Et pourtant... il sembla gêné l'espace d'un instant. Il était vraiment mauvais à ça. À l'écrit, ça passait mieux... mais en face à face... ah, zut.

- Tu... tu es resplendissante.

C'était déjà mieux. Au moins, il faisait un effort. Il s’accommoderait sans doute de sa réaction, qui promettait d'être cocasse, avant de se laisser entraîner à l'intérieur du temple. C'était grand, somptueux pour une île de ce calibre : mais il y avait toujours cette touche de naturel, de simplicité, d'artisanal, qui rendait les lieux authentiques comme jamais. Des tailleurs de pierre, des menuisiers, des peintres se succédaient en discutant avec la clientèle venue acheter des produits faits-main ou contempler les créations. De temps à autres, il pointait de son bras le plus valide une idole, expliquant ce qu'il savait de son histoire, de son impact sur la culture locale. Il aimait cette île et ça se voyait. C'était son foyer... et même si la nostalgie le saisissait parfois, même si l'idée de partir un jour lui était douloureuse mais envisageable, il portait un amour sincère à cette terre.

En passant de Gingin, la grenouille annonciatrice de pluie pour les exploitants agricoles, à Banro le lutin qui chantait l'air de la montagne, via une multitude d'autres représentations tantôt pittoresques, tantôt sérieuses, le brun se montra assez loquace. Il laisserait bien entendu la demoiselle s'exprimer librement, mais il était certain qu'elle n'aurait pas à combler. S'il était trop timide pour tenter de s'approcher de but en blanc, il était évident qu'il le ferait, petit à petit... attiré sans le réalisé par cette présence irradiante. Peut-être même chercherait-il à retrouver le contact doux de ses doigts, cette fois débarrassés de leur tristesse. Il s'arrêterait finalement devant une grande statue, amenée méticuleusement par un travail communautaire et solide. Une sorte de gros cochon avec de grandes dents aux airs démoniaques.

- Oh, ça aussi ! C'est le Yokubarubuta. Une représentation ancienne d'une légende locale. Autrefois, il y avait sur l'île, d'après ce qu'on dit, de très gros cochons mangeurs d'homme.

L'idée le fit rire quelques instants.

- Le Yokubarubuta était le plus gros d'entre eux, et il avait mangé tout ce qu'il pouvait trouver, sauf les anciens qui avaient réussi à le repousser par intellect et malice. Affamé, tiraillé par son avidité, il mangea tous les autres porcs. Il était vraiment terrifiant et assurément très puissant. Les étrangers pensent souvent qu'on le vénère comme un mauvais esprit que l'on doit apaiser. Ce n'est pas le cas.

Il plissa les yeux.

- Les gens le révèrent comme une leçon d'équilibre. Il se retrouva seul, sans rien à manger, par gourmandise et envie. Il mourut seul, malgré toute sa force et toute la crainte qu'il inspirait aux chasseurs. Sans faire preuve de raison, on ne s'attire que des ennuis... l'avidité ne nourrit pas l'estomac éternellement.

Le Coffe observa quelques instants les traits malfaisants de la représentation exagérée et grandiose, avant de reprendre avec un sourire de coin.

- Personnellement, je me dis que devenir le plus fort ne sert à rien si l'on marche sur tous les autres pour ça. Une fois au sommet de sa gloire, si l'on a personne avec qui la partager, elle devient aussi amère qu'un fruit pourri.

Il se frotta le menton, quelque peu gêné en constatant à quel point il avait parlé. Il ne lui arrivait pas toujours de philosopher ou d'assigner un sens aux choses qui l'entouraient, mais cette fois, ça lui avait paru assez limpidement. Après tout, il avait cette part de lui qui rêvait d'aventure, de force, mais aussi de respect, de fierté et d'honneur. Il trouvait une résonance particulière dans cette idole de pierre qui lui avait appris une forme de tempérance.

- Enfin... un truc du genre, je suppose...

Il dévoilerait à nouveau cette facette humble et naïve de lui même, fermant les yeux en grattant la base de sa nuque de son bras apte. Il regarda finalement la Olsen dans les yeux, détaillant l'éclat de ses lèvres, la grandeur de ses yeux dans lesquels il aurait pu se perdre, les traits délicats de son joli minois. Si la demoiselle voulait l'emmener ailleurs, elle en aurait tout le loisir : il avait fait le tour des représentations mythiques du coin et, à dire vrai, il avait hâte de voir ce que la suite de cette journée leur réserverait.



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Ven 1 Mar - 20:21

Nous portons un masque [17]


Il était élégant.

Cette constatation était anodine pour la plupart des gens, mais pour Lidy c’était une première. Elle n’espérait pas le voir d’aussi près, aussi intéressant, intéressé. Il était clair et lire dans ses pensées aurait été une perte de temps. C’était pour elle qu’il s’était fringué avec classe, et c’était elle qu’il dévorait des yeux. Sans exigence, avec la plus simple des volontés : la séduire. Elle cacha un instant ses lèvres qu’elle mordillait, puis expira pour sourire devant ses deux premières prises de parole. Il était maladroit, mais vraiment touchant. Cet homme avait quelque chose d’envoûtant qu’elle ne s’expliquait pas, et finalement il était tout ce qu’elle n’avait jamais espérer rencontrer. Peut-être tout ce dont elle aurait besoin.

- Tu n’es pas mal non plus, répondit-elle avec un petit rire cristallin.

Leur échange de banalités s’arrêta là, tandis qu’elle repassait une mèche de cheveux volatile derrière son oreille nue. C’était rare qu’elle habille ses lobes, fins et discrets : elle préférait le naturel aux appareils outranciers qui correspondaient plus aux missions qu’elle faisait. Aujourd’hui, ça avait l’air d’appartenir à une autre vie, alors qu’hier encore elle foulait du pied cette île avec la ferme intention de conclure un deal. Etait-ce à cause de ce garçon ?

Avançant, elle discuta des détails des sculptures, commentant certaines œuvres qui lui faisaient penser aux fantômes – elle lui avoua sans grande surprise qu’elle était terrifiée par les fantômes – et s’approcha progressivement de Heziel avant de saisir sa main, n’ayant pas la réelle patience d’attendre qu’il fasse le premier pas… Ou étant simplement déterminée à lui montrer qu’elle savait ce qu’elle voulait. Pourtant, cela n’enlevait rien à son charme mystérieux. Elle lui enlaçait sensuellement sa paume de sa main plus petite que lui. En soit, elle ressemblait à ces petites choses frêles que l’on a peur de casser. Et elle sentait toujours qu’il était à deux doigts de la faire céder.

Quelques explications passèrent, et elle commença à s’extasier. Des étoiles dans les yeux, elle demandait parfois des détails sur des histoires sordides qu’elle rattrapait à des faits réels, lus dans des livres. Ses précisions exemplaires laissaient penser qu’elle ne cherchait pas à impressionner l’homme en face d’elle, mais qu’elle s’en souvenait de manière très claire.

- Cette histoire de cochon, dit-elle d’un ton sérieux. C’est sûrement lié à une malédiction : il y en a deux types, les Garous et les…

Elle fut interrompue par une cacophonie qui vint cueillir ses paroles, et un orchestre la poussa dans les bras du jeune homme dont les douleurs étaient encore actives. D’un geste simple, elle adapta sa position pour qu’elle soit la moins pénible possible en attendant qu’ils réussissent à s’éloigner de cet élan de foule, et quand elle put enfin se séparer du corps de Heziel, ce fut à contrecœur. Un regard plongé dans le sien, elle résista encore de peur d’aller trop vite, de faire les choses maladroites, mal… Et quelques fois, elle se disait qu’elle avait raison : le faire patienter rendrait cet instant un peu plus magique. Comme un premier vrai baiser… Mais à quoi pensait-elle ?! Ce n’était pas le moment.

Elle rougit et se tourna sans lâcher la main du Coffe. Il fallait qu’elle pense à autre chose, et pour cela rien de mieux que d’aller essayer quelques tenues. Elle expliqua très rapidement au jeune coq qu’elle devait élargir sa garde-robe, et qu’elle avait besoin d’un avis. Elle promit d’être rapide : mais elle voulait aussi quelque chose qui lui plairait.

Quand elle arriva dans la boutique, la vendeuse lui indiqua une cabine à l’écart. Elle passa vivement dans les rayons et prit quelques tenues qu’elle trouvait à son goût, de diverses couleurs et de diverses formes. Elle se saisit d’une combinaison qui était trop grande, d’un débardeur qui mettait en avant sa petite poitrine, et c’était sans gêne qu’elle passait les différentes tenues… Et qu’elle oublia de fermer finalement le rideau, laissant voir à son camarade ses sous-vêtements blancs, tandis qu’elle ne prêtait plus attention à cela. Elle n’était pas pudique, certes, mais cela risquait de ne pas laisser le Coffe indifférent : le corps de la demoiselle ne portait pas une seule cicatrice, sa taille était parfaite et sa poitrine menue équilibrée par le reste de sa silhouette. En somme ? C’était une demoiselle qui avait du charme.

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Dim 3 Mar - 13:05




Mauvais endroit, mauvais moment ?


La proximité qui fut forcée sur eux par le mouvement de foule le fit déglutir, après lui avoir arraché un petit hoquet discret de douleur sur le premier contact. La demoiselle s'était naturellement acclimatée à lui, à sa position, afin de ménager son flanc endolori. Son parvint vint chatouiller ses narines, titiller ses sens, tandis qu'il passait une main dans le bas de son dos, comme pour l'accompagner dans leur trajet vers un peu d'air frais. Ou était-ce vraiment pour cela ? Elle était relativement claire sur ses positions, lui faisant comprendre qu'elle l'acceptait. Il caressa distraitement le dos de sa main du pouce, détaillant le toucher de sa peau. Leurs yeux se croisèrent à nouveau, s'échangeant un message qu'il ne s'expliquait pas. Il se contentait de le vivre et, s'il retrouva cette douce perdition de la veille dans laquelle il avait une envie folle de plonger, les deux jeunes gens reprirent conscience de leur situation et s'offrirent le luxe de se faire attendre. Mais pourquoi ? Ils étaient là, à deux, libres. Personne ne leur reprocherait de profiter de l'instant. Pourtant, ils traînaient, ils se tournaient autour, ils s'infligeaient la douce langueur de la dernière fois qu'ils avaient partagé un baiser.

Peut-être parce que ce jeu du chat et de la souris était l'expérience la plus vivifiante au monde.

Lorsque la belle jeune femme lui proposa d'aller faire les boutiques, détaillant son besoin de fournir sa garde robe d'achats nouveaux et demandant un avis, il accepta en plissant les yeux. D'un petit rire gêné, il dit qu'il ferait de son mieux. Il n'était pas forcément un as de la mode et ne désirait en aucun cas influencer ses choix de façon négative. Pourtant, il était content qu'elle montre que son avis lui importait. C'était gentil et, d'une certaine façon, ça le rassurait. Mais vis-à-vis de quoi, exactement ? Il n'en avait pas la moindre idée. Il s'en fichait. Leurs pas les amenèrent donc dans une échoppe, où la demoiselle fila au travers des rayons. Elle avait l'air de précisément savoir ce qu'elle voulait. Truc de fille, se dit-il. Il l'observait virevolter au travers de l'espace, un petit sourire aux lèvres. Finalement, il la suivit jusqu'à la cabine, constatant que les rideaux n'étaient pas fermés.

Il débuta une phrase, sans doute destinée à meubler un peu, qui mourut dans sa gorge lorsqu'il la vit.

Son coeur loupa un battement. Ses yeux, écarquillés, détaillèrent ce qui leur était offert. Les courbes sensuelles de son corps, le teint et le grain de sa peau, la rondeur de ses petites fesses et de sa poitrine menue qui s'accordaient harmonieusement avec le reste de sa silhouette. L'espace d'un instant, son cerveau arrêta de fonctionner correctement. La sensation chaleureuse et profonde qui monta en lui l'envahit pleinement alors qu'il s'attardait sur son amie, ne remarquant même pas qu'il la matait copieusement. Des images lui vinrent en tête, des images qui, dans son référentiel, n'étaient pas tout à fait correcte à entretenir... pourtant, s'en départir était impossible. Elle était là, à deux pauvres mètres tout au plus. Elle était là et l'idée de la rejoindre lui traversa l'esprit. Il se mordit la lèvre, puis se retourna avant de perdre pied pour de bon. Elle était magnifique, bon sang. Elle était magnifique, elle était intéressante, maligne. Spéciale. Et elle était là, avec lui... c'était avec lui qu'elle voulait passer du temps. Il ne pensait pas pouvoir parvenir à mesurer l'étendue de sa chance. Il respira un grand coup, le temps de refroidir quelque peu, avant de se retourner sans pouvoir départir son regard du sortilège du désir qu'il camoufla maladroitement. Il resta ainsi jusqu'à la fin. Si elle lui demandait ce qu'il en pensait, elle se rendrait vite compte qu'il n'était pas difficile : à dire vrai, tout semblait lui aller et il la trouvait véritablement belle dans chacun de ses essais. Même la combinaison trop grande qui, si elle n'était pas son premier choix, lui donnait des airs sophistiqués tout en restant pratique.

