Feuille de personnage Niveau: (18/75) Expériences: (0/60) Berrys: 18.000.000 B
Sam 4 Mar - 0:16
Rudra D. Khan
Nom :Khan
Prénom :Rudra D.
Surnom :Banshee / Famine (récemment)
Âge : 25 ans
Sexe :Masculin et inexploré
Race :Trois-yeux / Triclope (?)
Lieu de naissance :Une petite île de South Blue
Camp :Piraterie
Métier :Navigateur
FDD / Arme :Ito Ito No Mi - Fruit du Fil
Équipage :Apocalypse
Buts / Rêves :Trouver un havre de paix / Eradiquer les humains
Description Physique
Perché tout en haut du mât de son navire, emmitouflé dans un cocon de tissu pour ne laisser dépasser qu’une partie de sa tête, un jeune homme regardait les étendues azurées de l'océan s'étalant à perte de vue tout en se mordant les lèvres jusqu’au sang. Lorsqu’on était habitué à cet énergumène, on se rendait vite compte que ce genre de comportement était plus que léger, comparé à d’habitude. En effet, s’il y a bien un endroit où il se sent en sécurité, c’est bien sur son point de vue favori, tout au sommet d’Augure. Il accaparait ce coin principalement pour deux raisons : Pouvoir observer le danger de très loin pour l’anticiper et l’éviter, mais également pour n’avoir à parler à personne ou se limiter au minimum syndical. Si vous êtes là vous le savez sans doute déjà, mais il s’agit bel et bien de Rudra D. Khan.
Même s’il est difficile, voire impossible de deviner correctement sa corpulence en raison de ses habits, on peut au moins se rendre compte de sa stature. Dépassant les deux mètres, il reste tout de même dans la moyenne, au vu de tous ceux arpentant les océans. Toutefois, lorsqu’il finit par sortir de son cocon et en dépit de toutes ses couches de vêtements, on remarque rapidement son corps famélique, le faisant ressembler à un phasme humanoïde surdimensionné. Sous sa première épaisse couche de textile s’y trouvent beaucoup d’autres. Manteau, chemise, t-shirt, écharpe, pantalon, bas, bandage, chaussettes, sous-vêtement, tout ça en plusieurs exemplaires afin de le couvrir de la tête aux pieds. Suffisamment de frusque pour provoquer une syncope ou nuire aux mouvements de n’importe qui, mais pour Rudra, c’est bien plus confortable que d’être nu. A l’exception de ses mains, aux doigts longs et minces, comme les ramifications d’un arbre desséché, aucune parcelle de sa peau n’est visible ou exposée à l’air libre dès qu’il a son mot à dire.
Sur le dos de ses mains se trouve un tatouage représentant trois yeux verticaux effilés et placés en pyramide, dessinés avec des traits irréguliers qui en déforment l’expression et provoquent un certain malaise. Si jamais vous arrivez tout en haut de son buste et que par miracle vous parvenez à lui retirer l’interminable pan de tissu noué tout autour de sa tête au niveau de laquelle sont dessinées trois yeux allongés, vous pourrez éventuellement voir son visage. A première vue, rien de si particulier qui mériterait d’être caché de la sorte. Sans être un modèle de beauté, le jeune homme est loin d’être laid et possède des traits assez fins, malgré son menton anguleux. Juste au-dessus se trouvent des lèvres fines, craquelées et sèches, maltraitées par des années d’habitude à se les ronger jusqu’au sang. Sa dentition n’est pas la mieux traitée ou régulière qui soit, mais étant donné qu’il ne sait même pas ce qu’est un dentiste et que dans tous les cas, il ne sourit quasiment jamais et encore moins à l’air libre, cela ne lui a jamais posé le moindre problème.
Le nez de Rudra est tout petit et presque oubliable, au beau milieu de sa face, surtout que le regard est souvent attiré vers ce qui se trouve plus haut : Ses yeux, justement, encerclés de cernes profondes et de cils gracieux. Il en a deux en amande d’un bleu-gris terne, dans lesquels baignent une pupille verticale possédant elle-même une autre pupille noire en son sein. Cela est déjà suffisamment atypique en soi, mais peu de gens s’en rendent compte en réalité car il y a quelque chose qui les en détourne très rapidement. Sur son front, le pirate possède un troisième œil vertical, près de trop fois plus gros que les autres et à l’iris comme l’intérieur de la pupille d’un vert clair profond, somptueux et envoûtant. Il s’agit là de son préféré, car c’est le seul souvenir qu’il possède de sa mère. Si sa vue est parfois obstruée par sa chevelure noire de jais, mi-longue et grasse, ce n’est jamais le cas de son oeil de jade, qui en est au contraire parfaitement entouré, comme s’il s’agissait d’une oeuvre d’art au beau milieu d’un cadre d’ébène. Ses cheveux ont blanchi à plusieurs endroits et au fur et à mesure, ces décolorations capillaires ont formé des dessins abstraits, ressemblant à des représentations minimalistes d’yeux verticaux.
Sa musculature et son poids n’ont jamais été impressionnant et ce, depuis sa plus tendre enfance. En dépit de tout ce qu’il pouvait manger et de tout le dur labeur qu’il abattait régulièrement, il ne prit jamais le moindre gramme. Cependant, à l’instar d’une fourmi, l’étendue de la force qu’il est capable de déployer en étant si filiforme pourrait en surprendre plus d’un, même si le pugilat est loin d’être son domaine de prédilection. C’est ce qui l’a notamment mené à utiliser des armes blanches et de jet, dont il possède tout un arsenal escamoté sous ses vêtements et dont le bruit trahit assez facilement ses arrivées et déplacements.
Totalement névrosé, Rudra démontre une quantité impressionnante de toc en tout genre et possède des sens très aiguisés. Outre le simple fait de se ronger les lèvres et les ongles quasi constamment, il en possède de nombreux autres dont les manifestations sont plus ou moins importantes selon son niveau de stress et lui permettent de s’apaiser. Toucher le bout de ses doigts à l’aide de son pouce selon des séquences précises, dénombrer avec précision tout ce qui peut se trouver dans une pièce dans laquelle il rentre pour la première fois, remettre en place en permanence les objets de son quotidien dès que ceux-ci bougent du moindre millimètre ou encore se répéter en tête sept fois tout ce à quoi il pense avant de le formuler à voix haute et bien d’autre.
Vous l’aurez bien compris, il s’agit là de quelqu’un d’étrange et ce même à vue d'œil et pour n’importe qui. Toutefois, ce que beaucoup ignorent ou à quoi ils préfèrent éviter de penser, c’est qu’il ne s’agit là que de la face visible de l’iceberg de démence qu’est Rudra D. Khan.
Description Mentale
Rudra est un être torturé, morcelé et particulièrement instable. La majorité de ses décisions, de ses interactions et de sa vie n’est gouvernée que par une seule et unique émotion : la peur. La peur de manquer de quelque chose, la peur de souffrir, la peur de la mort, la peur de soi et surtout la peur des autres.
Depuis tout petit, il n’a jamais connu de situation confortable et a toujours vécu dans la précarité. Cela a développé chez lui un véritable pouvoir de réflexion ainsi qu’une bonne capacité à rationaliser des situations, mais également une anxiété incroyable car peu importe sa situation, il pense que celle-ci peut toujours empirer jusqu’à devenir intolérable. De ce fait, il est souvent la proie de crises d’angoisse voire de véritable panique, qui peuvent se déclencher par le biais d’actions parfois anodines et dans ces moments là, il ne répond plus de rien. Le pauvre triclope excècre la confrontation, autant dans l’affrontement pur et dur que dans le social, ce qui lui a appris à maîtriser d’autres approches importantes à sa survie, comme la fuite, la manipulation et le mensonge. Cependant, s’il est acculé, ses instincts de survie échappent à tout contrôle et lui fait régler ses problèmes par la manière forte. S’ils disparaissent, alors, il n’a plus rien à craindre. Au fil du temps, il a découvert que prendre la vie de ce qui l’effraie a le don unique de l’apaiser et lui faire oublier ses soucis, même brièvement.
Suite à plusieurs traumatismes, il en est venu à détester amèrement le genre humain, qui déclenche chez lui un véritable sentiment désagréable, mêlé de frayeur, de dégoût et de haine. Etant donné que ses représentants ont été la source de tous ses malheurs, l’humanité est pour lui le plus grand danger qui existe pour sa personne et c’est tout naturellement qu’il en est venu à la conclusion qu’il se porterait bien mieux si tout le monde pouvait juste avoir la gentillesse de périr dès que possible. Bien évidemment, il fait lui-même sa part du travail mais se lamente parfois du temps et du danger que tout cette entreprise représente réellement pour un pauvre type comme lui.
Cela ne veut pas dire qu’il hait tout le monde car les autres races qui peuplent le monde sont pour lui bien plus dignes de confiance, d’autant qu’ils ont souvent connu un traitement similaire ou pire que le sien aux mains des mêmes bourreaux. Qu’il s’agisse d’hommes-poissons, de minks, de célestes ou de toute autre chose, il y est tout de suite bien plus réceptif, ouvert d’esprit et bien que ça ne change en rien ses autres problèmes caractériels, il a horreur de les voir maltraités et n’hésite pas à s’interposer pour leur porter secours, même si sa bravoure n’est jamais de longue durée. Bien habitué à être seul à éviter quiconque, lorsqu’il essaye de parler à quelqu’un, il n’a aucune idée de la façon dont il doit s’y prendre ou même des codes fondamentaux qui régissent les intéractions sociales. Les choses sont déjà suffisamment compliquées avec un seul interlocuteur, alors lorsqu’il se retrouve au milieu d’un plus grand comité voire, Dieu l’en préserve, d’une foule toute entière avec qui interagir, c’est la panique à bord. Alors, bien qu’il ait choisi la plupart du temps de rester silencieux et de tenter de se faire oublier, souvent en vain, il lui arrive également de prendre son courage à deux mains pour tester des choses, tenter de trouver la solution passe-partout, qui marcherait à tous les coups.
Malheureusement, ses tentatives sont souvent infructueuses, voire complètement contre-productives. C’est sans doute pour cela que les êtres vivants qu’il préfère au monde sont les animaux. Eux, il arrive à les comprendre. Avec eux, pas de mystère, pas de faux semblants ou de tromperie. S’ils sont menaçants, ils le montrent sans s’en priver et s’ils ont envie de quelque chose également. Des êtres purs et remarquables, qu’il envie de tout son cœur. Rudra est d’ailleurs capable de comprendre converser avec les animaux comme s’il parlait leur langage. En tout cas, c’est ce qu’il proclame à qui veut bien l’entendre et soutient en toute circonstance, convaincu lui-même qu’il dit la vérité. Peu importe de qui ou quoi il s’agit, lorsque Rudra trouve quelqu’un à qui il tient et sur qui il peut compter, il est capable de déployer des efforts considérables pour cette personne, pouvant même s’opposer a minima à sa propre couardise. Cela peut sembler partir d’un bon sentiment, mais la véritable origine n’est rien d’autre que la peur, évidemment, mais aussi de l’égoïsme. Ces êtres sont si peu nombreux et éphémères qu’il serait terrible d’en perdre ne serait-ce qu’un seul, après tout.
Qu’il s’agisse d’alliés ou non, Rudra déteste le contact physique et la nudité plus que tout, que ce soit pour les autres ou pour lui, ce qui explique en partie la multitude d’habits qu’il porte toujours sur lui. De ce fait, il a développé un style de combat se reposant principalement sur l’usage de son fruit, de projectiles ainsi que de pièges en tout genre pour rester à distance et lorsqu’il est absolument obligé de se retrouver au corps-à-corps, celui des armes blanches. Monsieur Khan est un pleutre, un couard, certes, mais c’est loin d’être un idiot ! Au contraire, il est capable de bien des efforts pour éviter le moindre risque et prépare toujours plusieurs coups et surtout échappatoires prévus d’avance. Même si son esprit est purement chaotique, verbaliser ce qu’il a en tête l’aide beaucoup à accélérer et visualiser sa réflexion mais étant donné qu’il n’aime pas prendre la parole en public ou exposer ses idées, il marmonne souvent de longs monologues inaudibles pour quiconque d’autre que lui. Tout ça n’aide en rien sa cause pour ceux qui pourraient croire qu’il possède plusieurs personnalités ou quelque chose comme ça, mais c’est loin de la vérité. Rudra parle et discute parfois tout seul ou avec lui-même, mais il a parfaitement conscience d’être “seul dans sa tête”, tout simplement parce que si ce n’était pas le cas, ça aurait été soit un rêve idyllique, soit un cauchemar insurmontable auquel il aurait été incapable de survivre. En tout cas, il l’aurait remarqué et n’aurait même pas eu à se poser lui aussi la question.
Ses inquiétudes peuvent virer à la paranoïa, surtout lorsqu’il doit réfléchir à plusieurs possibilités pour une situation ou un problème. Étant donné qu’il cherche à se préserver à tout prix de la moindre conséquence fâcheuse, il a la fâcheuse tendance à imaginer bien trop loin et à surinterpréter le moindre signal, ce qui lui fait souvent perdre pied avec la réalité de ce qu’il traverse vraiment. Malgré tout, il est un homme étrangement tenace que l’on peut souvent prendre à se lamenter, broyer du noir et imaginer le pire à la moindre complication mais il n’abandonne jamais. Pourquoi ? Car peu importe les difficultés qu’il peut rencontrer, peu importe les obstacles qui se dressent sur sa route… Il craint beaucoup trop les conséquences de l’échec ou de la défaite, qu’il ne voit que comme des moyens de limiter ses options et d’accepter le danger, ce pour quoi il n’a juste pas les épaules.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas un paresseux et l’effort physique ne lui fait pas peur, au contraire il l’aide même à se vider l’esprit. Toutefois, il a tout de même le talent de baisser les bras à la vitesse de l’éclair, dès qu’on lui présente un problème, surtout s’il présente de nouveaux paramètres sur lesquels il n’a pas encore pu se pencher, même s’il se retrouve la plupart du temps contraint à aller jusqu’au bout des choses, majoritairement par peur des les voir empirer. Ayant assez de mal à se mettre à la place d’autrui, il est bien plus doué et à l’aise pour élaborer des stratégies dont il est le centre ou même l’unique acteur, car il connaît mieux que quiconque ses propres limitations. Peut-être même trop bien, parfois, ce qui le rend assez pathétique en matière de bluff, alors qu’il reste paradoxalement un très bon menteur. Même au milieu de ses habituelles crises de panique, il affiche souvent un sourire nerveux et se retrouve régulièrement pris de crises de fou rire hystérique.
Outre ses talents de navigateur, c’est aussi beaucoup pour ça qu’il aime tout particulièrement la place de la vigie. C’est un endroit où il peut être seul et voir tout ce qui se trouve autour de lui jusqu’à l’horizon. Un endroit de choix pour quelqu’un comme lui. Rudra y ramène souvent des montagnes de friandises et de nourriture en tout genre car c’est en dépit de ce que pourrait indiquer sa corpulence, c’est un éternel glouton, même s’il ne grossit jamais. Il passe son temps à se goinfrer, surtout dans ses moments de stress, pour tenter de les apaiser. La nourriture, comme les animaux, est simple à comprendre et ne lui fait pas de mauvaise surprise. Il lui a été facile d’en maîtriser les codes.
En plus de son côté particulier, excentrique même, l’existence du triclope est accablée par une myriade de toc, dont la très longue liste présente notamment une obsession pour les chiffres trois et quatre, respectivement associés à la vie et la malchance, mais il souffre également d’une pathologie lui empêchant de reconnaître les visages et en particulier ceux des humains : la prosopagnosie. Pour parer à cela et alléger l’angoisse intense que cela lui procure, il a développé une technique qui est (selon lui) infaillible : se fier à d’autres spécificités pour différencier les gens. Ainsi, il est devenu expert dans l’art de discerner la corpulence, les mensurations ou même les habitudes vestimentaires, gestuelles ou comportementales des autres. Après tout, son tempérament craintif et ses triples mirettes ont toujours fait de lui un observateur hors pair.
Maintenant que vous en savez davantage, nous allons pouvoir rentrer dans le vif du sujet, son histoire. L’origine de cet être singulier et la raison derrière toute sa personne.
Histoire
Chapitre 0 : Zensai - Mise en bouche
Une jeune femme écarte la végétation qui la gène. Ses pieds écorchés piétinent la terre humide. Quand bien même, elle continue sa course, poursuivie depuis l’aube par elle ne sait quelle bête de la brousse. Son souffle est à bout, elle s’économise. Elle entend les branches qui craquent sous leurs pas, elle accélère, décidée à ne pas faire partie du repas. Impossible d’échapper, elle se fait avaler dans l’estomac d’un gigantesque oiseau blanc. Du sang lui brouille la vision, ses poignets sont ferrés, elle voit au loin s’éloigner la forêt qui entoure son village adoré. L’odeur de la poudre et du sang lui fait grincer les dents et lui retourne l’estomac, alors que dans la pénombre, elle peut voir un visage qu’elle ne connait très bien mais dont la vision lui fait monter les larmes. Il s’agit de Vatu, lardé de cicatrice et recouvert de sang, les orbites vidées et pleurant des larmes cramoisies. Il tend vers elle un bras calciné et elle se retrouve figée sur place, incapable de respirer. Elle veut fermer les yeux mais en est incapable et se retrouve à fixer les trois cratères où se trouvaient anciennement les belles pupilles de son aimé. Il lui attrape la manche et un haut le coeur retourne l’estomac de la jeune femme, surprise par un frisson glacial qui lui parcours l’échine lorsqu’elle entend finalement la voix d’outre-tombe qui s’extirpe des lèvres de son amour.
« Maaaaara ?! Maaaaraaaaa ?! »
Dans un sursaut et un cri strident, Mara ouvrit les yeux d’un coup en se redressant sur son séant, le corps transpirant, en proie à des spasmes incontrôlables. Son regard croisa rapidement celui de Vatu, penché à son chevet avec un air inquiet, la main posée sur l’épaule de sa promise. Il voyait cette dernière tenter tant bien que mal de retrouver son souffle et essayait de dénombrer toutes les fois où il l’avait vue souffrir de tels cauchemars.
« Mara ? C’est déjà la quatrième fois cette semaine… »
Le troisième œil de l’intéressée passa la pièce au peigne fin, chaque centimètre qu’elle parcourait lui permettant de se rasséréner et d’oublier ce qu’elle avait vu dans son sommeil. Suite à un petit rire forcé, elle affiche un sourire rayonnant avant de se pencher en avant pour déposer un doux baiser sur le nez de Vatu.
« Ce n’est rien, mon coeur. J’ai fait un cauchemar, rien de plus. » Le rassura-t-elle avec tendresse.
Mara D. Khan était de la race des trois-yeux, une triclope, comme tout le monde sur sa petite île natale, un bout de terre discret et tranquille perdu dans les blues et n’existant que sur les cartes de véritables experts, maison d’indigènes paisibles. Ils n’étaient pas très nombreux mais chacun d’entre eux contribuait à la vie de toute leur communauté. Mara et Vatu étaient tous les deux paysans et boulangers et à l’instar de tous leurs congénères, leurs vies étaient rythmées par le travail et les corvées du quotidien. Ils se levaient et se couchaient tôt mais s’ils avaient peu de temps libre, tous les habitants étaient bien soudés et n’avaient pas à se plaindre de leur condition.
Bien que ce soit assez rare, il arrivait que des étrangers débarquent sans forcément savoir où ils avaient mis les pieds et le phénomène ne surprenait plus personne désormais, c’était au contraire toujours bien vu par les locaux qui y voyaient un divertissement bienvenu après la monotonie d’une longue journée de labeur, surtout pour les plus jeunes. Mara était réputée même parmi les siens pour posséder d’impressionnants dons divinatoires et il lui était arrivé de faire des séances pour certains étrangers curieux. Il arrivait même que certains reviennent ou arrivent sur les recommandations d’un proche, spécialement pour ses consultations, ce qui lui avait permis d’établir un second commerce assez lucratif dont elle fit profiter tous les siens.
Une fois levée et préparée, elle alla retrouver Vatu qui l’attendait sur le pas de la porte avant de sortir à l’air libre. Ils vivaient sur la plus haute colline de l’île et leur terrain était le plus grand qui s’y trouvait, étant donné qu’ils étaient les principaux éleveurs du coin. Un soleil chaleureux vint caresser le visage de la belle, qui s’étira en baillant bruyamment.
Soudain, une impression malaisante s’empara de tout son être, comme si des doigts congelés lui avaient attrapé la colonne vertébrale. Elle déglutit difficilement, sentant les frissons lui revenir sous la peau comme une armée de fourmis affolées.
Tiens, encore des touristes ? Se demanda Rudra, le regard porté au loin et utilisant sa main comme visière pour faire barrière aux rayons du jour.
Mara ouvrit uniquement son troisième œil, lentement, pour dévoiler sa magnifique iris d’émeraude. Au loin, elle pouvait parfaitement voir plusieurs frégates sur lesquelles s’affairaient de nombreux marins. Sur le pont, on pouvait voir le reflet d’un armement lourd et nombreux, bien au-dessus de ce qu’ils avaient l’habitude de voir dans leur coin des mers. Les vaisseaux affichaient les couleurs d’un drapeau bleu et blanc, sur lequel figurait la représentation minimaliste d’une mouette.
A toute hâte, elle se rua en direction de la ville sans même entendre Vatu qui se lança à sa poursuite en essayant de comprendre sa réaction. Elle avala la distance comme si de rien n’était, coupant à travers champs et fourrés en repoussant vivement la végétation, un véritable feu commençant à lui dévorer la poitrine sans qu’elle ne ralentisse l’allure une seule seconde, incapable d’apaiser le pressentiment néfaste qu’elle avait eu en apercevant les navires au loin. C’est plusieurs dizaines de minutes plus tard qu’elle arriva finalement au village, exténuée. Elle ne remarqua pas une racine tordue sur son passage et trébucha dessus, pour s’étaler avec sur le sol avec force et fracas, de tout son long. Légèrement sonnée et la mâchoire endolorie, Mara haletait avec force mais ne s’en rendait pas compte, tant le bruit du sang lui battant dans les tempes était assourdissant.
Au loin, la native pouvait voir que les bateaux avaient été plus rapides qu’elle. Les équipages avaient déjà débarqué et même commencer à rassembler du monde. Certains essayèrent de s’échapper mais se faisaient rapidement rattraper par les hordes en bleu et blanc, qui les mattaient par l’acier ou le plomb, afin d’en faire des exemples pour tous ceux qui auraient voulu les imiter. En se relevant difficilement, la voyante se rappela la sensation qu’elle avait eu au réveil ainsi que ses premiers mots de la journée.
« Mon Dieu… Qu’est-ce que c’est que ça..? » S’exclama Vatu qui avait fini par la rattraper au bout de quelques minutes.
Hagen, l’un des pêcheurs qui habitait dans le coin, surgit de derrière un talus en courant tant bien que mal, dégoulinant de transpiration et de sang, sa bedaine garnie se balançant au rythme de son trot effréné. Il leva une main en direction du jeune couple qui se pencha en avant malgré la distance, prêt à se lancer en avant pour venir en aide à leur camarade qui pourrait sans doute leur apporter davantage d’informations sur le drame qui était en train de se produire sur leur propre coin de paradis. Un bruit assourdissant retentit dans dans la plaine alors qu’une flopée d’oiseaux s’envolèrent de leur perchoir en piaillant, dérangés par une déflagration effroyable. Sans prononcer le moindre son, Hagen s’écroula sur le sol dans une chute macabre et ponctuée d’un bruit sanguinolent. Derrière lui se tenait un homme qui tenait une arme fumante et inconnue des indigènes, qu’ils apparentèrent à un bâton de foudre. Tout se déroula très vite et de manière confuse.
L’inconnu se rua sur eux et Vatu l’imita aussitôt. Mara hésita un instant et passa la main à son ceinturon, qu’elle palpa nerveusement avant de se rendre compte qu’elle avait laissé son bâton, seule arme qu’elle maîtrisait un tant soit peu, chez elle. Vatu n’avait rien d’un guerrier mais il était bien bâti et ne connaissait pas la peur. Il tacla son adversaire avec force pour l’amener au sol mais celui-ci l’arrêta dans sa course avant de lui administrer un coup de genou bien appuyé dans le ventre. Il essaya d’enchaîner avec un coup à l’arrière du crâne mais le paysan se releva en lui administrant un coup de tête en plein dans le nez, qui émit un réjouissant son de craquement. Ils en vinrent aux mains et avant que Mara n’ait le temps de venir lui porter secours, son fiancé trancha la gorge de son opposant d’un coup de serpe.
Les réjouissements furent de courte durée car à peine relevé, une nouvelle déflagration retentit et creusa le torse du pauvre homme, qui s’effondra au sol en hurlant, toujours en vie mais mal en point. Toute une escouade arriva en courant à toute allure tandis que la diseuse de bonne aventure essayait de relever son homme pour fuir, en vain. Un coup de crosse la cueillit à la tempe et la coucha au sol, drapant sa vision et sa conscience dans un drap noir et opaque.
« On t’a dit pas le visage, surtout pour les poulettes ! T’es con ou quoi ? » « Et celui-ci, alors ? » « Ramène le et on verra, il a l’air en forme, au moins. »
Puis, plus rien. Juste une tonalité stridente et monotone qui remplaça son audition ainsi que tout ce qu’il restait de son univers, tandis qu’elle plongeait dans les méandres de l’inconscience. Dans un dernier sursaut d’éveil, son cerveau lui recracha ses propres mots en écho, comme s’ils venaient de très loin. Presque trop pour être audible et pourtant, elle entendit tout très distinctement.
« “J’ai fait un cauchemar.” »
Chapitre I : Horonigaidesu - Doux-Amer
Claudiquant jusqu’au balcon, un gamin en guenilles tenait un plateau d’argent à bout de bras, sur lequel se trouvait une théière et une tasse, le tout dans une porcelaine assortie vieillote mais visiblement couteuse. Le garçon ne portait qu’un pagne simpliste qui semblait usé mais avait au moins le mérite d’être propre, ce qui laissait parfaitement voir ses longs bras ainsi que le bas de ses jambes rachitiques, qui allaient parfaitement avec son ventre creux qui laissait deviner l’ossature de sa cage thoracique. Il s’y trouvait également plusieurs bleus tout comme sur ses membres et son buste, qui ressortaient de manière criarde sur sa peau blafarde. Son dos était lacéré et présentait de nombreuses cicatrices. Il déposa le plateau sur une table à côté d’un homme assis dans un fauteuil luxueux, sans oser croiser son regard, il gardait le sien au niveau de ses jambes pour essayer de voir quelle serait sa réaction. Le petit homme n’avait pas l’air serein et se rongeait nerveusement la lèvre inférieure qui était déjà ouverte à bien des endroits.