Il s'arrêta néanmoins sur trois tenues en particulier : en premier lieu, le petit débardeur noir trouva un ensemble adéquat dans un short couleur jean et des collants sombres, avec un petit bonnet qui laissait ressortir certaines de ses jolies mèches azurées. Elle avait un petit air rebelle, indépendant, qui lui plaisait tout à fait... à la vérité, c'était une partie de son caractère qu'il voulait apprendre à connaître. Secondement, une veste violine prononcée au dessus d'un chandail assez ample et noir, ainsi qu'une jupe de la même couleur, qui laissait ses jambes respirer tout en lui donnant cet air sérieux sans sombrer dans la sobriété. Mais celle qui le marqua le plus, assurément sa préférée, fut la troisième : une robe patineuse couleur camel, sans manches et descendant jusqu'à ses genoux, en épousant à merveille sa morphologie délicate et en rehaussant sa chevelure. Le tout avec une petite paire de ballerines du même coloris... elle avait des airs de princesse. Une princesse pour laquelle il aurait volontiers bravé tous les dragons. Romantique dans l'âme, Heziel avait toujours eu un faible pour les femmes qui apparaissaient sous un jour gracile et fragile, même s'il reconnaissait leur force. Une sorte de biais d'éducation ? Du fait de sa relation très protectrice avec sa petite sœur ? Simple préférence avec un jeu de génétique obscur ? Il ne s'était jamais posé la question. Cependant, Lidy collait tout à fait à cette description, principalement dans cette dernière tenue : elle était comme une petite poupée de porcelaine qu'il voulait serrer dans ses bras, mais qui semblait prête à se rompre à la première mauvaise pression de trop. Et peu à peu, il ne parvenait plus à détacher son regard d'elle.

Il l'aiderait probablement à transporter ses courses de son bras valide, malgré le léger handicap dont il souffrait encore, comme tout bon gentleman se devait de le faire selon lui. Il lui proposerait sans doute alors une suite pour les activités.

- Si tu veux, on peut... retourner à la fête, ou aller en ville. Se manger une petite glace, pourquoi pas ? Je connais un très bon glacier dans le coin, sur l'avenue qui mène au port. Il m'a donné pas mal d'astuces, dans le temps... ou on peut aller se balader jusqu'à la montagne ! On en aura pour un moment, mais le sentier est sympathique et la vue unique... sinon...

Il continuerait de détailler des idées, montrant ses connaissances des environs aussi bien en termes géographiques qu'au niveau des activités. Notebouque fourmillait de choses à faire et il ne tenait aux deux tourtereaux que de se pencher sur telle ou telle chose pour passer un peu de temps ensemble. De toute manière, il se fichait bien de la suite du programme : tant qu'il était là, sa main dans la sienne, ça lui allait.




[hrp : la PNJsation pour les tenues a été vue avec Lidy !]

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Dim 3 Mar - 14:44

Nous portons un masque [18]


La Olsen était très réceptive face au regard du Coffe. Elle lui souriait tandis qu’il lui montrait son attirance à son égard, à travers des pensées qui étaient… tendres. Elle en rougit réellement mais s’amusait avec la plus grande des simplicités. D’ailleurs, elle n’utilisait son pouvoir que par réflexe et sans aucune malveillance : il n’avait rien de mauvais en lui. C’était un jeune homme tout à fait fringuant, un peu plus âgé qu’elle, qui avait l’air totalement sous le charme. Le cœur de la demoiselle battait la chamade tandis qu’elle changeait de tenue, s’arrêtant tantôt sur un chandail, tantôt sur une veste qui lui donnait un air sérieux. Elle sélectionna finalement quatre tenues à l’aide de son chevalier servant, et les fit empaqueter pour les ramener à son auberge… Avant de regarder sur une étale de la boutique.

Ses yeux pétillèrent soudain, et elle alla se saisir d’une casquette qui se trouvait là-bas. Il s’agissait d’une casquette un peu haute, d’un vert foncé qui tranchait avec la lumière. Ses doigts glissèrent sur les coutures parfaitement dessinées, et elle la souleva avec un intérêt évident. Son sourire vint finalement compléter sa contemplation avant qu’elle ne revienne vers le Coffe qu’elle avait sauvagement abandonné. Elle se mit sur la pointe de ses pieds, lui intimant de baisser la tête pour qu’elle puisse lui mettre le couvre-chef.

Quand cela serait fait, elle opinerait de la tête avec un air concentré, sans demander son avis à la vendeuse qui semblait pourtant vouloir le donner. Au contraire, Lidy préférait être seule juge dans cette affaire, et elle annonça sur un ton captivé :

- Elle te va très bien, elle fait ressortir ton regard, et elle affirme ta silhouette… En plus de cela, je trouve qu’elle te donne un air mystérieux… Je la prends.

Elle sortit à nouveau de l’argent de son portefeuille et régla l’addition avant de sortir avec un sourire plus intense encore que quand elle était entrée. Le jeune local lui indiqua ce qu’il y aurait à faire sur l’île : elle était intéressée par tout, elle voulait tout voir, mais il fallait être raisonnable. Une balade serait une bonne idée d’ici quelques jours, mais pour l’instant rester dans l’enceinte de la ville serait plus prudent. Elle ne cacha pas à Heziel qu’elle préférait le ménager pour qu’ils puissent, les prochains jours, profiter de son corps tout entier, prêt à l’aventure… Et si elle rougit finalement en détournant le regard, elle dut s’avouer intérieurement que la phrase était mal tournée.

Ainsi, ils se dirigèrent vers le glacier, guidés par le sens de l’orientation du jeune homme. La Olsen avait longtemps cru qu’elle ne pourrait vivre ce qu’elle vivait actuellement, mais il était fort possible qu’elle se soit trompé. Ce bonheur éphémère, elle voulait le prolonger. Au fur et à mesure, elle se souhaitait que cette journée ne termine jamais. Portant toujours son yukata, elle s’installa sur le bord d’un muret, surélevée, avec une vue globale sur la foule.

- C’est incroyable. Comme ça, on dirait que le monde est paisible. On n’imagine pas tout ce qu’il se passe par-delà la mer. C’est une île agréable.

Elle pourrait s’y projeter. Y vivre, peut-être. Léchant sa glace de sa langue fine et délicate, elle avait le regard perdu, plongé dans les lumières du ciel qui commençaient déjà à décliner. La saison ne leur offrait pas un soleil éternel, et le temps continuait de s’écouler, incoercible.

- Je te remercie pour cette journée. Après cette glace, j’aimerais aller manger un petit bout quelque part.

Ils manquaient de place en terrasse chez le glacier. La demoiselle sentait que le festival avait amené plus de monde que l’île n’en contenait d’habitude. Elle inviterait le jeune coq à manger quelque chose, et règlerait la note sans soucis : après tout, il était vrai qu’elle possédait encore beaucoup d’argent sur elle, et qu’elle en avait sinon suffisamment d’épargné ailleurs. En cas de coup dur. Peut-être devrait-elle aller le chercher en revenant de Drum… En revenant ? Il était encore trop tôt. Elle s’emballait. Ah, à nouveau cette petite rougeur sur les joues.

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Dim 3 Mar - 16:01




Mauvais endroit, mauvais moment ?


Il était resté en plan lorsqu'elle l'avait subitement laissé pour aller chercher quelque chose, qu'elle semblait avoir remarqué dans les rayonnages. Curieux, il la vit revenir avec une sorte de casquette montante à la découpe fine et au vert profond. Il avait baissé la tête, non sans fondre intérieurement en la voyant se hisser sur la pointe des pieds, avant de constater que ça lui allait parfaitement. Elle avait l'air d'aimer ça : quant à lui, il était heureux du cadeau. Ne sachant pas trop comment réagir, il s'était contenter de rire doucement en se frottant l'arrière de la tête, comme à son habitude. Il la remercia et rougit. Ses compliments le touchaient. Lorsqu'elle fit état de sa volonté de le ménager pour pouvoir profiter de "son corps tout entier, prêt à l'aventure" dans les jours à venir, le pourpre lui monta jusqu'aux oreilles en s'accentuant. Il fallait qu'il arrête d'imaginer des choses pareilles... c'était... bon sang, Heziel ! Il se fustigea intérieurement, tout en suivant sa douce amie dehors.

Direction le glacier. Henry Mitch était un ancien professeur de voile qui avait du stopper son activité à cause d'un mauvais accident. Aujourd'hui, il se déplaçait sur une jambe et, s'il n'avait pas arrêté de côtoyer la mer, il avait du se reconvertir. Il avait tout simplement choisi de faire ce qu'il aimait : des glaces. Ils s'entendaient tous les deux très bien, considérant que c'était le chef Pandzani qui lui avait appris ce qu'il savait... et qu'à son tour, des années plus tard, il avait vendu quelques tuyaux au jeune Coffe quand il était arrivé sur les lieux, alors âgé de quinze années. Il avait opté pour une glace avec une boule de vanille et une boule de chocolat, un classique gourmand et indémodable qui lui ravissait les papilles à chaque fois. Il avait beau travailler des produits riches et nobles, il avait beau construire les présentations les plus sophistiquées pour ses assiettes, il n'en restait pas moins que la réalité était simple : parfois, le plus simple était le plus efficace. Ses yeux traînèrent encore une fois sur le yukata coloré de la Olsen, remontant jusqu'à son minois. Il avait l'impression de pouvoir faire ça pour toujours. Se secouant, il répondit à son assertion.

- Oui. C'est un endroit calme... les gens sont simples et la communauté se serre les coudes. Il peut y avoir des troubles de temps à autres, mais... la vie est paisible.

Il n'avait jamais envisagé de terminer sa vie ici. Il s'était toujours dit qu'un jour, Kain viendrait le chercher et qu'ils emprunteraient la mer ensemble. Cependant, son grand dadais d'ami tardait à pointer le bout de son nez... peut-être qu'il ne viendrait pas ? Pourquoi pensait-il à ça, tout à coup ? Était-ce à cause de cette fille ? Il n'avait jamais imaginé qu'une passion autre que la cuisine puisse le retenir ici... ou l'emmener ailleurs. Il n'avait jamais envisagé l'idée qu'il ferait une rencontre lui donnant des raisons de revenir sur ces vieilles promesses. Il devait arrêter de penser à ça... après tout, elle n'était là que pour quelques jours. Il soupira secrètement, son regard se perdant dans le vague. La voix cristalline de la fluette jeune femme ramena pourtant de l'éclat dans son présent et, lorsqu'elle lui fit part de sa volonté d'aller manger quelque part, il pensa au Crabe-Repu : non, il voulait garder ça pour plus tard. En plus, il était certain que des gens viendraient le voir et discuter. Il n'était jamais contre d'habitude mais, pour une fois, il voulait être tranquille. De cette façon, il serait entièrement disponible pour elle : une idée qui le laissa à nouveau songeur, car elle impliquait beaucoup de choses. Il lui offrit sa main, aussi bien pour l'aider lors de la descente que pour venir cajoler ses doigts des siens, discrètement. Il y prenait goût... peut-être un peu trop. Oh, et puis au diable ce genre de considération.

- Eh bien... il y a un restaurant sympathique en bord de mer, le Poisson-Chat. C'est là que je vais quand j'ai envie de changer un peu de décor. C'est drôle, mais travailler dans un restaurant ne veut pas dire qu'on ne peut pas faire deux ou trois escapades chez la concurrence...

L'édifice étrange était situé directement sur la berge, avec une forme assez ovale et une terrasse qui leur permettrait d'observer les rayons du soleil descendre en scintillant sur l'eau. Un cadre agréable pour un dîner... romantique. Car c'était bien ce que c'était, pas vrai ? Envers et contre tout... ils passaient du temps ensemble parce qu'ils se plaisaient et qu'ils voulaient en découvrir plus. Heziel commençait seulement à comprendre les implications de ce fait. Il avait envie de la connaître, de découvrir  ce qu'elle aimait, ce qu'elle n'aimait pas, ce qui la faisait rire ou ce qui lui faisait peur, comment lui faire plaisir et comment la mettre à l'aise. L'idée de l'inviter chez lui lui traversa la tête. Après tout, pourquoi pas ? Il pourrait cuisiner pour elle, c'était une perspective intéressante... mais il avait effectivement peur de ne pas pouvoir être au top de ses capacités. Il fit la moue en réfléchissant à tout cela, jetant un coup d’œil à ses bandages au travers du col de son habit blanc... oserait-il vraiment passer le pas ? Non... non, elle n'avait sans doute pas ça en tête. C'était trop rapide. Il avait besoin de se préparer et... il rougit. Il avait l'impression d'être un adolescent et c'était extrêmement perturbant. Il valait mieux jouer la sécurité.

- Si ça t'intéresse, on pourrait y aller. Et puis, après...

Il resta silencieux quelques instants. Encore une phrase qu'il avait débuté sans connaître la fin qu'il voulait lui donner. Ses yeux se clôturèrent encore, son visage marqué par la maladresse.