« Et bien, tu n’as rien fait tomber cette fois Rudra ? Tu vois, quand tu veux. » Déclara Egol, en baissant la main en directement du marmot.
Celui-ci eut un réflexe de peur et ferma chacun de ses trois yeux tout en levant les mains pour se protéger comme il le pouvait. Le pirate passa sa défense sans le moindre effort et lui ébouriffa les cheveux de manière distraite, sans même le regarder. Egol Rakham était un ancien pirate reconverti en mafieux, qui prétendait venir d’Elbaf mais être né humain à cause d’une ancienne malédiction. Même si personne n’y croyait vraiment, ce salopard était non seulement très fort mais aussi tellement vicieux et rancunier que personne n’osait lui faire la moindre remarque à ce sujet et ses subordonnés allaient même jusqu’à en rajouter une couche avec des acclamations et des confirmations dès que le boss de les bassiner avec ses origines. Depuis qu’il avait arrêté d’écumer les mers, Egol vivait sur une île de South Blue dans son ancien galion pirate qu’il avait fait placer en haut d’une colline pour le réaménager en manoir.
Lors de ses voyages, il avait acheté Mara D. Khan à une de ses connaissances qui tournait dans les strates les plus corrompues de la marine, avant d’en faire sa maîtresse. Elle lui donna un enfant, pour lequel il n’avait pas la moindre once d’affection et il refusa de le reconnaître, laissant donc sa mère le nommer, c’est ainsi que naquit Rudra D. Khan. Les années passant et aucune prétendante ou réponse à ses avances ne semblant pointer le bout de leur nez, il se résolut à en faire de Mara sa femme et changea le nom de son fils pour en faire un authentique Rakham, même si sa façon de le traiter ne changea guère au début. Toutefois, c’est le caractère de sa mère qui permit au gamin de souffler un peu. Elle avait toujours eu un fort caractère mais à l’usure et avec son statut officiel, elle avait réussi à faire plier son mari pour qu’il arrête de maltraiter leur enfant. Plus de fouet ou autre instrument, plus de coups sous des excès de colère. Rudra n’était bien sûr pas à l’abri d’une bonne tartine dans la bouche ça et là, mais il ne s’en sortait pas si mal.
Egol dénotait énormément à côté de son fils dans son vêtement d’esclave, car il était habillé très chichement, de manière ostentatoire et presque vulgaire. Il portait un manteau de terrible facture mais qui faisaient tout de même distingués mais incroyablement kitsch, avec des associations de mauve et de broderies dorées, assorti à ses pantoufles, le reste de son ensemble et même sa pipe. Étant donné qu’il ne pouvait plus aussi bien servir de sac de frappe qu’avant, Rudra avait été relégué au rang de serviteur personnel qui répondait aux exigences de son père. Cela passait non seulement par le fait de le servir dès qu’il en avait besoin, si possible rapidement et sans rien casser ou faire tomber pour éviter de se prendre un revers, mais aussi de nettoyer sa chambre et lustrer le bateau tout entier, s’entraîner avec Egol au pugilat ainsi qu’au maniement de plusieurs types d’armes (ou plutôt, participer contre son gré à une excuse pour le frapper en toute légalité) et le ramener dans son lit lorsqu’il tombait ivre mort. Très souvent, les hommes de main de son paternel se moquaient de lui à cause de ses yeux et le tourmentaient sans relâche.
Sa vie était certes atroce mais ce qui lui permettait de tenir était les rares moments qu’il avait la chance de passer avec sa mère. Elle était d’une tendresse sans bornes et le défendait toujours lorsqu’elle était là et quand ils n’étaient que tous les deux, elle lui racontait des histoires sur leur île natale et toute la famille là-bas qu’elle voulait lui présenter. De par son statut, elle avait droit à certaines faveurs et dépensait nombre de celles-ci en sucreries et en nourriture pour son fils, non seulement parce que cela le ravissait mais aussi parce qu’elle espérait mettre un peu plus de peau sur ses frêles os. En plus de ça, elle essayait de développer son intellect ainsi que le maniement d’armes plus adaptés à sa taille et son poids, elle-même ayant toujours eu un faible particulier pour les bâtons et les couteaux.
« Tch, je t’avais ben dit de ramener un d’mes cigares, non ?! Qu’est-ce tu fous ? » Cracha Egol en attrapant la tignasse de son môme, le faisant sortir de ses courtes rêveries.
« N…Non, tu m’as rien dit… J’y vais to… to… tout de suite. » Balbutia Rudra en grimaçant de douleur tout en se tendant autant que possible sur la pointe de pieds pour ne pas se faire arracher les cheveux.
Avec un grommellement agacé, le pirate se renfonça tout au fond de son siège en relâchant sa prise, avant de faire signe à son serviteur de se dépêcher s’il souhaitait éviter une mandale.
« Dans l’coffret qui est dans ma cabine. »Grogna-t-il dans sa barbe. « Assure-toi qu’il soit bon, sinon… »
Rudra s’y rendit d’un pas décidé et arriva très rapidement dans les quartiers de son paternel. Il n’y était rentré que très rarement et n’avait encore jamais vu de cigare de sa vie car Egol en avait reçu pour la toute première fois, des prétendus bijoux qu’il avait payés les yeux de la tête. En conséquence, le pauvre gosse ne savait pas du tout ce que ça pouvait être mais n’avait pas osé le mentionner, de peur que les explications ne viennent avec un supplément de tarte dans la gueule. Il se mit à fouiller les locaux frénétiquement en s’efforçant de bien tout remettre à sa place pour la même raison qui rendait ses recherches si difficiles et finit par débusquer un petit coffre dans une armoire, dans lequel il trouva une énorme poire nacrée à la tige rougeâtre, bariolée de spirales en tout genre.
« Woaaaah ! Ça a l’air bon ! »S’exclama le petit gourmand en salivant devant ce “cigare”.
Il s’essuya le menton à l’aide de son poignet et attrapa le fruit par la tige, refermant le coffre puis le placard avant de repartir à petite foulées en direction de son maître avec empressement, avant de piler tout net lorsqu’il se remémora les ordres qu’on lui avait aboyés. Son estomac choisit ce moment précis pour se mettre à gargouiller avec un large sourire déformant les traits de Rudra, dont les trois yeux étaient rivés sur le fruit à l’air si délicieux qu’il tenait dans la main.
Ouvrant la bouche à tel point qu’il sembla s’en démonter la mâchoire, il prit un croc énorme sur cet aliment exotique et juteux qui devait ravir ses sens. Malheureusement, alors qu’il pensait pouvoir faire confiance à la nourriture et à ses capacités de discernement, il existe toujours une exception à n’importe quelle règle. Il grimaça de dégoût en sentant que ce qu’il avait ingéré était effectivement juteux mais pourtant très sec et surtout incroyablement amer, désagréable. Un mélange de moisissure et de poussière. Malgré tout, aussi difficile que ça put l’être, il avala entièrement sa bouchée en sentant des larmes lui perler au coin des paupières. Pour le peu qu’il avait, ce n’était pas un gamin qui pouvait se permettre de gâcher quoi que ce soit.
Désappointé, il arriva finalement devant Egol en traînant les pieds et posa mollement le fruit entamé sur son plateau, le visage tourné vers le sol avec un air terriblement désolé, malheureux.
« Je pense que ton cigare est pourri mais j’en ai pas trouvé d’autres dans la cabine…» Murmura-t-il en tremblant.
Le vieux flibustier ne comprit pas tout de suite de quoi voulait parler son fils, qu’il avait toujours jugé être un peu con et une déception constante, qu’il n’écoutait généralement qu’à moitié. Toutefois, l’information finit par se faire un chemin jusqu’à son cerveau fatigué lorsqu’il baissa son centre d’attention pour se resservir un verre et se retrouva face à nez au méfait de son rejeton. Egol commença par lever un sourcil, intrigué, avant de retourner son trésor pour voir que celui-ci avait déjà été largement entamé. Son front et ses tempes virèrent instantanément au rouge vif alors qu’il se mit à serrer durement la mâchoire, faisant apparaître des veines translucides sur son cou épais.
« Non… Non… Mais c’est pas possible de voir des CONNERIES PAREILLES ! » Hurla le vieil homme, à s’en rompre les cordes vocales.
D’un geste purement instinctif, il envoya valdinguer la table plusieurs mètres plus loin d’un puissant coup de pied, défonçant la balustrade qu’il y avait juste derrière dans le même temps. Il se releva d’un bond et ni une ni deux, le dos de sa main s’étala en pleine joue de Rudra qui n’avait rien eu le temps de voir venir, l’attention accaparée par la dégradation du manoir qu’il allait devoir réparer par la suite, celle-ci se déformant lourdement sous l’impact puissant de la claque renforcée par plusieurs grosses bagues et chevalières grotesques. Son corps tout entier l’abandonna et il s’étala avec suffisamment de force sur le sol pour craquer le plancher et rebondir plus loin, finissant par rouler par terre en gémissant de douleur, incapable de comprendre ce qui venait de se passer ou de discerner le haut du bas.
« J’vais te saigner, p’tit merdeux ! Tu t’es foutu de’ma gueule pour la dernière fois ! »
Comme un ours, son père se rua sur lui en faisant trembler tout le Bloody Merry. Il n’avait peut-être pas la carrure d’un géant mais il n’en restait pas moins un sacré spécimen très imposant même pour n’importe quel adulte alors devant un jeune enfant, c’était comme se faire charger par une véritable montagne. Sans s’arrêter une seconde dans sa course, Egol souleva son fils du sol par le cou, qu’il commença à serrer de toutes ses forces. La vision était revenue au garçon mais cela ne semblait pas être fait pour durer car elle commençait rapidement à être obstruée de points noirs. Ce n’était pas pour lui déplaire, car face à lui se trouvait la gueule béante de son père et ses pupilles injectées de sang sous l’effet de la rage.
Le visage du garçon tourna au bleu alors qu’il commençait à sévèrement manquer d’air et il sentit quelque chose de désagréable mais également un brin familier. Cependant, c’était bien la première fois qu’il le ressentait de manière aussi intense, en proie à une vive terreur, il se débattait autant que possible en pédalant dans le vide et en essayant de gargariser des excuses. Ce sentiment, c’était celui de la vie qui commençait à le quitter, celui du drap de la faucheuse qui commençait à l’envelopper fermement pour éteindre sa flamme et le plonger dans les abysses. Ce sentiment était celui de la peur de la mort et il aurait fait n’importe quoi pour s’en sortir.
« Lâ… che… moi… » Parvint-il difficilement à articuler, les sourcils froncés sur sa face bouffie par le manque d’oxygène.
L’espace d’un instant, Egol eut un mouvement de recul instinctif et desserra sa prise. Son fils en profita pour lever la main dans l’espoir de se libérer mais ne rencontra que du vide, incapable de viser quoi que ce soit correctement. Toutefois, quelque chose s’extirpa de son poignet et fouetta directement son tourmenteur au visage, lui ouvrant une bonne partie de la joue et de l’arcade en lui arrachant un cri de souffrance. La pression sur la gorge de Rudra se relâcha et celui-ci tomba à terre comme une vieille branche craquelée. Peinant à reprendre son souffle et la douleur de l’étau lui donnant envie de pleurer à chaudes larmes, il tenta de profiter de sa liberté de courte durée pour se ruer en rampant droit devant lui, sans y accorder plus de réflexion.
« Quel incroyable petit fils de pute… »Pesta le pirate en portant la main à sa plaie ensanglantée. « Quel… petit… FILS !!!! »
Avec une poigne ferme, il se pencha en avant pour l’attraper par la cheville et l’utilisa comme une batte vivante pour fracasser le bastingage dans une pluie d’échardes et de gros fragments d’acajou importé à des tarots pas dégueulasses. Il le relâcha finalement pour le faire s’écraser comme une crêpe contre un mur qui l’accueillit sans broncher, lui. Rudra se retrouva de nouveau déboussolé et à même le sol mais avant de subir le coup de grâce, quelqu’un s’interposa, en dehors de son champ de vision.
Il n’entendit que des voix étouffées sans vraiment comprendre ce qui se disait réellement et il tenta de profiter de ce moment pour rassembler ses forces et prendre ses jambes à son cou le plus loin possible. Lorsqu’il réussit enfin à se remettre sur pieds, vacillant, il tourna la tête vers ce qui l’avait sauvé pour s’apercevoir qu’il ne s’agissait de nulle autre que l’extraordinnaire dame Khan, aux prises avec Egol. Ils échangeaient des coups et il semblait même que Mara avait le dessus malgré le fait qu’elle se battait totalement à mains nues, mais le vieil homme n’y allait pas à moitié et chaque impact aurait pu renverser la balance. Rudra resta figé sur place, incapable de décider s’il devait sauver sa peau ou porter secours à sa mère. De lourdes gouttes de sueur perlaient sur la peau nu du pauvre baveux indécis, en proie à sa toute première crise de panique.
« Reste là, toi ! Après la grognasse, ce sera ton tour ! » Vociféra le pitbull Rakham, en encaissant des gnons et un tibia qui lui fractura plusieurs côtes.
Malheureusement, cette simple phrase suffit à déconcentrer l’ancienne boulangère l’espace d’un instant, la poussant à détourner brièvement son attention pour essayer de vérifier l’état de son fils. Juste assez pour permettre à son adversaire de plonger les mains dans son dos avec Rudra comme témoin, pétrifié et observant tout ce qui se passait comme au ralenti. Pour se préserver, il avait bien tenté de fermer les yeux mais c’était comme si le troisième était possédé et le forçait à observer la scène qui se déroulait devant lui. D’un puissant et fatidique revers, Egol frappa dans un arc montant avec une masse d’arme dissimulée sur sa personne, tapant sa belle en pleine mâchoire dans un bruit effroyable et un impact qui l’envoya valdinguer dans une gerbe de sang en direction de l’impuissant spectateur, tout juste capable de pivoter sur ses appuis pour observer la trajectoire de Mara qui se prit le lourd fauteuil de plein fouet dans un craquement sourd qui la laissa complètement inerte.
Rudra n’en crut pas son œil et tituba jusqu’à elle en tendant les bras droits devant lui. Sans se soucier de tout le reste, il s’accroupit à côté de la triclope pour chasser les cheveux qui lui cachaient le visage et sentit un haut le cœur en voyant son ossature piteusement enfoncée à l’intérieur de sa face ensanglantée la rendant méconnaissable et ses yeux restants, dénués de la moindre lueur de vie. Bégayant quelque chose d’inintelligible, il sentit ses jambes l’abandonner et chuta sur les fesses sans même s’en rendre compte. Son champ de vision suivit le mouvement et s’arrêta pile sur le ceinturon aux couleurs de son île natale, sur lequel se trouvait le dernier vestige de celle-ci. Les dents du garçon se mirent à claquer avec fracas les unes contre les autres tandis qu’il tremblait de la tête aux pieds. Malgré sa courte vie peu reluisante, il n’avait jamais été réellement confronté directement à la mort. Il ne côtoyait que très peu de monde et n’avait jamais le droit de sortir sans accompagnateur, de ce fait, ce concept lui était encore totalement abstrait. Ceci étant, il commença à en comprendre les conséquences et les ramifications à toute vitesse, à mesure qu’il tentait de les calculer et les contester.
A bout de nerfs, il poussa un râle déchirant qui se transforma peu à peu en hurlement puis en grincement strident. Puis, plus rien. Le noir total. Celui-ci sembla s’épaissir, avant de se faire remplacer tout doucement par une marée carmin, qui absorba tout le reste.
Les deux yeux fermés de Rudra se rouvrirent sur un constat morbide, où se trouvait juste en dessous de lui le cadavre d’un homme imposant, lardé de lacérations et de perforations profondes. Intrigué, il retourna le corps encore chaud pour en discerner les traits mais le visage du macchabé était méconnaissable. Pas réellement endommagé, à l’exception de quelques contusions et une balafre verticale encore fraîche sur la face, mais totalement générique, plus proche d’un portrait satirique ou parodique que d’un véritable aspect humain. Deux yeux qui ne consistaient qu’en de simples billes noires, des traits pour les sourcils, deux points pour le nez et une fine ligne horizontale pour la bouche, rien de plus. Dans cet instant, il aurait sans doute dû revenir à son mode de panique par défaut mais une fois n’était pas coutume et il était relativement bien. Il se trouvait dans un moment d’absence grisant au milieu duquel il n’était pas encore en mesure de traiter correctement l’étendue des évènements ni même ses souvenirs ne datant que de quelques secondes auparavant, mais qui lui paraissaient s’être déroulées des années plus tôt.
Il leva une main pour se gratter la joue et remarqua que celle-ci était non seulement lourde mais rouge et poisseuse, tout comme son bras. Si cela était déjà bizarre en soi, ce qui lui fit vraiment hausser un sourcil fut le poignard de sa mère, qu’il tenait fermement sans pouvoir se rappeler un seul instant de ce qu’il avait bien pu en faire. Rudra essaya de la chercher du regard mais le seul autre corps qu’il trouva dans les parages, bien qu’étant apparemment celui d’une femme, possédait exactement la même expression minimaliste que le premier cadavre qu’il avait trouvé en se réveillant, sauf qu’elle portrait trois petites billes noires au lieu de deux, la troisième plus grande que les autres tronant au beau milieu de son front.
Puis, comme une nuée d’insectes, la réalité recommença à le rattraper petit à petit, s’insinuant sous sa peau pour remonter lentement jusqu’à sa conscience. Lentement. Péniblement.
« J’ai fait un cauchemar. »
Hors Roleplay
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Comment avez-vous connu le forum ? :Sylar ce vieux filou. Et je suis un (très) ancien.
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Rudra D. Khan
Rudra D. Khan
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Sam 4 Mar - 0:53
Rudra D. Khan
Histoire (suite)
Chapitre II : Umai - Savoureux
Au petit matin, Rudra, désormais âgé de treize ans, s’extirpa misérablement de la tente où il avait dû passer la nuit, le visage vitreux, n’ayant eu droit qu’à quelques minutes de sommeil, tout au plus. Derrière lui, tout en haut de la montagne se trouvait encore le manoir de son père, qui avait été repris par une bande de forbans au moment de sa mort une fois tout ce qui avait un tant soit peu de valeur récupéré selon la loi du “premier arrivé, premier servi”. Luger, un grouillot standard qui était arrivé un peu tard pour la fête, avait jeté son dévolu sur le jeune orphelin afin d’en faire sa propriété. Personne d’autre n’avait osé s’en approcher car tout le monde était sûr que c’était lui qui avait tué ses propres parents, mais Luger en avait maté des bien plus costauds que ça et il eut plusieurs longues années pour s’amuser à se faire la main dessus, lui permettant d’assouvir le moindre de ses vices les plus tordus.
Les premières années furent particulièrement horribles à supporter pour le garçon qui avait déjà tout perdu et qui ne retrouverait plus jamais son innocence. Lui qui n’était déjà pas très sociable, il se recroquevilla encore davantage sur lui-même, anéanti par un dégoût de l’autre et de lui-même qui l’empêcha de s’approcher et encore moins de baisser sa garde en présence de qui que ce soit. Toutefois, l’être humain peut s’habituer à tout et il trouva des moyens de rationaliser son existence et de trouver des moyens pour se protéger, s’effacer comme il le pouvait aux yeux du monde. En dehors des vêtements qui lui étaient donnés et qu’il empilait souvent les uns sur les autres, comme s’il s’agissait d’une véritable armure, il y rajoutait aussi de nombreux draps, rideaux et tout ce sur quoi il pouvait poser les mains. En contrepartie de servir de bout de viande à un vieux porc, son train de vie avait changé radicalement. Même s’il avait désormais réellement le statut d’esclave, Luger ne l’utilisait que pour son corps et le traitait relativement bien, en dehors de ça. Il ne le battait que très rarement et se fatiguait de toute façon très vite en plus de frapper bien moins fort qu’Egol, ce qui était indéniablement des plus.
Sans se presser, déambulant dans les rues de l’île comme une momie errant sans le moindre but, ses multiples frusques pendantes traînant dans la poussière, il se dirigea lentement vers un étang qu’il avait repéré non loin. Dans son temps libre, il avait le loisir de découvrir les environs et s’était créé son propre circuit de balade le faisant passer par plusieurs endroits où il avait rencontré toutes sortes d’animaux dont il avait commencé à s’occuper. Son emploi du temps était très routinier mais ce n’était pas pour lui déplaire car il y avait un côté rassurant à savoir exactement où et quand on allait se trouver à n’importe quel moment de la semaine. L’inconnu et l’imprévu sont les pires ennemis de la sécurité ! Même si on lui faisait encore des misères de temps à autre, à l’exception d’un paysan qui possédait plusieurs troupeaux et qui laissait Rudra l’aider sans broncher, même s’ils n’interagissaient pas beaucoup l’un avec l’autre, le pré-adolescent n’avait que très peu de contact avec le reste de la population humaine des alentours. Leurs visages, identiques les uns comme les autres, avaient le don de le rendre mal à l’aise et de compliquer encore davantage chacune de ses intéractions, pour lesquelles il n’était déjà guère doué de base.
En somme, il avait fini par se sentir plutôt chanceux de son changement de situation. Sa mère lui manquait toujours énormément même s’il demandait bien où elle pouvait se trouver étant donné que ses souvenirs du jour où il avait de nouveau cessé d’être un Rakham étaient flous dans son esprit et étaient devenus de plus en plus opaque au fil des années.
« Elle avait de longs cheveux… Roux ? Rouges ? Rouges. » Décida-t-il en avançant machinalement dans le bosquet, les bras le long du corps et la tête oscillant de gauche à droite. « Non, non non non. Ses yeux étaient verts, alors ses cheveux aussi, non ? Non. »
Il commença à secouer la tête en grommelant, croisa les bras et fit claquer sa langue trois fois dans sa bouche de manière sonore. Après quelques secondes d’hésitation, il rajouta un quatrième claquement avant d’opiner du chef. Accaparé par ses élucubrations, il ne se rendit même pas compte qu’il était arrivé à destination et ne fut ramené à la réalité que par la sensation de son pied droit s’enfonçant profondément dans la vase, jusqu’à la moitié de son tibia, qui commença à s’endormir après avoir été immergé, manquant de lui faire perdre l’équilibre.
« Oh ? » Dit-il en levant un sourcil, passant la main gauche sous la multitude de bandages qui lui recouvraient la tête pour se gratter nerveusement la joue. « J’ai failli tomber…»
Rudra resta quelques instants immobiles et dans un équilibre précaire, avant de subitement bondir en arrière pour s’affaler le cul par terre, bien au sec. Il ouvrit la bouche si grand que le bas de sa mâchoire ressortit de sous son masque improvisé et porta les mains sur le haut de son crâne qu’il gratta avec insistance jusqu’à déloger ça et là quelques mèches rebelles, tout en gesticulant sur le sol.
« Oh nooooooo ! Si je tombe à l’eau maintenant, je vais me noyer et là, je serais vraiment en retard et tous les animaux vont mourir de faim ! » Brailla-t-il en s’enfonçant les ongles dans le scalp. « Et après, qu’est-ce que je vais leur dire dans l’au-delà ?! Je préférerais encore mourir, mais ce serait imp…»
Le son de brindilles qui craquent l’arrêta dans ses jérémiades et il chercha tout autour de lui en claquant des dents, tentant de voir si tout ça n’était que dans son imagination ou s’il y avait bien un bandit dans les parages, prêt à le passer à tabac. Cependant, le fait de ne pas avoir pu finir sa phrase lui laissa un goût amer en bouche et il essaya de contrebalancer en claquant deux fois des doigts et une fois avec sa langue, pour se porter chance.
« A moins qu’il y ait un au-delà plus ultra, pour les doubles morts..? » Murmura l’enfant à voix basse, inconfortable à l’idée de ne pas pousser sa réflexion jusqu’au bout. « Oh, ça doit être tranquille, là-bas. Peut-être trop tranquille ? Plus d’échappatoire, pour l’éternité. Oh. Oh non. Non merci. Bon.»
Décidant que personne n’était en train de l’épier, il se releva et reprit sa marche sans même prendre la peine de se dépoussiérer. Cette fois-ci, il ne pipa mot et regarda bien bas devant lui pour s’assurer de ne tomber dans aucun piège, cette fois-ci. L’esclave arriva finalement à destination et tourna trois fois vers lui même en sifflant, faisant onduler son timbre comme s’il s’agissait d’une chanson. De l’eau verdâtre ainsi que de derrière les fougères, plusieurs gigantesques crapauds sortirent de leurs cachettes en croassant tous en cœur, accompagnant le jeune homme auquel ils avaient fini par s’habituer et même prendre goût.
« Moi aussi je suis content de vous voir les gars, moi aussi ! » S'esclaffa-t-il en s'accroupissant pour se faire rejoindre par ses petits camarades. « Dites, j’ai failli tomber. J’aimerais bien nager avec vous, mais Luger m’a dit non. Interdit. »
Il était plutôt partagé à ce sujet car s’il n’essayait et ne pratiquait pas, jamais il ne pourrait apprendre. En revanche, étant donné qu’il ne savait pas nager, s’y essayer comportait une part non négligeable de risques, surtout s’il devait le faire en cachette. Du coup, il en était arrivé à la conclusion que tant pis, nager ce ne serait pas pour lui. Il y avait pire dans la vie.
« Comme mourir de faim… » Soupira-t-il en entendant son estomac gargouiller. « Ou de mort… »
Rien que d’y penser, il se sentit tourner de l'œil mais une flopée de gloussements le tira de sa conversation palpitante avec les batraciens qui se braquèrent sur place avant de se précipiter de nouveau à l’abri. Rudra fit immédiatement volte-face, livide en voyant que l’on s’était faufilé derrière lui sans qu’il ne s’en aperçoive. Deux types se tenaient plantés là. Évidemment, il était assez difficile pour Rudra d’estimer correctement leur âge mais au vu de leur taille et de leur stature, ils devaient être à peu près aussi que lui, voir un peu plus à quelques années près. L’un d’entre eux tenait un jeune crapaud par les pattes avants qui se débattait en vain pour se libérer, balancé d’avant en arrière par Blanc Bonnet, celui qui l’avait capturé.
« Je.. Jeremy ?! » Remarqua Rudra en reconnaissant le captif, les poings serrés. « Je sais pas qui vous êtes mais laissez le, s’il vous plaît… D’accord ? »
La première réponse à laquelle il eut droit fut un duo synchronisé de ricanements dédaigneux, avant que l’inconnu numéro 2, avec les mains libres, ne se tourne vers lui. C’était un garçon avec des cheveux, deux yeux, un nez, une bouche et portrait un bonnet blanc. Tout comme son camarade, d’ailleurs, ce qui risquait de compliquer toute tentative de différenciation. Les oreilles ? Pas important.