- ... Après, on verra !



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Dim 3 Mar - 18:03

Nous portons un masque [19]


- Et puis après, répéta-t-elle rêveuse avec un sourire niais sur le visage.

Pouvait-elle vraiment faire ce type de sourire ? Elle-même ne le remarqua pas, en revanche Heziel avait toute l’opportunité de voir apparaître quelque chose d’une rareté extrême. S’il réapparaîtrait sûrement dans les prochains jours, elle n’aurait pas l’occasion de retrouver ce sentiment avant longtemps. Et ce sentiment, elle l’aimait, elle s’en délectait au plus profond de son âme. Avec un air serein, elle continua de tenir la main de Heziel et poursuivit sa route. Ils étaient en train de marcher avec la candeur d’une relation qui débutait, et finalement sans y mettre de mots, ils y trouvaient déjà un sens. Elle avait lu son désir de le ramener chez lui, mais elle-même ne pourrait pas résister aux pulsions de la jeunesse. S’ils allaient chez lui maintenant, elle passerait sûrement le dîner pour… Bref, qu’importe, ce n’était pas le moment. Il était encore faible, et cette journée se ferait avec l’appareil des plus simples choses que la vie avait à offrir : un beau paysage, un repas mérité.

- Comment es-tu devenu jeune coq ? Tu as toujours été intéressé par la cuisine ? Raconte-moi tout, si tu veux bien.

Elle souriait avec une énergie débordante et écouterait l’histoire de ce jeune homme. A cela, elle lui ferait écho sa propre expérience s’il désirait la connaître. Elle était une catastrophe naturelle en cuisine : ses mélanges provoquaient des indigestions chez ceux qui avaient eu, lors de son enfance, le loisir de goûter ses plats. Cela faisait très longtemps qu’elle n’avait pas remis le pied en cuisine, et si elle n’était pas contre apprendre, elle appréhendait ses pas de bébé à venir.

Une fois qu’ils seraient arrivés au restaurant, le maître des lieux saluerait le Coffe en premier avant de se tourner vers sa « délicieuse amie » comme il la nommerait. C’était un homme du village qui semblait avoir toute l’expérience possible, et qui ne voudrait pas manquer d’en mettre plein la vue à son concurrent.

- Nous avons eu une arrivée spéciale d’huître, si vous voulez commencer par cela. Cadeau de la maison, pour fêter ce jeune couple, dirait-il avec un sourire amusé.
- Oh, nous… Merci, répondrait Lidy en rendant un sourire honnête, néanmoins lui-même rieur.


Elle ne savait pas ce que Heziel pensait de cela… Et elle s’interdit d’aller vérifier dans ses pensées. Il fallait qu’elle arrête de se servir de son don sur lui : quitte à faire des erreurs. Elle ne devait pas lui convenir à tout prix, il le prendrait certainement mal. Et quand elle serait prête… Oh, elle lui dirait, elle lui dirait ce qu’elle savait faire et bien plus encore.

En attendant le plat principal, la Olsen se laisserait porter au jeu. Elle parlerait des ouvrages qu’elle lisait – c’était une grande lectrice de toute sorte de fiction, car cela lui permettait de s’évader, elle ne précisa pas que c’était de sa vie de truand, mais il le comprendrait sûrement aisément. Elle évoquerait des autrices qui donnaient à la femme une grande place : l’une d’entre elle avait raconté l’histoire d’une femme qui avait mis au monde son enfant au bout de vingt mois, pour le protéger contre le monde qui l’entourait. Bien sûr, elle se demandait si la lapine arriverait correctement à terme, et elle eut un instant de silence.

Pour le menu, elle laisserait le choix à Heziel de la surprendre. Elle aimait tout, préférant sa viande cuite et non saignante, et cela fut la seule précision qu’elle fit. Son régime alimentaire devait être flexible lors de ses voyages, mais elle tentait de le garder équilibré. En s’installant, et elle tiendrait un air rêveur, elle espérait pouvoir apprendre à cultiver un peu la terre et faire un petit potager.

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Dim 3 Mar - 19:22




Mauvais endroit, mauvais moment ?


- Comment ? Eh bien... je tiens ça de ma mère, j'imagine. Elle a toujours apporté un soin particulier à sa cuisine...

Il lui détailla tout avec enthousiasme. De ses premières omelettes à Mormoilnoeud qu'il décrivit sommairement, à ses desserts actuels qui ressemblaient à des œuvres d'art pour quiconque parvenait à les imaginer, car il les expliquait avec humilité et simplicité. La façon dont il avait plus largement cuisiné à partir de ses dix ans, lors d'un événement où son village natal avait subi un coup dur et qu'il avait été au fourneau pendant de longues journées pour que tout le monde puisse se réchauffer le cœur un peu. Il éluda la question de l'assaut des pirates sur Mormoilnoeud : il préférait éviter ce genre de sujet triste qui aurait pu lui faire penser à ses propres épreuves. Il expliqua simplement qu'une petite catastrophe avait provoqué des dégâts dans la communauté, qui s'était acharnée à tout reconstruire.

Puis vinrent ses quinze années et le départ pour Notebouque, afin de rejoindre le chef Elric Pandzani au Crabe-Repu : une profession qu'il exerçait toujours. Lorsqu'elle lui expliqua qu'elle était une catastrophe en cuisine, il rit de bon cœur. Il trouvait ça charmant, mignon même : il lui glissa qu'il serait ravi de cuisiner pour elle à l'occasion, ou même de lui donner quelques cours, et rougit. Il y prêtait une réelle importance et imaginait déjà ce qu'il pourrait bien concocter s'il devait arriver dans cette situation. Il imaginait son magnifique sourire revenir suite à la dégustation d'un de ses plats, mijoté avec simplicité et amour. L'évocation du mot se grava quelques instants dans sa mémoire, puis il sourit en détournant le regard. Quelque fut le coup que la vie était en train de lui jouer, il s'y abandonnait totalement. Il n'avait pas senti son cœur aussi léger depuis bien longtemps : il était comme sur un petit nuage dont il ne voulait jamais descendre.

Lorsqu'ils arrivèrent au restaurant, le gérant les accueillit avec tout le sens du commerce au monde. Hugues, de son prénom, était un chef reconnu sur l'île. Malgré la rivalité évidente qui l'opposait à Pandzani sur le plan professionnel, ils étaient amis en dehors des cuisines et saluaient mutuellement leurs réussites. Cela ne les empêchait pas de se taquiner de temps à autres... dans des occasions comme celle-ci : il savait pertinemment que s'il en mettait plein la vue au jeune Coffe, ce dernier vendrait la mèche à son professeur qui serait bien asticoté. Lorsqu'il fit une remarque sur l'arrivage d'huîtres, le noiraud resta coi. Un couple... un couple. S'il avait du compter le nombre de fois où le carmin était venu s'installer sur ses joues, il aurait sans doute trouvé un résultat délirant.

- Tomates séchées.

Il avait bredouillé ça avec toute l'innocence du monde, réellement désarçonné. C'était le premier réflexe qu'il avait eu, incapable de faire une remarque vis-à-vis de cette approche quelque peu taquine de Hugues.

- Des huîtres aux tomates séchées en entrée, s'il te plait.

Au delà du fait qu'il adorait ça, qu'elles étaient une vraie réussite et qu'il était certain que la Olsen apprécierait, il avait besoin d'une porte de sortie. Ses doigts passèrent dans sa chevelure, massant son épiderme au travers, tandis qu'une effluve discrète de son parfum empruntait la voie aériennes. Il lança à la demoiselle un regard à mi-chemin entre l'excuse d'avoir été ainsi pris de court et le simple plaisir qu'il éprouvait à la regarder, avant que la conversation ne reprenne. Elle était donc une grande dévoreuse de livres, une lectrice confirmée et assidue qui lui cita de nombreuses autrices qu'elle aimait. De son côté, il lui arrivait parfois de lire autre chose que des ouvrages de recette, mais cela restait plutôt restreint : parfois un peu de fiction, ou encore des biographies ou auto-biographies. Le fait de trouver une telle passion chez Lidy à l'évocation du plaisir littéraire fut une nouvelle faille dans sa poitrine. Elle en parlait avec une aisance et un naturel saisissants. La voir détailler ce qu'elle savait dans ce domaine la rendait encore plus attirante. Il sentit sa voix s'éteindre et son regard se perdre quelques instants, lorsqu'elle parla de cette histoire étonnante de gestation prolongée. Il passa sa main par dessus la table et, s'il en avait l'occasion, il apporterait un peu de chaleur à la sienne, ainsi qu'un sourire simple et sincère. Il n'était pas certain d'avoir cerné son inquiétude, mais il le pensait.

- J'ai une idée : et si on prenait une fondue bourguignonne ? C'est un plat à se partager et... on pourra maîtriser la cuisson sur l'instant. Avec quelques pommes de terre à l'eau, ou même frites... ou encore une salade légère et fraîche, par exemple de la mâche avec des oignons rouges, des concombres, de la tomate et un peu de persil ! Une petite sauce de ton choix là dessus, même si la béarnaise est ma préférée, j'avoue...

L'idée de prendre un plat global qu'ils pourraient partager à deux avait quelque chose d'attrayant. Si la demoiselle l'acceptait, alors il partirait sur cette idée, avant de lui proposer un dessert sur le même principe si elle venait à avoir encore faim par la suite. Pour accompagner l'entrée, il lui proposerait de prendre un vin rosé léger sur l'estomac et en bouche, avec des notes très fruitées. Un verre de rouge, avec plus de corps et de teneur, sublimerait la viande. Il continuerait à faire des propositions, s'adaptant à ses préférences et ses envies, s'échinant à être le plus proche de la cible possible et montrant par la même que ses capacités ne s'arrêtaient pas à la production, mais allaient bel et bien jusqu'au conseil, cela à un niveau élevé. Orienter les gens qui doutaient devant leur assiette, c'était aussi son métier.

- Un potager... rien de mieux pour la santé, je pense. Et puis, ça doit être agréable... labourer sa terre, profiter de ce qu'elle donne. De manière générale, j'aimerais bien pouvoir observer mon chez-moi et me dire que j'ai fait du bon travail.

Ces souhaits, ils étaient apparus avec l'âge. Des idées, des envies qu'il avait jusque là mises de côté en prévision du moment où le pavillon noir viendrait l'emporter vers des océans inconnus. Pourtant, elles ressortaient désormais de leur petite boîte car elles trouvaient une résonance, une raison d'être, à nouveau. Pourquoi pas, après tout ? Et puis, pour apprendre à se connaître, il fallait bien aborder ce genre de sujet de conversation...

- Du coup... tu as beaucoup voyagé, pas vrai ? Personnellement j'ai un peu écumé East Blue, mais c'est tout. J'avoue que je ne serais pas contre voir le reste du monde, cependant... il doit y avoir tellement de choses à découvrir ! Et pas mal d'ennuis possibles, d'ailleurs !

Il ricana à nouveau, pensant à toutes les bestioles étranges et aux gens mal intentionnés qu'on devait pouvoir trouver au delà de cette mer paisible et tranquille. Il ne fallait pas avoir les yeux plus gros que le ventre... mais bon ! Il faisait de son mieux pour être alerte et prêt à réagir. Il expliqua qu'il avait toujours pratiqué les arts martiaux, principalement en autodidacte, mais qu'il avait trouvé à Notebouque un peu plus d'équilibre et de discipline avec des professionnels comme des amateurs voués à leur passion de l'art des poings. Cela lui fit penser à cette vieille promesse à nouveau, et il soupira intérieurement, car il rebondit sur cette idée pour se heurter à celle du départ de la Olsen, qui finirait par arriver. Il occulta donc ces pensées noires et revint, plus lumineux, dans la discussion. Les plats arriveraient d'un instant à l'autre, quelques ils furent selon les souhaits de Lidy car Heziel n'était en vérité pas plus difficile qu'elle.

À l'horizon, le soleil continuait sa descente, offrant un feu chatoyant aux prunelles de nos deux jeunes protagonistes. L'océan remuait paresseusement sous la lueur de l'astre, chantant la chanson éternelle de ses remous, comme un animal sauvage caressé avec plaisir par le toucher solaire. À plusieurs reprises, le noiraud se perdrait tour à tour dans cette contemplation et dans celle de sa conquête. Car là était une certitude qui se dessinait chez lui : il avait bien l'intention de tenter sa chance, maintenant qu'il était pleinement conscient de son existence. Même si force était de reconnaître qu'il n'était pas exactement certain de qui allait conquérir qui en premier...



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Dim 3 Mar - 20:00

Nous portons un masque [20]


- Il y a longtemps que je n’ai pas aussi bien mangé !