« C’est cette merde Jeremy ? Tu leur a tous donné un nom ou quoi ? Naaaaaaan ! » S’enquit la brute en le toisant de loin, un large rictus tailladé sur sa face oubliable. « Sans déconner, on te repère de loin juste pour le plaisir de venir te les briser et à chaque fois tu fais le débile perdu. Le petit calibre de Luger arrive jusqu’au cerveau ou quoi ? » « Il est tellement con qu’il a dû tous les appeler Jeremy ! »
Le couple de débiles s’amusa tellement de leurs quolibets qu’ils se secouèrent, hilares à s’en taper les cuisses. Malheureusement pour Jeremy, reconnaissable entre mille pour quiconque possédait un minimum de sens de l’observation, cela résulta pour lui en un terrifiant et désagréable manège improvisé pour lequel on ne lui avait même pas demandé son autorisation. En voyant la mine décomposée de Rudra, les inconnus commencèrent à tirer fortement sur les pattes de leur prisonnier qui commença à pousser des croassements de souffrance. Le môme aux mille guenilles s’avança en balbutiant pour les supplier d’arrêter mais ne déclencha que des rires moqueurs. Bonnet Blanc dressa le poing, sourcils froncés, ce qui suffit pour que le pauvre triclope ferme les yeux et se mette à trembler en levant les mains, dans une piètre posture défensive.
« Arr… Arrêtez… » Pleurnicha-t-il en reniflant. « Ou sinon quoi, bouffon ? Si on s’arrête pas, tu vas faire quoi, exactement ? » Demanda le jeune bully en l’agrippant par la tignasse pour le tirer forcément de gauche à droite. « Clint, arrache-lui les pattes. Cet après-midi, c’est cuisses de grenouille. » « Non ! Non ! Non, non non ! » S’affola l’esclave en agitant les doigts vers l’avant pour leur sommer d’arrêter. « Jeremy est un crapaud ! »
Son explication ne sembla en satisfaire aucun des deux car l’ordre fut maintenu et la sentence commença à s’appliquer sous le regard horrifié du triclope. Le poing fermement serré, il ne sentait même pas les ongles qui s’enfonçaient progressivement dans sa chair ni ses dents plantées dans ses lèvres sèches d’où elles faisaient perler du sang qui les imbiba rapidement. Toute son attention était focalisée sur la peau pustuleuse de Jeremy s’étirer sous la torture, comme un élastique trop tendu, prêt à se déchirer d’une seconde à l’autre. Les cris de l’animal résonnèrent dans tout le bosquet en fendant le cœur de son ami maigrelet, dont la pointe du pied droit tapotait furieusement le sol, confronté une nouvelle fois à sa propre impuissance. Tout son corps lui sembla tendu à l’extrême lui aussi, prêt à se relâcher d’un seul coup sans qu’il ne puisse l’arrêter. Son esprit était un capharnaüm total, duquel il avait du mal à retirer la moindre pensée cohérente.
« Un crapaud, c’est toxique. C’est toxique. » Répéta-t-il à mi-voix, le visage baissé. « Alors lâchez-le, d’accord ? Tapez-moi, moi j’ai l’habitude. Lâchez-le. Ok ? »
Dans un ultime acte de puérilité, Bonnet Blanc lui tira la langue et intima à Blanc Bonnet d’y aller plus fort et que ce serait bien plus drôle comme ça. Dans un son de déchirure à glacer le sang, les muscles et la chair tendre se rompirent d’un côté de la pauvre victime, tout en libérant une gerbe de sang qui éclaboussa le bourreau.
« Dégueu putain ! Tu vas voir saloperie ! » S’insurgea le pauvre bourreau, levant Jeremy d’une main au-dessus de sa tête dans un mouvement de balancier.
Il s’apprêtait à l’éclater violemment contre le sol lorsque pour une raison inconnue, il se figea sur place, parcouru de part en part par des frissons incontrôlables. Blanc Bonnet sentit une désagréable impression l’assaillir, comme si des filaments ténébreux lui remontaient le long des pieds pour tisser un voile sombre, prêt à l’engloutir. Inconsciemment, Clint releva la tête vers son poto Bonnet Blanc, pâle comme un linge, qui lui cachait la vue sur leur victime favorie. Malgré une inexplicable curiosité qui lui donnait envie de vérifier qu’il s’agissait bien de Rudra et qu’il n’y avait pas erreur sur la personne, une partie de lui, enfouie et primale, lui refusa de s’avancer ou d’esquisser le moindre geste.
« Je te l’ai dit, non ?! » Demanda une voix lugubre et courroucée, qui se brisait sur les aigus. Si, si, je te l’ai dit. Plusieurs fois, j’en suis sûr. « C… c… cool mec… »
« LÂCHE LE ! »
Le triclope aux paupières écarquillées et irrégulières se jeta en avant la bouche ouverte et planta le poignard qu’il tenait de sa mère directement dans le ventre du premier obstacle, retirant sa lame ensanglantée comme elle était rentrée, d’un coup sec. Il le dépassa sans même s’arrêter dans sa course et se rua vers Blanc Bonnet, toujours immobile en voyant ce qui ressemblait davantage à une bête sauvage qu’à un être humain et encore moins au gringalet de service auquel il s’était attendu. Le premier coup de couteau pénétra les poignets d’amour sans rencontrer la moindre résistance et permit même à Jeremy de retrouver sa liberté, le pauvre animal rampant douloureusement jusqu’à l’étang en traînant derrière lui sa patte à moitié arrachée, tant bien que mal. Malheureusement, Rudra ne le réalisa même pas, finalement arrêté dans sa frénésie, le regard planté dans celui de celui qu’il avait attaqué. L’un comme l’autre étaient tétanisés et semblaient sincèrement perdus au beau milieu de cette situation qui avait échappé à leurs contrôles respectifs.
« Aaaah, qu’est-ce que j’ai fait ? » Se questionna-t-il dans un moment de lucidité, rasséréné par le liquide chaud qui lui coulait sur les doigts puis jusqu’à son poignet. « Désolé, mais si je m’arrête maintenant, tu vas m’en vouloir après, pas vrai ? »
Retirant son poignard et sans attendre la moindre réponse, il le planta de nouveau sans vraiment chercher à atteindre quoi que ce soit de précis.
« Tu vas vouloir te venger, hein ? » Un nouveau coup de surin. « Tu vas me faire du mal ? » Un autre dans le ventre. « Tu vas m’insulter ? » Splich. « Tu vas me taper ? » Sploch.
Pas de réponse. Répondeur. Tandis qu’il abattait son arme à l’aveuglette, de lourdes larmes se mirent à couler des trois yeux du jeune boucher, mêlées de sentiments contradictoires. Elles représentaient toute sa peur, ses regrets, sa haine et son dégoût, nettoyés par un torrent d’apaisement et de satisfaction qui s’intensifiait à mesure que la vie quittait les yeux de Blanc Bonnet. Tout à coup projeté sur le côté et aplati dans la vase, il fut comme catapulté hors de son moment de sérénité et y perdit son arme au passage, celle-ci aussitôt enterrée sous le corps de Clint qui s’effondra sans même avoir la politesse de répondre à la moindre question. Déboussolé, Rudra mit un temps à comprendre ce qui venait de lui arriver, avant de remarquer que Bonnet Blanc se trouvait sur son séant. La respiration lourde et une main apposée sur sa blessure pour tenter d’y faire pression pour limiter l’hémorragie qui lui avait déjà repeint et détrempé la majorité de sa garde-robe.
« Psychopathe… » Parvint-il à articuler entre deux souffles pénibles. « Tout ça pour quoi ?! »
Un poing s’abattit comme une masse sur le triclope sans crier gare, l’impact lui décalant violemment la tête sur le côté.
« Tu es encore là, toi ? Je suis désolé ! » S’empressa-t-il d’ajouter sur un ton fébrile et paniqué, certes, mais dans lequel on retrouvait également comme… un amusement ou plutôt une naïveté malsaine. « Ses petites billes noires sont vides. Je savais qu’il allait m’en vouloir. Je lui ai demandé d’arrêter. Hein que je lui ai demandé ? »
Toujours aucune réponse, comme s’il n’existait pas. Au lieu de ça, les coups continuèrent à pleuvoir, ce qui n’était pas sans lui envoyer des signes très contradictoires. Pourquoi lui taper dessus s’il n’existait pas ? Mais alors, pourquoi l’ignorer ? Mais alors, pourquoi le tourmenter ? Ces questions commencèrent à virevolter et se mélanger au rythme des phalanges, ce qui ne risquait pas d’aider le pauvre Rudra à se sortir du guêpier dans lequel il était fourré. Il y avait une grisante nostalgie dans ce qu’il était en train de subir et comme souvent, il se demanda ce qu’il avait bien pu faire pour encore une fois se retrouver dans ce type de scénario. Il n’avait rien fait de mal, lui, après tout. Non ? Sa vision commença à se faire trouble et il sentit une mare de sang commencer à s’accumuler dans sa bouche, la gueule tuméfiée à force de se faire cogner. Il essaya bien de se relever mais pouvait à peine bouger les jambes, son assaillant étant solidement logé sur son bassin.
« A… Arrête ! » Implora-t-il entre deux pains. « Tu vas me tuer !»
Rudra n’avait pas le droit d’utiliser son fil, Luger le lui avait interdit. Personne d’autre n’était au courant à part lui et il lui avait toujours dit de ne pas s’en servir, de peur qu’il lui arrive quelque chose de terrible et le petit garçon s’y était scrupuleusement tenu, du moins en public. Lorsqu’il était isolé, il s’en servait parfois pour nourrir certaines bêtes ou jouer avec des petites marionnettes rudimentaires qu’il avait confectionnées à partir de branches récupérées en forêt. Cependant, Bonnet Blanc ne semblait pas prêt de s’arrêter et la douleur commençait à atteindre ce moment où elle ne piquait même plus mais l’incendiait tout entier, lui brouillant les sens et lui donnant l’impression d’être enfermée dans une bulle complètement hermétique.
Il leva le bras et trois fils vinrent s’attacher autour du poignet de l’assaillant, au moment où celui-ci relevait le bras. Suite à la saucée qu’il s’était prit, tout le masque de tissu de Rudra s’était desserré et permit même de voir sa bouille endolorie et recouverte d’hématomes. De ses yeux rougis et larmoyants coulaient de véritables ruisseaux et pourtant, malgré le sang qui lui inondait la gorge et le menton, le bonhomme souriait à pleines dents sans même s’en apercevoir. Un quatrième fil alla rejoindre ses frères et soeurs, accentuant encore davantage le rictus du marmot. Les filaments entaillèrent la peau du cogneur à bout de souffle et qui n’y voyait lui-même plus très clair, qui détourna la tête en grognant vers son membre immobilisé pour essayer de saisir ce qui venait de lui faire mal. A cet instant précis, Rudra tira vers lui d’un coup sec pour obliger la proie qu’il avait ferré à basculer vers l’avant en grinçant des dents, la chair déchirée par l’étreinte affutée comme des rasoirs.
« STOOOOOOPPP !!!!! » Rugit le triclope en relevant le buste, mâchoire grande ouverte, pleine d’un mélange de bave et de sang.
Les crocs du maudit se plantèrent dans la carotide de Bonnet Blanc comme s’il s’agissait d’une bonne poire bien juteuse dans laquelle ils s’accrochèrent avec obstination, forrant au plus profond pour y avoir une prise sure dans une partie de viande gorgée de jus. La victime fut prise de quelques soubresauts et tenta de taper mollement l’épaule du prédateur qui était en train de le dévorer, mais sa résistance fut puérile et de courte durée. Repoussant sur le côté le corps inerte du type au bonnet rouge sang, il lui arracha une partie de la gorge en regardant le ciel au travers du feuillage des arbres environnants. Totalement incapable de bouger et chaque capteur de son corps hurlant à la mort, il se retrouva à apprécier la brise matinale qui lui caressait le visage. Avec un soupir de satisfaction, il se dit que ce n’était peut-être pas un mauvais endroit pour faire la sieste, ayant presque la sensation d’être dans un relaxant bain chaud et puis, il avait pas mal de sommeil à rattraper. Pris d’un bâillement, Rudra se frotta les yeux en mâchonnant sa viande paresseusement. Ses sourcils se arquèrent en même temps, alors qu’une lueur pétillante lui emplissait les pupilles.
Umai.
Chapitre III : Amai Shiokarai - Sucré Salé
Suite à son altercation avec les frères Bonnets, Rudra se retrouva dans des embrouilles incroyables. Dès qu’il avait été capable de bouger, de nombreuses heures après son dernier repas, il s’était pourtant immédiatement rendu chez Luger pour lui expliquer toute la situation, sans omettre le moindre détail et en insistant surtout sur le pauvre sort qu’avait subi le pauvre Jeremy. Son maître le regarda avec un air horrifié, devenu tellement pâle au fur et à mesure du récit qu’il en était devenu presque translucide mais ça, le pauvre enfant n’avait aucun moyen de le détecter en raison de sa pathologie. Il resta un moment à attendre une réponse mais au lieu de ça, le bedonnant adulte se contenta de s’enfuir sans demander son reste.
C’est moins d’une heure plus tard qu’une foule enragée se pointa sur le pas de sa porte avec des fourches et des torches, alors qu’il commençait à peine à préparer le dîner car son estomac gargouillait déjà depuis longtemps, car aussi goûteuse avait pu être la dernière chose qu’il avait ingéré, elle était loin de suffir pour lui tenir toute une journée. Les villageois déboulèrent dans la baraque en défonçant la porte d’entrée, vociférant en s’éparpillant dans les locaux afin de dénicher celui qu’ils étaient venus chercher. Alertée, la grande tige se détourna de sa marmite en se demandant ce qu’on pouvait bien lui vouloir à cette heure.
« T’es où, Rudra ?! Sors de ta cachette, fumier, on va t’égorger comme un putain de porc pour ce qu’t’as fait ! »
Et bien soit, se dit le triclope. Il n’était peut-être pas très doué pour décrypter les indices sociaux mais pour une fois, on avait eu l'obligeance de lui mâcher le travail. Sans demander son reste, il s’extirpa discrètement par la fenêtre de la cuisine, avant que qui que ce soit n’ait le temps de le remarquer. Il jeta trois regards anxieux en direction du logis qu’il venait de perdre et sentit ses yeux le brûler de chagrin. Où allait-il bien pouvoir aller, maintenant ? Qui allait bien pouvoir le protéger de toutes ces personnes qui lui voulaient du mal ? Et pourquoi, au final ?
« Tout ça, c’est la faute de Luger. Il a dû leur raconter saaaa version des faits, voilà, sans parler de Jeremy, voilà, parce que c’est un batrapho… Batracioph..? » S’interrogea-t-il, n'ayant jamais rencontré ce mot auparavant dans sa vie. « Raciste des crapauds. »
Son temps étant compté, il commença à se carapater droit devant lui sans trop se poser de question, préférant s’éloigner de la zone de recherche et de danger aussi vite que possible pour éviter de limiter ses options de survie. Fort heureusement, il ne rencontra personne dans les rues ni autour des autres bâtisses, ce qui était un sacré coup de chance ! Il se demanda tout de même où ils pouvaient bien être passés car même si l’île n’était pas bien grande, elle était tout de même assez peuplée et ne manquait jamais d’animation. Non pas qu’il ait eu l’occasion d’y participer, si ce n’est dans ses propres fantasmes.
Au bout de quelques dizaines de minutes, dégoulinant de sueur, il se retrouva à bout de terrain pour fuir. Hélas, le malheureux gaillard était arrivé au bout de l’île et devant lui ne se trouvait plus l’une des sources premières de sa terreur : l’océan. Instantanément, il repensa à toutes ces fois où il avait obéi à cette ordure de Luger, qui lui avait toujours interdit d’aller nager, sans doute pour nourrir l’un de ses étranges fétiches inexpliqués et inexplicables. C’était certainement ça, la raison.
« Oooooooh amère ironie, qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire maintenant ?! » Se questionna l’esclave en cavale dans un puissant râle de détresse. « Fichu, je suis fichu ! Mort même, s’ils me trouvent ! Oooooooh noooooooo ! »
Portant le dos de sa main à son front, il sentit tout son corps chuter en ondulant de désespoir. Tout ce qu’il lui restait à faire, c’était de se jeter à l’eau et d’espérer avoir un don inné pour la natation et même si ça ne marchait pas, est-ce que ce ne serait pas une meilleure alternative que ce qui allait lui tomber dessus, quand la brigade du voisinage finirait par rappliquer ? Il pesa le pour et le contre et décida finalement, advienne que pourra, de se jeter à l’eau. Littéralement. Toutefois, il ne s’y résolut pas vraiment dans la seconde, tout simplement car le simple fait d’avoir la vue sur cet immense étendue d’eau azurée, où le bruissement des vagues était subjugué par le reflet de la lune, qui en faisait scintiller les rouleaux et bien… Suffit à lui soulever l’estomac sous le simple poids de la frayeur que pouvait représenter la noyade. Son plan avait peut-être quelques légers détails à peaufiner mais la chance se décida enfin à lui donner un petit coup de main, sûrement inspirée par la pitié qui se dégageait de ce petit imbécile en galère.
« OÏ ! Fais attention avec le matériel, gras-double, c’est notre gagne-pain ! » Vociféra quelqu’un non loin de lui, attirant son intérêt. « Tch, laisse, laisse, je m’en occupe. Va plutôt me chercher Carlos, on part dans dix minutes. »
Situé à peine quelques mètres sur sa gauche et à l’orée de son champ de vision se trouvait le port de la ville, qu’il avait totalement ignoré dans sa panique. Le type qu’il avait entendu était en train de charger des tonnes de miches dans des torchons mais aussi d’autres produits dont ils étaient spécialement fiers, comme des châtaignes ou encore plein de marrons. Tout ça avait l’air très bon en plus de permettre de résoudre son problème du moment, alors il décida de se faufiler à l’intérieur du navire en se cachant dans une barrique, sous un tas de pêches, gagnant la place qu’il lui manquait en gobant le surplus. N’ajoutant quasiment aucun poids à l’ensemble, on l’emmena inaperçu jusqu’à la cale avant de prendre le large, exactement comme il l’avait prévu.
Cependant, il avait sauté hors de la gueule d’un loup pour arriver dans celle d’un autre, comprit-il en sortant de sa cachette. Pas moyen de sortir à l’air libre par peur de se faire chopper et chaque seconde du voyage allait être une véritable torture où il passerait chaque seconde à se demander à quel moment on allait lui tomber dessus et quelle serait sa punition.
« C’est rien. » Dit-il à voix basse, sereinement, dans son baril de fruits. « J’ai l’habitude de souffrir le martyr. Je vais devoir rationner tout ça, si je veux pouvoir tenir… »
Sa phrase fut ponctuée d’un “scronch” gourmand alors qu’il entamait sa dixième pêche depuis le début du voyage, peut-être quinze ou vingt minutes plus tôt. Selon son estimation, il devait y avoir dans cette cale de quoi tenir deux à trois bonnes semaines pour un équipage complet, à condition de faire attention. Il ne savait pas si les autres marins étaient de gros mangeurs mais il allait non seulement devoir réussir à prendre de quoi subsister sans qu’ils le remarquent, mais aussi de sorte à ne pas brûler les réserves avant d’arriver à destination.
« Ça va être juste, mais je peux le faire. Oui ? Oui. » Répéta-t-il en opinant du chef pour se chauffer. « Quand on veut, on peut. L’esprit… »
Il arrêta là sa pensée et dévora quelques spécimens de plus, histoire de se caler une bonne fois pour toute plutôt que de grignoter petit à petit, ce qui était le vrai piège en réalité. Il ne comptait pas se faire avoir comme ça. Comme il s’y était attendu, l’équipage était loin d’avoir prévu assez de nourriture car lorsqu’ils arrivèrent au bout de leur périple, la cale avait été entièrement vidée. En quatre jours. Ils attrapèrent sans mal le fautif, grelottant dans un coin du bâteau, tapi dans l’ombre pour tenter de se camoufler dans une salle entièrement vide. Avant de poser toute question incriminante ou d’essayer de profiter de sa position de faiblesse pour lui soutirer des aveux, ils décidèrent de le passer à tabac.
Les tentatives de résistance du fugitif furent bien vaines tant ses attaquants étaient nombreux et il sombra rapidement dans les méandres de l’inconscience. Au moment où ses lumières s’éteignirent sous un énième coup de talon dans la bouche, il eut la sensation d’être projeté à travers le sol directement dans une mélasse noire parfaitement opaque, inodore et austère. Aucun point de repère ni moyen, même pour discerner le haut et le bas. Pas le moindre son, ni même celui de sa propre voix et de ses cris. Personne aussi loin que sa vision affûtée ne pouvait porter. Personne pour lui faire du mal, personne pour le menacer. Ca aurait dû être la plus belle chose au monde pour lui, un havre de paix au milieu d’un monde plus sombre encore que cette abysse dans laquelle il était plongée et pourtant, il continua de hurler à s’en briser la voix tout en pleurant des torrents, tout ça sans un seul bruit. Personne pour l’entendre. Personne pour l’aider. Il commença à suffoquer, en proie à une crise de panique dont il avait le secret et tenta de resserrer ses pans de tissu pour retrouver un semblant de sécurité.
Son cœur battait si fort qu’il semblait prêt à lui rompre les os, une intense brûlure douloureuse lui irradiant la poitrine. Puis, contre toute attente, quelque chose d’étouffé résonna au loin. Un résonnement sourd, vers lequel il essaya de se diriger à l’aveuglette, sans parvenir à le comprendre. Quelqu’un, n’importe quoi. Tout pour sortir de cet endroit néfaste où n’importe qui ou quoi pouvait surgir de la pénombre. Il l’entendit de nouveau, désormais tout proche et cette fois-ci, il parvint à ouvrir les yeux.
« Tout va bien gamin ? » « AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!!! » Parvint finalement à beugler Rudra en se redressant d’un coup, atteignant l’ultrason à certains moments de son cri de détresse.
Face à lui et en plein recul de surprise se tenait une véritable armoire à glace. Une femme massive à la peau verte pleine d’arabesques noires et aux muscles saillants, vêtue d’un ensemble beige et d’une chemise à fleurs qui n’allait pas du tout avec le reste. L’inconnue avait une épaisse crinière blanche argentée et le bout de son nez s’illumina sous la surprise. Lorsqu’elle lui reposa sa question, il remarqua que sa mâchoire semblait gigantesque et remplie d’une menaçante rangée de dents acérées comme des lames de rasoir. Elle avait également un œil de plus que Rudra, ce qui n’était déjà pas banal même s’ils étaient placés différemment, deux de chaque côté de son visage aux traits tranchants.
Même s’il n’arrivait pas vraiment à mettre le doigt dessus, il y avait quelque chose de différent chez cette personne et bien qu’il l’ait initialement envisagé, il ne s’agissait pas vraiment de ses branchies ou même de la nageoire dorsale qu’il avait rapidement remarquée. Non, c’était autre chose. Elle tendit la main vers lui et dans un cri de panique, il roule-boula en arrière en tombant maladroitement de la couchette sur laquelle il se trouvait avant de reculer frénétiquement jusqu’à se cogner l’arrière du crâne sur quelque chose de solide. En tournant la tête, il remarqua qu’il s’agissait de lourds et épais barreaux métalliques, qui cloisonnaient deux pans de murs de pierre au long duquel se trouvait deux lits sommaires ainsi qu’un unique seau.
« Je ne te veux pas de mal, je t’assure. Je m’appelle Calypso… Et toi ? » Tenta la dame-poisson, qui s’était approchée tout doucement, à pas de loups, pour l’examiner de plus prêt sans le moindre contact. « Ils n’ont pas été tendres avec toi… Tu sais où tu es ? »
Comme frappé par la foudre, Rudra se sentit rougir et se figea sur place pour la première fois à cause d’autre chose que la peur. Abasourdi par cette interaction inattendue, il pensa s’être retrouvé au paradis mais revint rapidement sur terre parce qu’en premier lieu, il aurait été vraiment déçu que le paradis ressemble à ça et puis il avait quand même découpé deux gamins moins d’une semaine auparavant.
« Ru… Rudra… » Bredouilla-t-il timidement. « Pas… pas l’endroit, moi ! Bonjour, Rudra. » Essaya le triclope gêné. « Enfin pas bonjour Rudra, toi tu t’appelles Calypso mais comme “bonjour, virgule, je m’appelle Rudra” d’où Bonjour Rud…»
Il s’arrêta avant d’arriver au bout, en sentant les deux paires de pupilles le dévisager dans l’incompréhension la plus totale mais avec une curiosité attendrissante plus qu’autre chose. Sa nouvelle et première camarade lui sourit en rigolant doucement, dévoilant l’intégralité de ses crocs carnassiers mais sans effrayer l’être en face d’elle, contre toute attente.
Ayant appris sa leçon suite à sa bourde qui lui avait valu son exil auto-imposé pour le bien de sa survie, il décida de tout lui raconter mais uniquement à partir du moment où il avait pris la mer, en prétextant une envie d’aller retrouver sa mère qui lui manquait tant depuis sa disparition. Ce n’était même pas vraiment un mensonge à proprement parler car le simple fait de l’évoquer lui pinça le cœur.
« Elle avait de longs cheveux. Roux ou rouges. » Expliqua-t-il, tout penaud, en fixant le sol avec acharnement. « Peut-être verts, comme ses yeux. Comme le mien. »
Ils discutèrent un long moment tous les deux, tant et si bien que le garçon en oublia sa douleur et ses soucis, allant même jusqu’à s’endormir sur les cuisses de Calypso. Bien plus tard, on lui expliqua qu’il avait écopé de quelques mois de prison ferme au Pénitencier des Fougères, un édifice imposant construit à flanc de falaise. Etant donné que l’équipage qui l’avait trouvé n’avait aucune idée d’où ils avaient pu récupérer leur passager clandestin, passant leur vie d’île en île pour leur commerce sans s’arrêter nulle part plus de quelques jours, voire même parfois uniquement quelques heures, les marines ne parvinrent pas à découvrir l’origine du gamin et ne se donnèrent pas non plus beaucoup de mal pour le faire en réalisant que sa situation personnelle paraissait épineuse. Afin de remettre le problème à plus tard sans pour autant s’attirer les foudres des marchands, ils décidèrent donc de l’emprisonner pour ses méfaits en lui imposant des travaux d’intérêts généraux pour aider ceux dont il avait explosé les stocks à se refaire.
Cette période à croupir en prison, ne sortant que quelques heures par jour afin d’aller s’occuper de plantes, charrier toute sorte de matériel, apprendre à cuire de bonnes miches bien chaudes et ne côtoyer qu’une femme-poisson criminelle bodybuildée fut tout bonnement la meilleure période de toute sa vie. Les autres prisonniers étaient certes effrayants, mais il y avait parmi eux certains individus avec qui il échangea à quelques reprises, notamment un vieux Mink hyène et un demi-géant, apprenant à jouer aux échecs et différents jeux de cartes, qu’il fallait adapter pour pouvoir utiliser des paquets incomplets. Jugeant qu’il était important qu’il puisse se défendre, Calypso lui apprit un peu de self-défense ainsi que ses connaissances concernant les armes blanches, en utilisant des pierres longues ou des branches selon ce sur quoi ils arrivaient à mettre la main.