Les conseils de son ami étaient excellents. Elle dégustait les huîtres avec la certitude qu’elle n’en avait jamais mangé d’aussi bonnes, et avec un aussi correct accompagnement. Bien sûr, cela semblait relever le niveau pour le Coffe qui devrait se surpasser pour l’impressionner, mais elle n’en avait pas réellement conscience. Elle souriait et profitait de l’instant, comme s’il fallait que celui-ci ne soit gâché par aucune pensée négative, pas même celle de son départ prochain. Ainsi quand le jeune homme lui avait parlé de son rapport à la cuisine, elle s’était contentée d’écouter religieusement, tout en précisant sur un ton humoristique ses petites péripéties après cela. Elle n’aimait pas, elle adorait. Bien sûr, le lot de drame était présent dans chaque vie, et elle aurait aimé qu’il en soit épargné, mais cela l’avait forgé tel qu’il était actuellement. Le pire, dans l’esprit de la demoiselle, était qu’elle s’était familiarisée à ce drame. Elle se contenta de sourire et de vivre l’instant présent à fond.

- Oh, je pourrais t’emmener à Pucci un jour, c’est un endroit fabuleux pour un gastronome comme toi !

Elle s’arrêta un instant et son regard devint blanc. Une goutte de sueur coula le long de son front, tandis qu’elle remarquait ce qu’elle venait de dire. Elle s’était emballée, il fallait rattraper l’affaire, remettre le masque, se faire porter pâle, appeler une ambulance, changer de sujet…

Finalement, ils furent interrompus sans que l’un ou l’autre ait pu reprendre par l’arrivée du plat principal. La fondue fut installée sur la table, et allumée grâce à un système de combustion assez simple. Elle resta muette un court instant, essayant de ne pas repartir directement tête baissée dans le piège qu’elle pouvait avoir. Elle finit son verre de rosée d’une traite, et masqua le rose qui montait à ses joues. Quand le serveur fut partie, elle ne laissa pas au jeune coq le soin de parler en premier pour détendre l’atmosphère.

- Je… je ne rigole pas, pour Pucci. Si… si un jour on a l’occasion, on pourra sûrement… y aller. Enfin, si tu veux.

Elle se tut finalement et laissa l’atmosphère se détendre. Finalement, elle sourirait à nouveau au jeune homme et continuerait la conversation qu’ils avaient entamée sur le monde, lui décrivant quelques endroits incroyables où elle avait mis le pied. De sa monumentale expérience, beaucoup d’endroit méritaient d’être vus, et quand elle évoqua des sources chaudes, ou d’incroyables volcans qui entraient en éruption toutes les heures, mais auxquels les habitants s’étaient acclimatés, elle sentit son corps se détendre. Ces endroits-là étaient dangereux pour elle, principalement parce que dans les sources thermales, elle était affaiblie par l’immersion. Elle se garda cependant bien de le préciser et continua le repas avec amusement.

Les choses se passeraient bien, ou du moins elle essayerait si son ami ne l’avait pas fait de détendre à nouveau l’atmosphère en le faisant parler de lui. Sinon, elle évoquerait tout en mangeant avec finesse et sans se presser, attendant la fameuse salade avec impatience, qu’ils auraient bientôt l’occasion de voir débarquer sur cette île un homme assez incroyable. Un homme qui combinait leurs deux passions : un chef cuisinier, qui viendrait clôturer le festival deux jours plus tard par une démonstration culinaire incroyable. Il était apparemment réputé pour son livre : « Cuisiner, tout un art, toute une vie. ». Son autobiographie relatait l’histoire simple d’un homme qui avait mis la main à la pâte. Elle l’avait lue ce matin même, avant de rejoindre le garçon. S’il avait su qu’elle faisait la modique somme de 500 pages, il serait surpris et peut-être suspicieux, mais finalement…

- Oh, et en parlant de voyages, j’ai amené avec moi une fabuleuse boisson d’un de mes périples sur North Blue : un alcool qui garde sa fraicheur en toute circonstance. Si tu veux venir en boire un verre à l’auberge, j’en serais ravie.

Elle avait invité le jeune homme qui pourrait y voir un premier pas vers elle. S’il refusait, elle ne s’en offusquerait pas, et proposerait de passer la journée du lendemain à chercher des herbes aromatiques sur la côte pour qu’il puisse lui concocter un plat. Elle avait lu dans ce livre du chef Mobidic que l’on trouvait sur Notebouque un florilège d’herbes incroyables en cette période. Peut-être que Heziel connaissait les endroits.

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Dim 3 Mar - 20:58




Mauvais endroit, mauvais moment ?


- Est-ce que... ça va ?

Pendant un instant, il avait cru qu'elle était en train de faire une fausse route ! Son inquiétude s'évapora avec l'arrivée du plat. Il s'en serait voulu jusqu'au sang si, par inadvertance, il avait provoqué une chose pareille... surtout que les huîtres étaient un produit dangereux en cas d'allergie et qu'il avait déjà eu l'occasion d'observer des réactions assez graves. Pendant un instant, il craignait d'avoir affaire à une allergique qui s'ignorait... mais ça semblait venir d'ailleurs. Elle réitéra son invitation, timidement, avec une sorte de gêne qui la rendait encore plus irrésistible. Triturant l'une des mèches de cheveux dans sa nuque, le noiraud accusa la proposition avec un grand plaisir.

- J'en serais enchanté, Lidy.

La fondue arrivée et le serveur parti, le noiraud ne fut pas déçu de son choix : le repas se fit simplement, sur la même lancée qu'au départ, via une discussion qui allait bon train. Sirotant doucement son verre de rouge, il sentait que ces quelques instants durant lesquels il ne parvenait plus à réfléchir correctement à cause de la présence irradiante de la jeune femme ne feraient que s'accentuer s'il buvait de trop. Lorsqu'elle lui décrivit ses découvertes, il se fit aussi attentif et rêveur qu'un gamin auquel on raconte une belle histoire trépidante : des volcans qui entraient constamment en éruption aux sources chaudes en passant par les plaines enneigées ou les jungles tropicales, il se laissa porter dans le discours de la Olsen qui semblait avoir découvert beaucoup plus de choses que lui à ce stade de leur vie encore jeune. Il en retira un respect discret pour cette demoiselle qui, si elle vivait certainement des événements sombres, prenait assez de recul pour trouver de la beauté dans le monde qu'elle foulait du pied. Il s'imaginait, dans un décor inconnu, avec elle. Ça... c'était une aventure qu'il croquerait à pleines dents.

- Oh, oui ! Le chef Mobidic ! Un vétéran de la cuisine. J'imagine que Elric va sans doute l'accaparer pour une soirée... sérieusement, ce vieux connait tout le monde dans le domaine, ça en devient ridicule !

Il rit de bon cœur. Pandzani avait cet art d'identifier tous les plus grands noms du monde culinaire, mais également des artistes de la cuisine plus petits, plus méconnus, qui faisaient encore leurs balbutiements dans la cour des grands. Il était proche de ses collègues, de ses apprentis et de ses admirateurs. Il n'était sans doute pas exclu qu'il croise lui même ce fameux visiteur, à la demande du chef aguerri : il voudrait lui présenter son élève, même s'il était en vacances. Il pensa à ses journées de congés : il en avait tellement en rab qu'il aurait pu partir jusqu'à l'année prochaine, et c'était un euphémisme. Il allait sans doute piocher allègrement dans ses réserves... pour la première fois, ils lui servaient véritablement à quelque chose. Lorsqu'elle expliqua avoir lu la biographie du visiteur de quelques jours plus tard, il se fit mignon, un vrai chiot... avant de demander tout simplement si elle voudrait bien lui prêter le temps qu'il le lise : il n'avait pas encore pu mettre la main dessus et, si il avait un tas de lectures -sans doute pas autant qu'elle, cependant- à son actif, la majorité venait d'outre-mer et de voyages diverses. Une bibliothèque plus étoffée n'aurait pas fait de mal à l'île, il était vrai...

Puis vint le moment où elle l'invita à boire un verre à la taverne, avec elle. Un grand sourire trotta sur son visage quelques instants, marquant la naïveté candide de sa réaction purement positive. D'un autre côté, il se souvint de son hésitation à lui proposer d'aller directement chez lui, et en vint à être quelque peu pensif : mince, elle avait l'air de faire tous les premiers pas... il allait devoir prendre les choses en main à un moment ou un autre ! Mais comment ? Il avait tellement peur de mal faire... ça se passait bien. Tellement bien. Trop bien ? Il ne voulait rien gâcher.

- J'adorerais boire un verre avec toi... merci de l'invitation.

Il s'était laissé tenter au jeu et, contrairement à ses phrases précédentes, il y avait dans son timbre de voix quelque chose de plus assumé, posé et énigmatique que précédemment. Il y avait mis un peu de séduction, il voulait montrer qu'il était accessible et conscient de ce qui se tramait, prêt à continuer la danse. Ses yeux pétillaient de curiosité, il était désormais penché vers l'avant, vers elle, vers la source de son intérêt. Tout dans son corps trahissait une attraction qu'il commençait à laisser paraître, la timidité laissant place au confort de sentir son attirance partagée. Ils prirent finalement le dessert à deux, une sorte de gâteau glacé à partager dans une grande coupe qu'ils dégustèrent de bon cœur, clôturant ainsi le repas. La lueur mourrait doucement à l'horizon, éteignant les effluves chamarrées dans son sillage. Il s'était agréablement laissé aller à la discussion, lui parlant de ses quelques voyages, ses réalisations en cuisine, ses défis martiaux ou encore quelques aventures plus comiques et authentiques que véritablement intenses. À plusieurs reprises, il s'était surpris à penser qu'elle lui était réellement agréable par sa simple présence. Elle avait quelque chose de réconfortant qu'il voulait conserver. Il ne s'en lassait pas et avait du mal à l'imaginer.

Lorsque viendrait le temps pour eux de quitter les lieux, il se proposerait spontanément pour régler l'addition : il était loin d'être sur la paille, après tout, tandis que la demoiselle était en voyage et ne devait donc pas avoir accès à tous ses fonds... considérant ce qu'elle faisait parfois pour vivre, la question pouvait paraître idiote, mais Heziel ne le prit même pas en considération. Il était normal, lorsqu'on emmenait manger une femme, de lui faire la galanterie de prendre en charge les frais. Après tout, il paierait peut-être pour leur repas, mais elle lui aurait fait don de sa présence, de sa compagnie : c'était de bonne guerre, non ? Il insisterait légèrement et lui donnerait son "s'il te plait" le plus charmeur, véritablement désireux de se charger de cette partie de la chose. Bien sûr, il respecterait sa volonté et ne s'offusquerait pas d'un refus : il pouvait également tout à fait comprendre si la demoiselle désirait prendre ses dépenses en charge sans rien lui devoir... même s'il n'attendait pas de retour.

Une fois sortis, Heziel l'inviterait à le rejoindre avant de l'accompagner jusqu'à sa taverne. Le vent se faisait frais et la lueur descendante dotait la voûte céleste d'un tapis d'étoiles désormais visibles au travers de la distance. Une belle soirée... qui, peut-être, deviendrait plus belle encore.

- Merci pour le repas, c'était super. Je... j'aime beaucoup passer du temps avec toi !



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Nous portons un masque [21]


Il insistait pour payer, malgré le fait qu’elle ait résisté un peu. Elle lui octroya cela, ne pouvant résister à son air si gentil. C’était un homme agréable, mais charmeur aussi, et elle n’avait pu qu’être plongée dans son regard, amadouée par la manière qu’il avait de se toucher les cheveux, de la désirer. Elle était sensible à cela, au fait qu’il n’ait rien dit de graveleux, au fait qu’il ait été un parfait gentleman toute la soirée. Elle ne put s’empêcher de lui promettre que la fois suivante, ce serait elle qui règlerait l’addition, non sans le remercier d’un baiser sur la joue. Finalement, ils partirent du restaurant, félicitant une dernière fois le chef pour sa prouesse de la soirée. Avec un air intéressé, sans se presser, elle commença à se diriger vers l’auberge où elle passait ses nuits depuis qu’elle était arrivée sur l’île.

- Marchons un peu, répondit-elle au jeune homme en regardant la voûte céleste.

Elle prit la main du jeune homme, et se mit à marcher en direction de la colline qui surplombait cet endroit. Ils n’allaient pas marcher longtemps : juste ce qu’il fallait pour atteindre le sommet. Un petit air frais venait les cueillir tous deux dans cet environnement, et si Lidy n’y fut pas réellement sensible, c’est qu’elle avait l’habitude de ne pas montrer ce type de sensation. Un des atouts de son entraînement : elle était capable de ne pas trembler en presque toutes circonstances. Un sourire doux accompagna sa contemplation du ciel.

- J’adore passer ce moment avec toi aussi, Heziel. Tu es vraiment quelqu’un de bien.

Elle le regarderait, une fois arrivés au sommet de la colline. Depuis le début, elle faisait nombre de premiers pas, mais cette fois-ci, elle le contemplerait juste. Ses lèvres rosées étaient luisantes. Elles semblaient prêtes à recevoir le baiser du jeune coq, elles semblaient n’attendre que cela. Lidy fermerait les yeux tandis que le vent viendrait faire voler quelques-unes de ses mèches. Et finalement, elle frissonnerait.

___________________

Ils arriveraient à l’auberge un peu plus tard. Elle était munie d’une taverne en bas où des piliers du coin rencontraient régulièrement les colères de l’aubergiste. Celui-ci prenait une double casquette qu’il changeait en fonction de la situation, et en voyant arriver la demoiselle il la alpaguerait avec un air enjoué :

- Oh, Mam’zelle Iliane, vous êtes là ?

Elle avait oublié, cela. Elle se retournerait et glisserait à Heziel discrètement un « Je t’expliquerai », ce qu’elle ne ferait peut-être pas. L’aubergiste était apparemment ragaillardi par la soirée qu’il venait de passer et qui avait explosé beau nombre de records. En cette période de festival, les chambres étaient remplies et les clients ravis de la qualité de la boisson offerte en bas. Certains profitaient de ces instants pour ramener des conquêtes, mais c’était assez rare, et il ne jugea pas le couple qui venait d’entrer.

- Oui, la soirée a été bonne ?

Elle fit la conversation par politesse, et cela le noiraud pourrait le remarquer. Son attitude était distante, elle avait un regard faussement amusé, et il pourrait y reconnaître presque de la gêne. Quand le court échange arriverait à son terme, elle prendrait deux verres et inviterait Heziel à la suivre. Ils pourraient ainsi se diriger dans la chambre qu’elle avait réservé où un lit double, un bureau et une armoire étaient les seuls mobiliers présents. Le sommier semblait un peu dur, cependant la jeune femme s’en accommodait parfaitement. Elle avait dormi dans bien pire condition.

- Attends un instant, lui fit-elle en l’invitant à s’installer sur le lit. Je vais sortir cette bouteille…

Elle fouilla un instant dans son armoire.

- Oh, la voilà !

Le liquide bleuté avait la couleur de la glace. Il coula dans les verres, et une sorte de fumée en sortit, comme si le contact de l’air venait le réchauffer. Elle inviterait Heziel à goûter au breuvage fortement alcoolisé avant de s’installer, s’il avait choisi le lit, à ses côtés et de mettre sa tête sur son épaule, lui tenant la main avec laquelle elle commencerait silencieusement à jouer.

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Dim 3 Mar - 22:59




Mauvais endroit, mauvais moment ?


"Je t'expliquerai".

- Hm ? Oh... bien sûr.

Il était un peu distrait. C'était le cas de le dire... sa main dans la sienne, il l'avait suivie jusqu'à l'intérieur de la taverne sans trop faire attention à ce qui l'entourait. Il était comme sous le charme, envoûté depuis ce sommet sous la lune. Ils étaient redescendus, des étoiles plein les yeux, laissant l'air de la nuit emporter le secret et l'intimité d'un échange qu'ils n'avaient que trop attendu. De son côté, Heziel s'était finalement donné le courage de réaliser ce qu'il voulait faire. Il s'était armé de bravoure et avait décidé de sauter le pas. Mais l'avait-il vraiment fait consciemment, froidement, poussé par un ensemble de signaux dûment traduits et interprétés pour arriver à la connaissance d'un moment adéquat ?

Non. Rien de tout ça.

Lorsqu'elle avait frissonné, il avait éprouvé cette même chose que par deux fois déjà depuis la veille. Cette douce torpeur de la raison, à laquelle il s'était complètement abandonné. Ses doutes, ses peurs et ses incertitudes s'étaient éteints de concert, laissant seulement la proximité de leurs corps, de leurs lèvres et de leurs visage dans leur sillage. Il s'était alors penché vers l'avant, lentement. il avait doucement clos les paupières, alors que l'une de ses mains s'était dirigée dans la courbe délicate du dos gracile de la source de son désir. L'autre, elle, s'était dotée de mouvements assurés, venant tendrement saisir le menton fin du pouce et de l'index avant de faire pivoter les traits angéliques vers les siens. Puis il avait plongé vers elle, tendrement, paisiblement, comme une évidence. Il était venu cueillir ce qu'elle lui autorisait à prendre... goûter le miel de ses lèvres, dans un contact d'une douceur jamais atteinte chez lui jusque là. Puis il l'avait enlacée, entourée de ses bras, gardée contre lui. Il avait accepté ce caprice du destin contre lequel il ne pouvait pas lutter. Il avait frissonné, lui aussi... mais le vent n'en était pas la cause. Tout comme il n'était pas la cause de son cœur qui battait la chamade.

Il n'était toujours pas descendu de cette flottaison agréable, cette lévitation chaleureuse dans laquelle son esprit s'était embarqué. Il remarqua malgré tout que quelque chose semblait gêner la demoiselle dans son interaction avec le tavernier : quelque chose de grave ? Non... il ne le pensait pas. Mais quelque chose, malgré tout. Le fait d'être uniquement concentré sur elle depuis qu'il avait scellé le sortilège qu'elle lui avait lancé avait l'avantage de le rendre observateur de ses mimiques, de son attitude, de l'orientation de ses sourcils ou encore de la pétillance de ses yeux. Il la laissa s'équiper de deux verres, terminer cette discussion dans laquelle elle souhaitait éviter de s'embourber, puis il la suivit à l'étage. Il découvrit alors la chambre dans laquelle elle résidait actuellement : simple, rustique... basique. Il se décida finalement à l'inviter chez lui, dans les jours à venir, pour lui faire passer un peu de temps dans un endroit plus lumineux et gai. Enfin, ça devait sans doute lui suffire : l'endroit n'était pas miteux pour autant. Il ne savait pas exactement se l'expliquer, mais il pensait qu'elle méritait mieux, sans véritablement que ce fut le résultat d'un mécanisme conscient. Il détailla quelques instants le bureau et l'armoire, avant de s'installer sur le lit, suivant des yeux la silhouette gracieuse de sa "délicieuse amie" alors qu'elle évoluait dans son petit espace.

- Voyons voir ce que ça donne.

Elle servit les deux verres. Il laissa la fumée monter et s'évaporer devant lui, dans une sorte de vapeur à mi-chemin entre eau et alcool qui lui emplit les narines. C'était fort : il suffisait de le sentir pour s'en rendre compte. Le liquide jouait mystérieusement avec les yeux, dans une danse de coloris bleutés et clairs qui faisait penser à l'eau qui embrasse la surface de la glace, en hiver. Se saisissant du verre de sa main droite, il passa son nez entraîné au dessus du breuvage. Les senteurs lui étaient inconnues : ce qui était pas mal, en réalité ! Il connaissait de nombreux alcools du fait de sa profession, mais celui-là semblait basé sur des ingrédients dont il ignorait tout...

- Curieux, vraiment... où est-ce que tu as eu ça ?

Finalement, il y trempa les lèvres. Un petit hochement de tête vers l'arrière entraîna une partie du liquide dans sa bouche, où il laissa la puissance du spiritueux éclater contre ses papilles. Il cligna des yeux alors qu'il avalait finalement, la brûlure agréable lui passant en gorge. Le rythme de son cœur accéléra momentanément. C'était comme boire une absinthe très forte, ou un shot de mélanges corsés. Le mieux dans tout cela, c'est qu'il ne savait pas d'où venait cette boisson... ni comment elle conservait de cette manière. Décidément, il allait falloir qu'il demande plus de détails, lorsqu'il... arriverait à penser à ces détails.

Car pour l'heure, la main qui jouait dans la sienne, ainsi que la tête posée contre son épaule, étaient deux éléments qui l'accaparaient bien plus que l'identité des producteurs d'alcool à l'origine de cette petite merveille... ou que sa composition exacte. Il tourna la tête, lentement, plongeant son nez dans la crinière bleue de Lidy. Il huma son odeur à pleins poumons et se laissa aller doucement contre elle, sans pour autant lui infliger tout son poids. Il avait envie d'aller plus loin. Il avait envie de s'orienter vers elle, de poser une main sur sa cuisse, de l'embrasser à nouveau et de laisser les événements parler d'eux mêmes. Mais cette fois, ce n'était pas la timidité qui l'en empêchait, mais bien l'envie de faire durer cet instant, de se pousser jusqu'à la rupture, jusqu'à un point si langoureux qu'il ne pourrait plus y tenir. Il sourit, toujours niché dans ses cheveux.

- Cette boisson est forte, mais il y a autre chose qui me fait tourner la tête, actuellement.

Il y avait de la conviction dans cette phrase, une certitude, mais son sourire taquin se ressentait dans chaque mot. Ultimement, il reprenait le jeu du chat et de la souris, cette fois d'un point bien plus avancé et sérieux qu'un peu plus tôt. La simplicité naïve de leurs premiers échanges corporels du jour s'effaçait au profit du poids de mots et de contacts mieux choisis, plus calculés. Une sorte d'exploration sensuelle qui n'avait pas dévoilé tous ses secrets, loin de là... car ses sens, petit à petit, étaient écrasés par les informations qu'ils recevaient. Il y avait quelque chose chez cette femme qui le transformait. Quelque chose qui éveillait chez lui une envie de plus en plus vorace, authentique, honnête. C'était elle qu'il désirait, de plus en plus ardemment. Boire ce verre n'était qu'un prétexte pour se retrouver en toute intimité à deux... n'importe qui aurait pu le dire. Pourtant, il n'était pas parti de ce postulat. Il avait accueilli cette invitation avec une transparente candeur, qui laissait désormais place à une part de lui plus adulte. Désormais, les minutes qui passaient apportaient une tension électrique dans l'air.

Pourtant, il nourrissait cette tension, cette langueur. Il appréciait chaque instant où sa volonté était mise à l'épreuve, chaque seconde de cette perception éclairée dans laquelle tout se focalisait autour d'elle. Son odeur, le grain de sa peau, la texture de ses cheveux, le son de sa respiration et de sa voix cristalline... jusqu'à la sensation de son corps à côté du sien et du tracé discret de ses doigts fins dans la paume de sa main. Il avait l'impression de pouvoir vivre ce moment éternellement. Une passion réelle était en train de voir le jour dans son cœur et dans sa tête. Une décoction de sa propre initiative, avec laquelle il était prêt à s'empoisonner jusqu'à ne plus en pouvoir. Il se détacherait finalement d'elle, pour mieux planter son regard dans le sien. Un regard brûlant d'un désir véritable, dans lequel tout questionnement était absent.

- C'est toi, Lidy.



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Dim 3 Mar - 23:39

Nous portons un masque [22]


Ils brûlaient. Ils brûlaient d’une flamme nouvelle, d’une flamme vigoureuse et exempte de toute mauvaise interprétation. Ils se désiraient l’un, l’autre, et sans pousser au vice, ils voulaient tous deux ce que leurs corps exigeaient. Avec un baiser qui avait rendu ce moment sur la colline inoubliable, elle avait oublié entièrement l’existence de ses soucis. Elle disait adieu à cette vie qu’elle menait en truandant le monde. Aujourd’hui, le plaisir était réel. Ses lèvres n’avaient pas le temps de se reposer que déjà un nouveau baiser viendrait les cueillir. Ce ne fut pas elle qui fit le premier pas, mais tout dans son attitude, dans son ouverture invitaient le noiraud à le faire. Et elle ne protesta pas. Elle ne protesterait pas la première fois, ni les suivantes.

La nuit fut courte, et longue à la fois. Les étoiles brillaient tandis qu’un mélange de tendresse et de sauvagerie se mêlait aux draps usés de l’auberge. Ils avaient commencé maladroitement, mais les sourires et les petits rires sincères avaient amené de la tendresse dans cet échange. La Olsen savait ce qu’elle voulait, et si elle laissait toute l’amplitude à son compagnon de prendre des initiatives, elle l’invitait à découvrir des choses simples, mais intenses. La chaleur des deux corps était si grande qu’ils purent s’arrêter à plusieurs instants avant de reprendre leur danse nocturne effrénée.

Les draps volèrent et virevoltèrent.

Sur l’oreiller, la demoiselle susurrait quelques mots tendres. Elle invitait les mains du jeune homme à venir lui cueillir le creux de ses hanches tandis qu’elle l’embrassait avec une passion mesurée. Et dans l’incontrôlable plaisir de la nuit, elle ressentait le sien avec un pouvoir qui ne cessait de lui échapper. Tout son contrôle partait, et elle profitait doublement de l’aspect bienfaiteur de leur échange.

Quand la fatigue vint les cueillir sur les coups de quatre heures du matin, elle s’endormit paisiblement dans les bras protecteur, prenant une position qui n’obligerait pas le Coffe à être envahi de douleur.

La jeune femme ouvrit les yeux au petit matin, habituée à l’absence de grâce matinée, et regarderait le jeune coq. Elle lui embrasserait la peau tout en se lovant contre lui, le regardant et laissant libre court à son bonheur naissant. Elle avait espéré un instant comme ça toute sa vie. Son sourire honnête vint se présenter sur ses lèvres tandis qu’elle faisait traîner ses mains sur les muscles saillants du dormeur. Il était séduisant, en plus d’être gentil et amusant. C’était un garçon naïf, brûlant d’ardeur.