En prison, la vie avait l’avantage d’être simple et sans prise de tête. Tant qu’on ne faisait pas de vagues, on évitait de trop se faire casser la gueule, on avait deux repas chauds par jour ainsi qu’un toit au-dessus de sa tête. Parfois, il y avait même une famille de rats qui s’immiscaient dans sa cellule et avec lesquels il pouvait longuement converser lorsque sa seule amie dormait ou s'exerçait dans son coin. Même dans ses rêves les plus fous, le triclope n’avait jamais osé espérer un tel jackpot et il purgea sa peine avec l’esprit tranquille.
Il apprécia tant et si bien son incarcération que celle-ci fusa à toute vitesse et un beau jour vint sa libération. Sa peine n’était pas trop importante de base et ayant été un prisonnier modèle, il s’en sortit même plus tôt que prévu ! Un véritable coup en plein cœur pour le pauvre triclope qui refusa d’obtempérer et se débattit tout du long, hurlant et pleurant tout son saoul sans que personne ne puisse venir à son aide. Calypso le regarda partir avec tristesse et en cet instant, il aurait donné tout et n’importe quoi pour se retrouver à nouveau en sécurité du bon côté de la grille.
Exacerbé par ses caprices, le représentant des forces de l’ordre qui l’avait escorté à l’extérieur le balança comme un sac en lui faisant survoler les trois marches qui permettaient de quitter le bâtiment. Atterré et comme un enfant en pleine colère, Rudra frappait le sol de ses poings ainsi que son front, ses sanglots remuant sous corps sous l’impulsion de spasmes brutaux.
« Bougoi ze beux bas resder abec Galybzooooooohohoooooooo ?!?!?! » Pleurnicha-t-il en hurlant à s’en casser la voix.
Le garde le toisa un instant de haut, avant de congédier ceux qui l’avaient aidé à dégager cette forte tête de sa prison. Descendant les marches pas à pas, il vint s’accroupir devant l’adolescent enfin libre, extirpant un paquet de cigarettes de sa poche pour en porter une à sa bouche. Après une courte hésitation, il décida de le tendre pour en proposer au misérable cloporte qui se traînait dans la poussière mais celui-ci ne prit même pas la peine de répondre, focalisé sur son chagrin.
« Tu es libre, gamin et tu devrais t’en réjouir. Ce que tu as fait, c’était une belle connerie mais j’imagine que tu avais tes raisons. » Lui dit-il avec une compassion inattendue, avant d’enchaîner. « Calypso, elle… C’est une autre affaire. Je doute qu’elle quitte un jour ces murs, la pauvre. »
Les cascades larmoyantes s’arrêtèrent tandis que le morveux levait la tête vers son interlocuteur qui venait de lui redonner une pointe d’espoir. Juste pas de la façon qu’il avait espéré.
« Elle aussi avait ses raisons et je ne lui jeterais certainement pas la pierre… A sa place… Je préfère ne pas y penser. » Rajouta-t-il, en allumant sa clope pour s’en prendre une réchauffante bouffée. « Elle a tué des gens, gamin. Des gens hauts placés. Des ordures, mais hauts placés. » « Dong… Bour resder aveg Galypzo… » Renifla-t-il et s’essuyant le nez du bout de sa manche, traînant une large trace de morve sur son tissu. « Il zuffit de baire bareil..? »
Intrigué, le marin manifestement incompris pencha la tête sur le côté en croisant les yeux triples du pleureur, dans lesquels brûlait une étrange lueur qui se transformait peu à peu en brasier. Il aurait été incapable de dire pour quoi car il n’y avait aucune raison de craindre ce vermisseau et pourtant, il parvenait à le rendre extrêmement mal à l’aise, comme si une horde d’insectes lui grouillaient sous la peau et dans le crâne. Son instinct lui cria de manière répétée de se barrer de là au plus vite mais sa fierté le retint un peu plus longtemps. C’était évident que le pauvre qu’ils avaient relâché avait quelques soucis et il se demanda sincèrement ce qu’il pouvait faire pour lui porter secours. S’il pouvait juste trouver les bons mots et l’inspirer, alors peut-être…
« Écoute… Tu n’as pas eu de chance avant d’arriver ici et Calypso est une chic fille, je comprends. » Essaya le fumeur en se grattant la tempe, finissant par se relever pour revenir sur ses pas. « Viens avec moi, on va t’arranger des droits de visite. En attendant de trouver un endroit où vivre, tu peu… »
Sans tout de suite comprendre pourquoi, il se retrouva totalement incapable de terminer sa phrase. Une terrible douleur lui ceignait le cou, sur lequel il ressentait une pression terrible ainsi que la chaleur d’un liquide qui commençait à se déverser sur sa peau, à la manière d’une lente coulée de lave qui ne faisait qu’accentuer son mal. Derrière lui se tenait un Rudra aux pupilles lisses et vides, qui tenait entre ses mains une garrotte créée à partir de son pouvoir pour étrangler l’officier, son fil lui pénétrant lentement la chair.
« Ça n'a rien de personnel, désolé. Pardon, mais je n’ai pas d’autre choix par vrai ? C’est toi qui me l’a expliqué alors c’est bon, n’est-ce pas ? » Demanda le garçon dont le ton n’avait plus rien à voir avec celui qu’il avait employé quelques secondes encore auparavant. Plus de larmes, plus de morves, juste un murmure de mauvais augure à glacer le sang. «Je suis sûr que tu es un gars super, vraiment… Mais tu me dégoutes, je m’excuse. »
Sa victime tenta bien de se débattre mais étant donné que l’agresseur se trouvait dans son dos, elle ne parvint qu’à lui donner des coups mollassons, à lui tirer les cheveux ou lui griffer le visage, tout ça sans grand effet. Le phasme humain avait connu des choses suffisamment horribles pour ne pas se formaliser de quelques petites plaies et égratignures sur sa peau. Alors, le triclope continua à serrer la corde, jusqu’à s’arc-bouter pendant que la face de sa proie changeait peu à peu de couleur et jusqu’à ce que ses yeux ne se révulsent. Pile à ce moment, toute la résistance de l’homme se relâcha d’un coup et étant donné que le fruité avait mit énormément de force pour le maintenir en place et le faire suffoquer au plus vite, son garrot mordit net dans les entailles qu’il avait commencé à creuser pour découper net le soutien qu’il enserrait. N’ayant plus aucun support, la tête du macchabé roula sur le sol, la rigidité cadavérique lui ayant permis de garder son bâton de nicotine à la bouche, duquel s’échappaient encore des volutes de fumée.
Grisé par la vie qu’il venait de faucher, Rudra resta un moment immobile à observer la preuve de ses actes qui gisait au sol. On ne tarda pas à remarquer ce qu’il avait fait et on le trouva simplement à se balancer sur place, d’avant en arrière, avec un sourire candide sur la face. Lorsqu’on vint pour l’appréhender, il ne résista pas une seule seconde et se laissa rouer de coup en usant de toutes ses forces pour s’empêcher de siffler.
« Luger est pas là, alors je peux m’en servir et il dira rien, hein ? Hein ?! »
Puis, incapable de se contenir, il fut pris de son tout premier fou rire et quand il perdit connaissance cette fois-ci, il ne paniqua pas autant que la première fois. C’était le signe que son plan avait marché et qu’il allait retrouver ce qu’on avait voulu lui retirer de force. Ah, comme la vie pouvait être bonne, lorsqu’un plan se déroulait sans accroc.
Rudra D. Khan
Rudra D. Khan
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Sam 4 Mar - 0:55
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Rudra D. Khan
Histoire (suite & fin)
Chapitre IV : Karaï - Epicé
Du feu, des déflagrations et des cris. Des den-den mushis relayaient une alerte continue dans le Pénitencier des Fougères, qui se faisait sauvagement saccagé par une mutinerie dans laquelle Rudra et Calypso se retrouvèrent embarqués contre leur gré et sans avoir été informé des plans de leurs “collègues” au préalable. Au milieu du chaos, le duo se fit séparer et se perdirent rapidement dans la cohue générale. Pris de peur et le cœur battant à tout rompre, le triclope détalait à toute vitesse en hurlant le nom de son amie, jouant des coudes lorsque cela était nécessaire et faisant tout son possible pour éviter le moindre conflit qui aurait fatalement ralenti ses recherches.
Après trois ans à errer entre les murs de sa prison, Rudra avait fini par la maîtriser et la connaître comme le dos de sa main et pourtant, il fut totalement incapable de mettre la main sur la femme-poisson, qui était pourtant bien dur à rater en temps normal. Une fois ses ongles et ses lèvres rongées jusqu’au sang, ce qui demanda environ dix minutes, il se résolut finalement à chercher de l’aide en comprenant à quel point il pouvait être dépassé par les évènements. Recouvert de ses draps habituels qui ne laissaient voir que ses pieds, ses mains et sa bouche, il alpaga l’un des criminels qu’il avait appris à connaître et éviter, soit une description correspondant pour lui au 95% des taulards, en l’attrapant par l’épaule.
« HEY HEY ! ECOUTE MOI ! HEY HEY, DU CALME, HEY ! » Hurla-t-il à pleins poumons, la bouche ouverte en une grimace dérangeante. « HEY HEY, RÉPONDS À MA QUESTION ! HEY, ELLE EST OU CALYPSO ?! HEY ?! »
Le fait qu’il ait du mal à ordonner correctement ses pensées et surtout à les transmettre était certainement une barrière non négligeable, mais son erreur principale était certainement davantage de s’être interposé au milieu d’une mêlée générale qu’il avait jusque-là bien réussi à esquiver.
« Casse toi l’attardé, c’est pas le moment ! » Répliqua son interlocuteur rageur.
D’une rotation du bassin, ce dernier se retourna pour coller au perturbateur un puissant coup de coude retourné, qui l’envoya valdinguer en arrière. Rudra trébucha en arrière dans une perte d’équilibre burlesque et bascula en rencontrant violemment le rebord d’une fenêtre aux vitres renforcées et généralement fermées, mais qui avait été très vite démolie par la sauvagerie ambiante. Sonné par l’impact, il chuta comme une pierre sur plusieurs mètres et ne revint à lui qu’au moment où il pénétra l’eau glacée en contrebas. Immédiatement, il sentit ses forces commencer à le quitter et sombra dans la panique en même temps que les flots. Impossible ne serait-ce que de se débattre, il n’avait pour autre choix de couler peu à peu en sentant ses poumons se gorger d’eau en le faisant suffoquer sans espoir d’en réchapper. La mer qui lui sapait ses pouvoirs avait au moins le don de le mettre dans une certaine léthargie qui rendait la douleur presque tolérable mais le fait de sentir sa vie s’échapper encore plus mordant et terrifiant.
Calypso lui avait pourtant expliqué le réelle nature de sa malédiction, qu’elle lui avait appris à maîtriser à la hauteur de ses possibilités et il avait jusqu’alors porté une très grande attention à ne jamais se promener dans l’aile Est du pénitencier, côté falaise, alors qu’il s’y trouvait non seulement la cantine mais également la cour où les prisonniers passaient leurs quartiers libres. Tout ça pour se faire avoir bêtement, alors qu’il aurait pu simplement rester bien au chaud dans sa cellule et attendre que tout cela ne se tasse. Les autres taulards avaient beau être en moyenne un brin plus tolérables que le reste des personnes que Rudra avait rencontrées dans sa vie, il ne pouvait nier qu’il s’agissait surtout de bourrins sans cervelle dont il avait rapidement su se méfier. Cela dit, il n’avait visiblement pas été assez prudent.
Alors que sa vision commençait à se troubler, focalisée sur le seul rayon de lumière qui parvenait encore jusqu’à lui, un bruit étouffé retentit au-dessus du jeune maudit qui vit une figure angélique couronnée d’un voile d’argent flottant dans le courant, descendre dans sa direction. Est-ce que cet être de lumière venait réellement pour lui ? Il avait du mal à y croire et pourtant, la silhouette ondulée par le remou des océans ne cessait de se rapprocher sans faire mine de ralentir. Puis, il perdit connaissance.
Contrairement à d’habitude cependant, il ne vit rien du tout au cours de son inconscience et ne le réalisa même pas lui-même. C’était comme s’il avait cligné des yeux au milieu de l’eau pour se retrouver transporté par magie sur le bois solide du pont d’un navire en direction du large. Perché devant son visage se trouvait la mine inquiète de Calypso, pleine de blessures en tout genre. Il leva un bras fébrile vers sa joue et elle esquissa un sourire rassuré en lui attrapant la main pour la serrer dans la sienne. Le triclope s’agita autant que possible pour observer tout autour de lui, en se rappelant de la situation à laquelle il venait tout juste d’échapper. Sur le bateau, il remarqua avec amertume la présence de plusieurs évadés qui s’affairaient à répartir des provisions et du butin récupéré en hâte ou à s’organiser pour s’occuper de la navigation. Aussi loin qu’il pouvait le voir, en tout cas, il n’y avait rien d’autre que la large étendue azurée qui s’étendait jusqu’à l’horizon.