Lorsqu’il ouvrirait les yeux, elle lui laisserait le temps de s’accommoder de la lumière du jour. Un regard passionné brûlerait dans les yeux de la Olsen, un regard dévorant d’une envie de regarder ce garçon qui lui promettait monts et merveilles par sa simple présence. Elle pourrait tout à fait s’accommoder de leurs échanges nocturnes, s’ils venaient à se reproduire. A vrai dire, les rougeurs qui l’avaient prise durant la nuit, celles sur ces joues, n’avaient pas encore entièrement disparu. Elle les portait avec espièglerie, comme si celles-ci allaient déclencher celles du brun.

- Bien dormi ? Tu veux que j’aille chercher le petit déjeuner ?

Les deux questions se feraient en deux temps pour laisser au jeune homme le temps d’émerger, s’il était long le matin. S’il acceptait, elle s’habillerait et irait chercher quelques viennoiseries, non sans lui laisser un baiser. Ils allaient parler de ce qui s’était produit ? Non, peut-être. En tout cas, la jeune femme penserait à prendre de nouveaux bandages et de quoi nettoyer les plaies pour remplacer ceux de la veille, trempés par la sueur de la nuit. Elle n’était pas sûre que leur activité allait aider à la cicatrisation, mais… Ca avait été fort plaisant, et elle doutait qu’il y ait besoin de le dire ou de le partager pour s’en assurer.

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Lun 4 Mar - 8:04




Mauvais endroit, mauvais moment ?


Il y avait bien des façons de se donner aux autres, de vivre au travers de leurs regards, de rythmer ses rires sur ceux de ses proches ou encore même de laisser le chant de son cœur se calquer sur celui d'un autre. Heziel faisait partie de ces gens qui, au travers de chaque jour, donnait un peu de soi à quiconque voulait bien l'accepter. C'était sa manière de vivre, d'avancer, de grandir. Il distillait des pièces de lui même dans son sillage, il faisait confiance, il confiait sa personne aux mains de ceux qu'il jugeait dignes. Cette soirée n'était pas différente... car au delà des instincts primaires qui grondaient chez les deux jeunes gens, au delà du désir ardent et charnel, il y avait une connexion. Un accord, tacite, profond. Celui de s'ouvrir la porte, l'un à l'autre... de se laisser entrer.

Leurs corps se mélangeaient gracieusement sous les draps usés couleur sable, se mouvant tantôt à l'unisson, tantôt en asynchrone, mais toujours avec plaisir. Envoûté, il explorait les courbes affriolantes de sa compagne, oscillant entre la téméraire ardeur de l'amant qui saute le pas et la prudente réserve du plus doux des amis désireux de privilégier la satisfaction dans le regard de l'autre. De nombreuses fois, dans la pénombre de la nuit qui évoluait, leurs yeux se verrouillèrent dans une contemplation qui semblait imperturbable malgré les frissons et les soupirs qu'ils s'arrachaient. Par plusieurs fois, l'emportement l'avait amené à serrer les dents lorsque son flanc encore douloureux l'avait labouré d'un message de raison et de calme. Au départ gênante par instants, cette douleur était presque devenue stimulante lorsqu'il avait décidé de ne plus s'en occuper. Puis, au dessus du rouge de ses joues, dans la fièvre de ses yeux, était né un sourire sincère et plein. Un sourire qui s'était lu sur son visage jusqu'à l'aube, entre deux expressions d'euphorie et de délice. Il se délecta de tous leurs échanges. La tension culminante alors qu'ils s'épluchaient, laissant leurs vêtements rencontrer le sol de façon hasardeuse et spontanée. La tendresse dans sa voix lorsqu'elle lui susurrait des mots doux, qu'ils furent mignons ou provocateurs, attisant sa bestialité tout en ménageant sa gentillesse. La satisfaction audible dans ses approbations lorsqu'elle l'avait guidé, à plusieurs reprises, dans des sentiers inconnus. La sensualité qu'il avait ressentie lorsqu'il s'était plié à ses attentes, tout comme celle éprouvée lorsqu'il avait mené la danse.

Le lit grinça longtemps et, si quiconque avait eu l'occasion d'entendre les échos de leurs ébats, grand bien lui en fit. Heziel n'aurait échangé cette soirée contre rien au monde. Il s'abandonna à une nuit de folie, de luxure et de générosité telle qu'il n'en avait jamais connu jusque là. C'était incomparable avec tout le reste. Il était heureux, véritablement. Ses bras étaient le seul refuge dont il avait besoin, sa chaleur la seule qu'il requérait. Il raffolait de ses lèvres, de ses formes, de son parfum et de sa présence. Il se fichait du reste de l'univers, tant et si bien qu'il étendit leur union avec un enthousiasme absolu jusqu'à ce que l'épuisement ne vienne les rappeler à l'ordre, comme deux jeunes adolescents manquant de sagesse. Son corps, fourbu, lui renvoyait pourtant un intense bien-être. Il accueillit la reine de sa nuit contre lui, ménageant ses côtes endommagées, avant de s'adonner à un exercice simple et transparent d'observation. Alors que l'aurore préparait son entrée en scène, il fut vaincu dans la contemplation transie de sa belle par un sommeil qui n'avait que trop tardé. Ses yeux se fermèrent au monde, l'emmenant certainement dans un autre univers de rêve qui n'était finalement peut-être pas plus alléchant que ce qu'il venait de vivre.




Il aurait voulu se rendormir, juste pour se réveiller à nouveau sur cette vision. Les grands yeux bruns de la demoiselle le dévoraient du regard et il lui offrit un sourire plein de charme et de réciprocité, alors que ses propres pupilles bleues et foncées soutenaient cette passion ardente qui n'en était pourtant qu'à ses débuts. Il se serra contre elle, passant son nez dans sa tignasse, s'enivrant de son essence avant de commencer par un léger baiser sur le front. Un autre suivrait, sur l'arête du nez... avant qu'il ne vienne sans doute conclure par un contact rapide et coquin de ses lèvres sur les siennes. Il n'avait pas imaginé, une seule seconde, que les choses évolueraient ainsi lorsqu'il l'avait vue pour la première fois. Rendu là où il en était, toute autre chose semblait sonner faux.

- Salut, toi.

Il s'étira quelques instants. Un petit tribut de souffrance fut prélevé dans son flanc, comme une punition pour avoir dépassé les limites de sa raison. Il l'accepta avec un petit sourire de coin. Son présent en valait tellement la peine... et puis, il en était persuadé : son mal luttait et vivait ses derniers instants. Il avait toujours récupéré plus vite que la normale. Un "oui" de la tête vint répondre à la première interrogation de sa tendre demoiselle de cœur : simple, efficace et honnête. Il se redressa sur son côté valide, plaçant la paume de sa main sous sa joue avant de la regarder à nouveau. Finalement, il se frotta les yeux, entamant sa définitive extirpation des bras de Morphée.

- Je ne dirais pas non à un peu de sucre.

Il profiterait de son baiser, comme de tous les autres, avant de s'étirer à nouveau en observant le ravissant spectacle de son amante retrouvant un apparat plus adapté à la société. Malgré un sommeil qui n'avait pas foncièrement traîné en longueur, il se sentait ragaillardi. Les douleurs de la veille s'étaient atténuées et ses muscles avaient retrouvé en vigueur. Il n'était pas certain d'avoir récupéré autant qu'il le pouvait mais... ce qu'ils avaient partagé était indéniablement bon. Il se demanda si cela recommencerait, avant de se promettre de tout faire pour. L'idée même de se séparer de tout ce qu'il était en train de découvrir lui semblait obsolète et, par un biais cognitif puissant, il s'était fermé à la possibilité de la voir partir. Il affronterait cette réalité lorsqu'elle se présenterait... pour l'heure, il profitait de cette expérience avec avidité.

Le temps qu'elle procède à ses quelques fournitures diverses, il abandonna la nudité charmante de la nuit au profit du retour de son boxer au bon endroit. Puis, il se dirigea vers la fenêtre, à laquelle il observa les environs, pensif. Il était encore dubitatif sur certaines choses, mais d'autres se verrouillaient concrètement dans son esprit. Malgré la nouveauté de ces échanges torrides, il ne se sentait pas aussi perdu et balbutiant que la veille. Une assurance plus virile était née dans le courant de la nuit : le fruit mûr et appétissant d'une relation qui passait tous les tests avec brio. Il s'arrangerait pour ranger deux ou trois choses, sans pour autant terminer dans ses affaires : il respectait ses secrets, ce qui était étrange lorsqu'on considérait qu'il en connaissait justement la teneur. Il n'avait peut-être pas envie de se replonger là dedans... tout ce qu'il voulait, c'était la voir revenir à lui pour commencer une nouvelle journée trépidante.

Le siège de son affection, dans sa poitrine, pulsait plus fort que d'habitude.



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Nous portons un masque [23]


La nuit avait été un tel délice qu’au matin tout semblait scintiller avec plus de puissance. La Olsen ne s’arrêta pas avant d’avoir trouvé des sucreries et des bandages, et elle reviendrait vers son amant pour lui changer son pansement tout en lui offrant une sélection de viennoiseries modérée, mais variée, quitte à en partager quelques-unes en deux. Elle n’était pas gourmande, mais elle appréciait grandement les bonnes choses. Quand la jeune femme et le Coffe eurent terminés, elle lui proposa de venir le rejoindre en bas quand il serrait habillé et qu’il aurait pris une douche – elle-même venait de terminer la sienne au moment où elle l’avait dit.

- Je te propose que nous fassions comme dit hier, et que nous allions chercher les herbes aromatiques.

Elle l’inviterait alors à venir en direction des collines. Après avoir partagé de tels moments d’intensité, elle voulait faire redescendre la pression. Si elle était restée dans l’auberge, elle aurait certainement eu un souci de première envergure : le fait de passer toute la journée au lit à user les pauvres lattes du sommier. Avec un air rêveur, elle prit donc en compagnie de son amant la direction du bord de mer.

Les vagues se heurtaient aux rochers en cette fin de matinée. En passant devant un marchand, Lidy s’était empressée de prendre quelques petites choses pour pique-niquer, et avait par la même occasion pris un panier en osier pour qu’ils puissent transporter le fruit de leur récolte et leur futur repas. Elle resta parfois silencieuse et contemplative, et si elle fut parcimonieuse en baisers de son côté, ceux-ci furent tous passionnés et bienveillants.

Un sourire honnête résonnait sur son visage. Elle parla sans honte de Heziel de son enfance heureuse avec ses parents et son frère. Elle lui évoqua les bons plats que faisait sa mère, et les franches périodes de rigolade que son grand-frère lui offrait. Son père était parfois absent, mais quand il était là, il s’occupait de ses enfants. Elle avait eu une enfance idéale, au moins au début.

Lorsqu’ils furent arrivés après un long moment de marche près des herbes, les vagues avaient cessé d’agir avec hargne, et la mer avait retrouvé un calme modéré. Lidy déposa une nape sur le sol en l’absence de vent et alla s’y installer pour sortir quelque chose de simple à manger, de léger. Elle contempla le jeune coq avec un sourire tout ce qu’il y avait de plus enchanté, et finit par lui sauter dessus.

Quelques dizaines de minutes plus tard, elle était en train de cueillir des herbes avec un couteau qui faisait office de serpe. Elle les ramassait en cherchant particulièrement des herbes odorantes, lui chatouillant agréablement les narines. Elle proposa à Heziel de chercher ce dont il aurait besoin pour le repas. Finalement, au bout d’une heure, elle s’assit à nouveau, dans l’herbe cette fois-ci.

- Qu’y aura-t-il au menu ce soir ?

Elle demandait en toute innocence, et en fonction de ce qu’il dirait, elle aurait pour la première fois un sourire taquin et pointerait le jeune coq :

- On pourra te rajouter au dessert.

Et finalement, après un rire cristallin elle l’embrasserait. Elle l’embrasserait et le ferait rouler dans l’herbe, jusqu’à ce qu’il décide de mettre fin à ce moment pour la ramener en ville.

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Lun 4 Mar - 18:08




Mauvais endroit, mauvais moment ?


Les viennoiseries, venues de terres qui semblaient bien lointaines et inexplorées à son estomac vide, eurent la décence de se présenter dans les mains délicates et tendre de sa petite amie. Petite amie... le terme le faisait rire, intérieurement. Quel était donc seulement le principe derrière ce sobriquet ? Bah, il s'en fichait. Il commençait à s'y reconnaître, bizarrement... mais il ne voulait pas aller trop vite et garda bien cela pour lui, se contentant de sa présence. Le fait qu'elle eut pensé à ses blessures le toucha véritablement et il la laissa faire, malgré quelques protestations bénignes indiquant qu'il se sentait bien et qu'il n'était pas la peine qu'elle se donne de mal. Il comprit vite, à son regard, que ce n'était pas une option : il capitula et dégusta donc des sucreries alors que la plus belle créature de ses pensées lui offrait un traitement dont, il en était certain, beaucoup auraient pu rêver. Elle le quitta pour une douche bien méritée et il soupira d'aise, refait, non sans taire son envie de la suivre. La journée s'offrait à eux, pleine et entière... qu'allaient-ils bien pouvoir en faire ?

La réponse vint rapidement lorsque, au sortir de sa toilette, elle lui proposa de suivre son exemple avant de sortir pour trouver les fameuses herbes dont ils avaient discuté autour du repas, hier soir. Il hocha bêtement de la tête, détaillant ses cheveux humides, la façon dont la serviette saillait à sa taille, son buste et son arrière train, ainsi que tous les petits détails qui la rendaient craquante. À son tour, il la laissa pour un brin de toilette qui se fit plus mesuré et prudent que celui auquel il aurait voulu prétendre : il n'était pas la peine de mettre à l'épreuve les bandages tout de suite... de toute manière, les soins de sa belle avaient déjà touché cette partie de son corps. Finalement, il lui revint frais comme un gardon. La cicatrice se portait bien et il avait envie d'aller jusqu'au bout du monde.

- Allez, on y va !

Ils prirent donc la direction des plaines plus vallonnées et paisibles, dans lesquelles le vent fouettait agréablement leurs chevelures. S'il était toujours sous un charme physique puissant et que le fait de rester plus longtemps enfermé l'aurait sans doute amené à tenter quelques bêtises, le fait de prendre l'air rendit à Heziel sa naïveté innocente. Il détailla le paysage, donnant son avis sur tout un tas de choses qui y étaient liées, de la manière dont il appréciait le ciel rouge annonciateur de pluie en été à l'amusement de l'un des petits lacs de l'île lorsque la glace saisissait ses profondeurs. Finalement, ils parvinrent au bord de mer, main dans la main. Il la laissa prendre en charge l'organisation de leur petite virée, non sans un sourire amusé : la voir si consciencieuse avait quelque chose d'adorable. Bientôt, ils furent munis d'un pique-nique et d'un panier utile pour récupérer le fruit de leurs trouvailles.

Elle s'ouvrit à lui et il la laissa faire, serein et à l'écoute. Il savait que ce sujet ne devait pas être facile à aborder, mais elle transpirait une certaine joie qu'il était heureux de lire sur son visage. Afin de faire écho à son pas vers l'avant, il lui parla de sa propre jeunesse : les quatre-cent coups dans les champs et dans la forêt avec Kain, son ami d'enfance, un grand dadais un peu stupide mais définitivement trop bon pour être né avec autre chose qu'un cœur en or. La cuisine avec sa mère, le travail de la terre avec son père, l'arrivée de sa petite sœur qu'il défendait toujours des monstres de son imagination. Il imita plusieurs fois les personnages les plus comiques de son village natal, lui offrant un portrait vivant et interactif de son chez lui. Cela lui manquait, parfois. Mais il avait appris à s'en détacher. Il termina ces mots alors que la nappe s'étendait sous eux, avant de constater le regard malicieux de la demoiselle. Il n'eut pas réellement le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu'à nouveau, on ravissait son cœur.

la cueillette d'herbe fut excellente : non seulement ils trouvèrent rapidement ce qu'ils cherchaient, mais le cuistot mit la main sur plusieurs pieds de salicorne qui n'attendaient qu'un coup de main pour être mis à contribution. Il en détacha plusieurs jeunes pousses, sans pour autant endommager le reste, respectueusement. Les pieds repousseraient, formeraient d'autres boutures... il n'y avait pas besoin de se presser. Il savait déjà ce qu'il allait pouvoir faire de tout ça. Il devrait juste passer par le port et chez un céréalier, avant ça. Vint le moment où la demoiselle s'enquit de ce qu'il avait prévu de lui concocter...

- Un petit passage en ville sera nécessaire, mais... je pense que des pâtes faites maisons avec un peu de salicorne en haricot, de l'aneth, une cuillère de vin blanc, un peu de crème fraîche et l'assaisonnement qui va avec, ce serait le top. Pour le dessert...

Il sembla songeur, mais n'eut pas longtemps besoin de chercher : Lidy semblait finir ses phrases à sa place, et il lui fit un regard où s'entremêlaient un certain désir, de la surprise, ainsi qu'une envie de jouer assez saisissante. Elle le titillait, le taquinait ? Très bien, il comptait bien ne pas se laisser faire !

- Toi alors...

Elle lança les hostilités et ils jouèrent dans l'herbe comme deux gosses, parsemant leurs caresses bénignes et amusées de baisers qui transcrivaient la tranquillité qu'ils s'apportaient. Il n'y avait qu'un lointain écho torride à ces contacts, qui restaient candides et plus mignons qu'autre chose : le ciel était bleu, l'air pur et elle comblait son coeur de liesse. Il ne compta pas le temps qu'il passa à la cajoler tout en jouant la fausse indignation de n'être considéré "que" comme un dessert qui allait, en plus de cela, se taper le culot de faire le reste du dîner avant d'être dévoré. Finalement, il abandonna son acte et l'embrassa avec une passion beaucoup plus profonde, mais toujours respectueuse et tendre. Ils quittèrent finalement cet endroit, non sans qu'il ne glisse qu'un autre pique-nique de cet acabit serait fort appréciable, avant de proposer le haut de la montagne que l'on apercevait au loin. Un passage en ville lui permet de rapidement récupérer tous les ingrédients dont il disposait, avant qu'il ne constate l'évidence même, non sans une certaine lueur dans le regard. Ce soir, c'était chez lui.

Et la soirée vint assez vite, car le temps passait à un rythme assez insensé lorsque le noiraud s'abandonnait à la compagnie unique de sa chère et tendre.

- Eh bien... bienvenue chez moi. Ce n'est pas forcément super bien rangé, après tout je n'y suis pas retourné depuis deux jours... mais... je t'en prie, installe toi !

Il exagérait, mais c'était fort certainement par excès de zèle. Certes, l'endroit n'était pas impeccable, mais il restait très propret et bien organisé : un biais professionnel, car sa cuisine elle même resplendissait de mille feux... le reste ne pouvait décemment pas trancher si fort. La salle principale, d'une vingtaine de mètres carrés, contenait la table, un canapé et un fauteuil, une bibliothèque dans laquelle les livres de cuisines se reluquaient en silence, ainsi que deux fenêtres qui donnaient un jour lumineux à l'ensemble. Quelques souvenirs et décorations assez discrètes ponctuaient le tout et, au final, tout était à la hauteur de ce que la bleutée pouvait savoir de son courtisan : l'endroit était assumé, calme, pas trop exubérant mais malgré tout chamarré par endroits. Il y avait de la personnalité et elle n'était pas écrasante. De son côté, le noiraud s'était mis à la cuisine : il en aurait pour un moment avant que la pâte ne soit prête à l'emploi et, à dire vrai, les quelques regards conquis qu'il jeta à la Olsen furent le signe de son désarroi : bordel, quel mauvais calcul. Il fallait qu'il l'occupe... sans lui sauter dessus. Ce qu'il tenta de faire de son mieux.

- Tu sais quoi ? Demain, je te donne ton premier cours de cuisine. Tu veux faire quelque chose en particulier ? Pas la peine de démarrer compliqué.

Il lui montra alors les différents ouvrages qui traînaient là, détaillant leurs points forts, mais aussi les exagérations qu'il pouvait y trouver. Il était un lecteur averti dans ce domaine et avait des remarques sur un peu tout, sans jamais tomber dans la complaisance ou la vantardise. Il avait juste ses façons de faire, qui fonctionnaient plutôt pas mal. Il continua la préparation du plat en parallèle, dévoilant sa capacité assez surprenante à gérer plusieurs choses en même temps. Une qualité plutôt rare chez un homme, en général... mais il ne s'en formalisait pas. Entre deux passages en cuisine, il lui expliqua la teneur de certaines babioles qui lui rappelaient des voyages, des expériences, des choses. Non loin de là, la porte de la chambre baillait paresseusement, comme en attendant son heure. Tant qu'il pouvait retourner de temps à autres aux fourneaux pour gérer son affaire, il se laisserait porter par tous les sujets de discussion à son niveau et s'engagerait dans toute activité pouvant faire passer le temps à sa beauté. Même si la faire attendre avait quelque chose d'excitant... le résultat n'en serait que meilleur.

- Si mademoiselle me permet...

Il lui offrit finalement avec une classe de chef étoilé, à la lueur d'une chandelle qui était assez petite pour ne pas sombrer dans l'excès, un magnifique plat aux senteurs et aux promesses multiples. Le saumon, rosé, savoureux et tendre, était cuit à la perfection. Les quelques bâtonnets de salicorne, semblables à des cornichons plus salés qu'amers, étaient déposés avec une attention particulière sur les pâtes onctueuses et leur sauce assez épaisse pour être notée sans pour autant prendre le pas sur le reste du plat. L'assaisonnement, équilibré, relevait parfaitement le tout. Il se fit quelques remarques, cependant : des remarques que seul un palais comme le sien ou supérieur pouvait amener à réaliser. Un petit verre de vin, rosé ou blanc même s'il lui conseilla le dernier, était également de la partie. Il attendrait avec une impatience difficilement dissimulée le verdict de la jeune femme sur ses capacités culinaires : quelque chose qu'il ne faisait jamais, en réalité. Il aimait recevoir les retours de ses clients, mais ne les cherchait pas outre mesure. Jamais avec autant d'intensité. Autant dire que ce qu'elle pourrait lui annoncer avait des chances de lui faire de l'effet, certainement. Il débarrasserait sans doute le tout, par habitude et par automatisme fortement ancré, sans pour autant procéder à un lavage aussi rigoureux que d'habitude... ce qui ne manquerait cependant pas de montrer son côté hautement sérieux quant à certains détails amusants. Finalement, une espièglerie notable s'emparerait de ses traits.

- C'est l'heure du dessert, non ?

Oh, et il n'avait clairement pas honte de dire qu'après une journée pareille, il avait très faim... une faim qui pourrait à nouveau le porter à des heures interdites par la bienséance, qu'il enverrait aux oubliettes sans une arrière pensée.



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Lun 4 Mar - 20:54

Nous portons un masque [24]


Le plaisir coupable de ce repas amena la jeune femme à se demander ce qu’elle avait fait pour mériter la tendresse d’un homme pareil. Elle l’appréciait vraiment – de là à dire qu’elle l’aimait, il n’y avait que le temps qui pourrait le lui affirmer. Le fait qu’ils aient été collés l’un à l’autre depuis plus de vingt-quatre heures rendait les choses difficiles à clarifier. Penserait-elle à lui quand ils ne partageraient pas le même lit, la même table ? C’était presque une certitude. Presque. La peur ne lui tiraillait pas l’estomac, mais cette pensée restait à confirmer. Pendant qu’elle était allée chercher les viennoiseries, elle avait pensé à leur nuit torride, mais à présent ? Son sourire était à peine masqué lorsqu’elle s’abandonnait aux plaisirs des baisers. A présent, elle dégustait un plat d’une rare finesse. D’une finesse jamais égalé pour son palais. Elle croyait avoir goûté au paradis hier, mais elle n’avait qu’entrouvert leurs portes.

- C’est… délicieux, je n’ai pas de mots. Tu as des doigts magiques, Heziel !

Elle rougissait et mangeait précautionneusement. Son appétit était assez grand, comme tous les utilisateurs de fruits du démon, mais elle avait un pouvoir assez peu énergivore. Lorsqu’elle regardait le jeune homme, elle n’utilisait plus son aptitude à lire dans les pensées. Son regard passa au travers de celui du garçon, et tandis qu’elle finissait son repas, elle souriait de la plus simple des manières. Un sourire un peu béat, l’avait-elle déjà eu sur elle ? En tout cas, cette opportunité de la contempler ne tomberait pas dans l’œil d’un aveugle, et tandis qu’elle retirerait son haut, elle embrasserait avec fougue son amant.

- Heziel, tu es… formidable.

Alors, elle passerait d’un air admiratif à un air conquis. Et bientôt, d’un air conquis à un air amoureux.

Le lendemain, la demoiselle observa à nouveau le jeune homme. Leur nuit avait été assez courte, mais elle avait bien espérée qu’ils puissent en profiter au maximum, ce qu’ils avaient fait. Avec un sourire radieux, elle caressa le torse du cuistot. Ses talents étaient inestimables, et elle n’aurait pour rien au monde voulu passer dessus. Elle sourit sur un air candide qui ne lui ressemblait pas, ou qui était peut-être au plus proche d’un naturel qu’elle n’avait jamais pu avoir. Son cœur battait la chamade tandis que sa poitrine nue se posait sur le gaillard. Elle finit par monter sur corps pour le réveiller.

Une petite heure plus tard, une main frappa à la porte. Une main, un poing, qu’importe, la porte s’ouvrit en volée tandis que la Olsen, en sous-vêtements, regardait qui venait d’entrer. C’était un garçon vêtu d’une toge de commis, et d’un air complètement dépassé qui vira au rouge en voyant la demoiselle. Celle-ci l’observa pour lire dans ses pensées, mais n’y trouva qu’une gêne incroyable. Elle lui sourit et lança sur un ton amusé :

- Heziel est à la douche. Je peux t’aider ?
- Je… Euh… Le Chef Moudibou… Moubidou… Mobidic aimerait voir Heziel… Madame.


Elle était en train de se vêtir sans sensualité particulière, et lorsqu’il remarqua qu’elle mettait des vêtements, il commença à retrouver son calme. C’était une jeune femme attirante, et il se dit que ce chanceux de Coffe avait tiré le gros lot. Il arrêta là sa réflexion quand elle s’éloigna pour aller toquer à la porte de la salle de bain, dans laquelle elle entra.

Le Chef Mobidic était attablé au Crabe-Repu avec un air sévère, néanmoins sérieux. Lidy avait rapporté son ouvrage pour le faire dédicacer, mais surtout pour avoir un prétexte d’accompagner le garçon. Prétexte qui lui avait fait perdre une dizaine de minutes tandis qu’elle passait par son auberge où elle n’avait pas dormi la nuit dernière.

- Chefs, Heziel, fit-elle en s’asseyant avec un sourire charmeuse.
- Mademoiselle, vous êtes ?
- La petite-amie de Heziel et une de vos fans,
dit-elle en tendant le livre.
- Oh, quel chanceux ! Laissez-moi dédicacer votre ouvrage ! Ajouta-t-il avec un sourire.

Elle lut en lui qu’il n’avait pas été très à l’aise, mais que sa présence le relaxait. Il était heureux de pouvoir voir une de ses fans, et surtout d’être amadoué par un sourire aussi charmant.

- J’étais sur le point de parler à Heziel d’un stage de trois mois, effectif dans deux semaines. Qu’en pensez-vous ?
- C’est…


Elle hésita un instant. L’infime espoir qu’il l’accompagne dans son périple, celui qu’elle s’était imaginée sur le retour avait disparu.

- C’est une excellente idée ! N’est-ce pas ? Je suis sûre que tu apprendras plein de choses en compagnie de Monsieur Mobidic, principalement son style de cuisine si célèbre sur North Blue à partir de braises glaciales, et d’utilisation de la variante thermique dans l’élaboration de plats goûtus.
- Oh, une véritable fan on dirait ! C’est exactement ce que j’ai écrit dans mon livre.
- J’ai une bonne mémoire. Tu en dis quoi, Heziel ?

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Lun 4 Mar - 23:26




Mauvais endroit, mauvais moment ?


Bon dieu, que ça faisait du bien. Il laissait l'eau couler le long de sa chevelure, sur sa nuque et ses épaules, avant de sinuer lentement dans sa musculature. Ils n'avaient pas lésiné sur les moyens... encore une fois. Un petit sourire s'étira sur ses lèvres tandis que le souvenirs refluaient dans sa mémoire. L'audace dont il faisait preuve avec elle... ça ne lui ressemblait pas. Ses autres relations étaient bien pâles en comparaison, comme si elles n'avaient été que des tests sans saveur, quand bien même il avait toujours respecté ses autres partenaires. Il massa son crâne dans les vapeurs chaudes, profitant de ce petit moment de répit. Ou peut-être n'était-ce qu'une façon de se ressourcer pour la suite ? Il devait encore lui apprendre à cuisiner quelque chose... mais quoi ? De nombreuses choses lui vinrent en tête, lorsqu'il entendit la porte de la salle de bain s'ouvrir. Fronçant les sourcils, il se tourna vers la porte de la douche, mais il n'eut pas l'occasion d'en sortir : à dire vrai, en l'espace de quelques secondes, il en oublia complètement l'idée.

Cette fille était définitivement trop magnétique... et la leçon de cuisine devrait attendre.

Une petite heure plus tard, le noiraud était attablé au Crabe-Repu en compagnie du chef Mobidic et de Pandzani, avec lesquels il conversait. C'était assez étrange d'être en présence de deux pointures de cet acabit. Bon, bien entendu, il en connaissait un depuis très longtemps... et malgré la sévérité du second, la discussion se passait plutôt bien. Il était surtout jaugé, jugé et estimé par les yeux avisés de son aîné, qui savait reconnaître la valeur d'un maître-coq en devenir. Bien entendu, il était difficile de prouver ses talents par la simple parole, mais les éloges dont en tarissait pas son mentor à son sujet ne tombaient pas dans l'oreille d'un sourd. En attendant, tout semblait bien se passer au niveau humain et idéologique. Lorsque la porte sonna, la petite clochette tintant clair, le noiraud se retourna distraitement. Il avait abandonné sa douce non loin du restaurant : elle devait faire un détour à l'auberge pour récupérer son livre, qu'elle voulait faire dédicacer. Elle était là, désormais... aussi rayonnante qu'il pouvait l'espérer.

elle s'installa et une teinte rosée lui monta au joue lorsqu'elle se présenta comme sa petite-amie, sans la moindre gêne. Il se demanda un instant si c'était une façon pour elle de le taquiner, de le mettre dans l'embarras : pas méchamment bien sûr, mais elle devait commencer à le cerner... et si elle le faisait autant qu'il le pensait, elle savait pertinemment qu'il serait toute chose de l'entendre dire ça. Il cacha le rose de ses joues et lui jeta un sourire sincère, que son vieux professeur ne manqua pas de remarquer. Il était surpris, lui aussi : il n'était pas du genre du Coffe de se présenter à un rendez-vous pareil avec quelqu'un d'autre, encore plus une jeune femme sous le charme de laquelle il semblait placé. Il ne la connaissait pas : elle n'était pas d'ici. Une étrangère ? En tout cas, elle était pétillante. Bien moins méfiant que le vieux docteur, qui avait gardé pour lui les tenants et aboutissants de leur rencontre, le chef plusieurs fois étoilé était tout simplement content pour ce jeune mioche. Tant que cela ne lui faisait pas perdre de vue ses objectifs professionnels !

- Eh bien...

La proposition était tombée. Comment aurait-il pu refuser ? C'était une occasion en or, rare, qui lui permettrait de décupler ses capacités dans certains domaines. Ce vieux briscard était connu pour ses compétences, sans l'ombre d'un doute. Lidy elle même l'encourageait à participer à ce stage : après tout, ce serait sur cette île, certes... mais... il avait commencé à envisager l'éventualité de la suivre lors de son voyage. Il craignait son manque, son absence. L'idée était plantée dans son esprit, l'idée d'une séparation qui risquerait de lui faire du mal. Il voulait... il ne savait pas exactement. Juste... l'accompagner ? Puis voir ensuite ? Il hocha doucement de la tête. Cela ne rimait à rien et il le savait.

- ... j'accepte. Oui, j'accepte ! Il faut savoir étendre ses capacités et puis... je suis certain que ça me sera utile et que ça fera des heureux. Je serai ravi d'apprendre auprès de vous, chef Mobidic.

- À la bonne heure ! Tu vois ? Je t'avais bien dit qu'il serait prêt à relever le défi.

- Une très bonne chose. Dont mademoiselle ici profitera, je n'en doute pas une seconde !

Ils rirent de bon coeur tandis que le Coffe lui jetait un regard, envieux, amoureux, mais un peu triste. La réminiscence de son passage éphémère ne le mettait pas à l'aise. Il continuerait de converser avec les deux chefs et sa douce, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, avant de laisser les anciens à leurs affaires. Il voulait passer du temps avec elle et, en tout état de cause, se rappeler que rien n'était éternel lui avait donné un sentiment d'urgence. Il ne voulait pas gaspiller une seule minute : la journée et le monde leur appartenait à nouveau, aujourd'hui. Alors que faire ? Rentrer chez lui, afin de faire le point et de manger quelque chose... s'ils étaient assez raisonnables pour en rester là ? S'offrir le luxe de manger en ville ? L'idée de faire une randonnée en extérieur continuait de le tarauder : il était certain que la fluette jeune femme apprécierait cet effort, surtout lorsqu'elle aurait l'occasion de voir le sommet. Il commença à prévoir cela pour plus tard. Pour l'heure, il était temps pour eux de retrouver un peu d'intimité. Comment ça, ils en avaient assez ?

Et puis... quelques câlins leur permettraient peut-être de s'exprimer plus librement sur ces quelques points qui restaient en suspens. À moins que la douce drogue à laquelle il s'était abandonnée ne l'endorme à nouveau, paisiblement, dans ce rêve éveillé dont il ne voulait pas s'extirper...


- Trois jours plus tard... -


- J'ai été bien guidé...

Nouveau sourire charmeur qui conclut cette réponse à un autre compliment. Sa tête plongea à nouveau dans un paradis secret dont elle lui avait récemment appris à arpenter les sentiers avec plaisir, attention et tact. Malgré toutes les inquiétudes qu'il avait pu éprouver, la simple présence de cette merveille dans sa vie l'avait rendu euphorique plus d'une fois. Maintenant, il ne comptait plus s'arrêter. Et, dans toute la torride application qu'il était capable de mettre en oeuvre, il lui rendait désormais avec une intensité sans pareille le fruit de ce qu'elle avait pu lui apprendre. À l'aimer. À la caresser, à manipuler ses courbes et son corps avec un doigté si précis qu'il en avait fait un exercice conscient et stimulant. Il révérait son corps de déesse, qu'il savait sien, à chaque fois qu'il en avait l'occasion. Nom de dieu, ce que c'était bon... en espérant que...

... quelqu'un ne toque pas à la porte.

Knock knock knock...



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"Are you a man... or a monster ?"

Heziel Coffe
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Lidy Olsen
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Nous portons un masque [25]


- ELLE EST EN TRAIN D’ACCOUCHER !!!

La voix familière à présent de l’assistante vétérinaire résonnait devant la maison de Heziel. Lidy y avait finalement déposé ses affaires pour libérer sa chambre tandis que le festival à présent terminé laissait derrière lui une impression de vide, mais aussi d’espace. Les stands se démontaient encore tandis que les derniers navires partaient de l’île avec à leur bord les principaux voyageurs qui avaient fait le chemin. Normalement, la Olsen aurait dû partir avec un de ces bateaux. Si elle avait parfois l’impression qu’un regard pesant la dévisageait, ces derniers jours, elle n’en fit pas part à son amant. Celui-ci était encore en train de la reluquer au moment où la porte reçut l’innommable coup. Elle sursauta, retint sa respiration et se tourna en direction du jeune coq. D’abord de l’inquiétude, puis un visage déformé par une joie immense, un soulagement pesant.

- Oh, Heziel ! Il faut qu’on y aille !

Elle se saisit d’un pantalon sur le sol et le balança sur le cuisinier. Elle-même prit à peine la peine de s’habiller. Elle déboula de la maison et suivit l’assistante qui était tout aussi enthousiaste, et pourtant inquiète. La Olsen avait l’air concentrée : en réalité, elle lisait les pensées de cette personne qui avait avec elle des informations cachées. La lapine stressait, elle était si stressée de mettre bas que son accouchement ne se déroulait pas dans des circonstances idéales. L’idée que les choses puissent mal tourner défia l’instinct maternel que la Olsen pourrait, dans un futur très lointain, posséder. Elle s’élança pourtant de plus belle et arriva, rouge de sueur, près de l’animale en plein accouchement, sur la paille de l’étable où elle était gardée due à sa taille.

La jeune femme vint se mettre aux côtés de la lapine et lui caressa doucement la tête tandis que le travail s’effectuait péniblement. « Si ça continue ainsi, elle va les perdre. » pensait le vétérinaire sans le dire. Quant à la créature de Drum, elle ressentait un stress si intense que l’ancienne hors-la-loi ne put que présumer de la dangerosité de la situation.

- Heziel, viens là et caresse-la par ici. Elle appréciera. Chut, ma douce, tout va bien aller. Ne t’en fais pas, tu feras une super maman, tes bébés iront bien. Je ferai tout pour que tu puisses vivre, à Drum. Souviens-toi des paysages enneigés.

Cette pensée rassura un instant la lapine. La Olsen continua dans cette voix-là : elle raconta ses propres souvenirs de Drum, et les combina à des choses qu’elle ne connaissait pas. Les stalagmites des cavernes, les portées dans les grottes, tout était si bien, si beau. Et quand finalement l’accouchement arriva à son terme, quelques heures plus tard, elle avait donné naissance à une belle portée de lapereaux : trois en tout. Finalement, les sueurs froides de cet accouchement s’évaporèrent.

Quand ils quittèrent l’étable pour laisser la jeune maman se reposer, les deux amoureux avaient sûrement eu leur lot d’émotions pour la journée. Lidy se retourna alors vers le Coffe, inspira un instant et lui dit sur un ton sérieux :

- Je vais chercher un emploi sur l’île. J’ai vu qu’il y avait un poste à la librairie, et… Je vais leur demander. J’ai entendu dire qu’ils pouvaient attendre un peu, alors… Voilà.

Elle sourit. C’était un véritable engagement. Commencer à se sédentariser. Elle savait que Kain voudrait venir le chercher, un jour, mais en attendant… En attendant, elle serait certaine qu’il serait ravi de cette décision. Une double joie dans la journée.

Et les jours continueraient de passer. La montagne, l’entretien, la réussite de l’entretien. Et leurs sourires, leurs embrassades, l’amour. Le jour du départ ne viendrait qu’une semaine plus tard. Ils avaient encore le temps. Ils avaient encore tout le temps du monde.

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Lidy Olsen
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