Avec un soupir de soulagement, il ferma les yeux et sombra dans un sommeil douillet. Cela était assez rare pour mériter d’être fêté, mais plus tard. Le lendemain. Pour l’instant, malgré ses doutes, ils avaient réussi et plus rien ne pourrait se dresser sur leur chemin. Toute la tension amenée par la perte du meilleur logis qu’il avait connu l’avait épuisé et il comptait juste faire un tout petit somme de rien du tout, avant de préparer la suite des évènements. Quelques dizaines de minutes, tout au plus.
Lorsqu’il se réveilla, bien des heures plus tard, il se leva en s’étirant longuement, tordant son corps de part et d’autre dans des positions incongrues en faisant craquer ses joints, expulsant un bâillement tonitruant tout au long de son rituel. Il secoua la mâchoire en faisant claquer sa langue sèche contre son palais, tout en se grattant le menton. Ne reconnaissant pas l’endroit où il se trouvait, il poussa un piaillement de terreur en reculant piteusement contre un mur qui lui arracha un second cri. D’un rapide coup d'œil, il comprit qu’il se trouvait dans une cabine sobrement aménagée mais confortable, sur un lit douillet dans lequel quelqu’un l’avait bordé avec tendresse et attention. Rougissant de la tête aux pieds, il remit ses vêtements bien en place en resserrant ses bandages pour bien se cacher au reste du monde, même s’il était seul dans sa pièce.
Le jeune homme se leva paresseusement pour se traîner vers l’extérieur en se frottant les yeux encore brouillés, pour aller retrouver la seule amie en qui il avait vraiment confiance. Même s’il avait dormi comme un loir, il s’était rappelé dès son réveil de la présence d’autres membres à bord et espérer trouver une raison de se séparer d’eux bientôt.
« Calypso..? » Appela-t-il en bâillant, la bouche grande ouverte.
L’aube avait quelque chose de rassurant et sublime au réveil. Ce moment d’entre-deux où le soleil s’apprêtait à repousser les ténèbres qui se faisaient déjà plus timides, habituées à cette danse vieille comme le monde. L’air marin lui chatouilla les narines et il en prit une gourmande bouffée à s’en faire gonfler le ventre comme un ballon de baudruche, avant d’expirer lentement par le nez pour profiter de cette sensation inégalable de fraîcheur et de liberté, tandis qu’un liquide chaud s’écoulait lentement sur ses pieds nus. Il était rare de pouvoir profiter d’un tel moment de silence et de paix, à l’exception de la coque du bateau qui fendait les embruns d’encre.
« C’est calme. Trop calme… » Énonça le garçon qui n’aimait pas trop beaucoup ça.
Puis, un bruit haletant qu’il n’avait pas encore détecté attira son attention sur quelque chose tout juste à la sortie de son champ de vision qui le rendit livide, bouche-bée. Les hommes dont il s’était méfié se tenaient là, manifestement éreintés et les yeux injectés de sang, surplombant une masse de chair malmenée qu’il reconnut aussitôt. Refusant d’y croire, Rudra s’avança d’un pas et recula de deux autres puis leva le pied, pour finalement se raviser. Intérieurement, il pouvait se sentir bouillir et le silence de la nuit se retrouva rapidement étouffé par le claquement effrayé d’une dentition colérique. Il avait peur. Peur de se retrouver à nouveau seul. Peur de ce qu’elle avait dû ressentir dans ses derniers instants, sans qu’il puisse lui venir en aide comme elle l’avait fait pour lui maintes et maintes fois. Peur de ce qui allait se passer ensuite alors qu’il n’avait plus aucun allié dans le monde et que tout autour de lui n’existait qu’une gigantesque tombe aqueuse contre laquelle il ne pouvait rien.
Plus que tout autre chose, il avait peur qu’éventrer et déchiqueter les coupables ne soit pas suffisant pour attiser le feu qui commença à brûler en lui.
« J’ai chaud… Au secours… Aide-moi Calypso, aide-moi… »Sanglota-t-il en essayant de se rafraîchir en créant de nouvelles couches de tissu, ce qui se révéla très étonnamment bien inefficace.
Les épaules et son corps malingre secoués par ses larmes, il s’agrippa le crâne entre les mains en serrant de toutes ses forces en tombant à genoux. Quelques mètres à peine plus loin, les assassins se retournèrent finalement vers lui après avoir enfin capté sa présence. La chiffe molle roulée en boule commença à vibrer sous l’impulsion d’un rire nerveux, entrecoupés de pleurs, le tout échappant totalement à son contrôle.
« Il est totalement con ce pédé ma parole… » Conclut l’un d’entre eux en secouant nonchalamment la tête.
Puis, celle-ci s’échappa de son cou pour rouler sur le sol sous le regard abasourdi de ses compagnons. Le second fut percuté par une ombre furtive qui se rua sur lui à la vitesse d’une balle, pour planter une planche de bois arrachée au bastingage qui le transperça de la mâchoire jusqu’au cerveau. Les corps tombèrent comme des mouches, avant qu’ils n’aient le temps de comprendre quoi que ce soit. Désormais seul sur le pont, les draps blancs qui le recouvraient entièrement imbibés de sang, Rudra continua à geindre ouvertement en direction du soleil qui se levait devant lui pour couvrir l’esquif de ses rayons lumineux.
Aux pieds du triclope se trouvaient une pile de cadavres démembrés et charcutés, en cercle autour du cadavre d’une femme-poisson haltérophile, tailladée et ensanglantée. Il l’attrapa dans ses bras malingres et se hissa tout en haut du mât, pour se réfugier dans la nacelle sécuritaire de la vigie. Là, tout en continuant de brailler, il se tissa un cocon avec le cadavre encore chaud de sa camarade, qu’il serra contre lui de toutes ses forces. Il n’avait plus du tout sommeil mais utilisa le moindre de ses muscles pour fermer ses paupières avec détermination dans l’espoir de plonger dans les bras de Morphée une dernière fois pour ne plus jamais se réveiller. Grâce à une volonté étonnante, il parvint à y arriver, coupant court à sa panique.
Malheureusement, un peu avant les coups de midi, le gargouillement de son ventre le réveilla contre son gré et de fort mauvaise humeur. L’odeur dans laquelle il baignait, elle, commençait à devenir tout bonnement insoutenable.
Aftermath : Atoaji - Arrière Goût
Suite à ses mésaventures, Rudra erra seul sur les mers dans le but de se trouver un havre de paix inhabité par l’Homme, ne mettant que très rarement les pieds sur une île pour se ravitailler en évitant autant que possible de rencontrer le moindre être vivant. Si au départ, l’hypothèse de se retrouver sans personne avait bien failli le faire mourir de peur, il s’était vite convaincu qu’en comparaison avec d’autres moments de sa vie, ce n’était peut-être pas si mal, finalement. A force de devoir se débrouiller comme il le pouvait, il avait fini par apprendre à comprendre et apprivoiser l’océan, comme un adversaire respectable, qui suivait des codes et parlait un langage compréhensible à qui tendait correctement l’oreille.
Au cours de ses pérégrinations, il se heurta également à toute sorte d’obstacles qui ne firent que renforcer ses préjugés déjà bien établis. Il découpa ce qui lui semblait être des hordes de mercenaires et de marines, qui avaient la fâcheuse tendance à se jeter sur lui dès qu’ils apercevaient son air louche et sa propension à fuir à toute jambe dès qu’on osait ne serait-ce que l’avoir dans son champ de vision. Des pirates et des brigands tentèrent de s’en prendre à lui pour lui voler son bateau pourtant en piteux état et piller tout ce qui pouvait l’être (en réalité, rien d’autre que de la nourriture) mais il avait prit l’habitude d’en faire des petits cubes qu’il ajoutait à ses stocks et avec lesquels il réalisait un bouillon mortel. Bien sûr, il oubliait systématiquement de leur demander le moindre renseignement et questionnait régulièrement des tas de viande dans lesquels il espérait vainement pouvoir extirper un ersatz de vie.
Fort heureusement, il finit par rencontrer un compagnon de voyage quand il commença à se sentir perdre la tête, un fait bien alarmant en soi. Il s’agissait d’un jeune esclave qui servait de mascotte pour une bande de troubadours des mers. Namae Onamae, un humain tout ce qu’il y avait de plus banal et que Rudra libéra et prit sous son aile sans la moindre once d’hésitation, le considérant instantanément comme son nouveau meilleur ami. Fort heureusement pour le garçon qui comprit très vite ce à quoi il avait échappé, il se trouvait à ce moment-là dans son costume de scène, une grosse combinaison recouverte de faux-poil et avec une grosse tête cartoonesque d’un animal abstrait, qui aurait pu être un chien, un chat, un renard ou n’importe quoi dans le genre, vêtu d’une salopette en jean. Nom de couverture qu’il avait trouvé sur le fil du rasoir lorsque le triclope avait fini par lui demander comment il s’appelait, au bout de plusieurs mois de voyages ? Wolfred Manimalius.
Malgré sa condition, Wolfred avait eu l’occasion de beaucoup voyager et de fréquenter beaucoup de personnes venues des quatres coins de la planète et il proposa à son sauveur plusieurs endroits où s’établir. Ensemble, ils décidèrent de prendre le cap de Torino, où ils espèrent pouvoir trouver la paix auprès des oiseaux géants et s’envoler avec eux pour se percher en haut des plus hautes montagnes imaginables, à l’abri de tout et tout le monde, des kilomètres au-dessus du vide en proie à des vents implacables qui rendrait tout moyen de les atteindre totalement impraticables.
Un véritable rêve.
Rudra D. Khan
Ghetis Archer
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Sam 4 Mar - 11:54
Bon retour parmi membre des fondateurs, je m'occupe de ta prez dans le weekend !
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Ghetis Archer
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Sam 11 Mar - 4:05
Présentation et premier RP A lire attentivement !
Indice de notation des présentations
La présentation sera toujours notée sur 15 comme ceci:
La qualité du texte sur 9/10
L'originalité 1.5/2 La mise en page 2/2 La cohérence du récit 2/2 La narration 2/2 L'avis personnel 1.5/2
Le respect du français 10/10
Le vocabulaire 2/2 La grammaire 2/2 L'orthographe 2/2 La conjugaison 2/2 La ponctuation 2/2
La quantité du récit 6/6
Environ 15k mots d'histoire pour environ 2.5K mots sur les descriptions
Points bonus 4/6
Score final 31/32
29/32*15= 13.59 = 14 lvl
Bon retour sur le forum !
Une présentation agréable à lire, le style est assez propre et fonctionnel. Il est très descriptif sur des phases, mais pas trop sur les moments de "combat". Je dirais qu'un peu plus d'introspection aurait pu être un bon plus.
Tu as un vocabulaire fourni qui alterne entre synonymes peu fréquents et vocabulaire plus "abordable".
Les seuls bémols de la présentation, selon moi, sont les phases de combat un peu expédiées et la fin de certains chapitres où il y a un manque de finition je dirais. C'est-à-dire "c'est la fin du chapitre, on compile tout et on passe au suivant".
La présentation n'en reste pas moins très bonne et intéressante.
Hâte de voir le futur de ce personnage !
Tu peux à présent faire un choix parmi les suivants : -> Corriger ta présentation pour tenter d'avoir une meilleure note encore. -> Entrer directement dans le monde du RP au niveau 15. -> Passer directement au test RP pour gagner jusqu'à 5 niveaux supplémentaires. -> Passer directement au test RP contextualisé pour gagner jusqu'à 5 niveaux supplémentaires et t'insérer dans l'histoire du forum.
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Rudra D. Khan
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Sam 11 Mar - 10:31
Hey coucou, merci pour la notation et les remarques ! Je vais partir directement sur le texte rp contextualisé, good sir !
Rudra D. Khan
Ghetis Archer
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Sam 11 Mar - 20:45
Lors de son pèlerinage en direction de Torino, Khan arrive sur un grand navire marchand, servant en réalité de navire de braconnier. Là-bas sont vendus des animaux exotiques de Seas Blues. En arrivant sur le navire, il assiste à la neutralisation de Ran, un ange à trois yeux, cachant son troisième oeil.
Ran est originaire de Plague Island, île du Nouveau Monde, mais à quitter l'île jeune, il n'en connait pas grand chose. En quittant Plague Island, Ran a d'abord vécu sur Hunter Island où il adhéra au culte du Chaos, un culte vénérant l'idée que la vie humaine doit être éradiquée afin que le monde connaisse un renouveau.
Puis Ran quitta Hunster Island afin de répandre ce culte dans le monde. Profond défenseur des animaux, il souhaitait libérer, de la tyrannie humaine, les animaux du bateau où vous êtes, mais c'est fait arrêter par les braconniers.
Khan pourra discuter avec Ran qui est enfermé dans une cage sur le pont. En voyant le troisième oeil de Khan, Ran lui montrera discrètement le sien et demande à Khan de l'aider à libérer les animaux du navire.
A la fin si Khan y parvient, il s'attirera la sympathie d'un bébé oiseau de Torino que Ran lui demandera de ramener sur l'île de Torino, pendant que lui se charge de ramener les autres animaux.
-----------------
Il y a d'autres civils sur le bateau, mais tous achètent librement ce genre d'animaux issue du braconnages.
Il y a une trentaine de braconniers en tout.
Les animaux sont variés.
Pour ce Rp considère que tu es niveau 20, soit luffy fin de l'arc Logue Town. Il sera important d'y utiliser ton fruit du démon.
La récompense finale te sera révélée selon la fin du RP.
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Rudra D. Khan
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Mar 14 Mar - 23:32
Rudra D. Khan
Test Rp
« Non… Tout mais pas ça… Ils vont me tuer… » geignit un triclope emmaillotté dans plusieurs couches de textile, tremblant sur le port de l’île de la Muerte. La Mort, en espagnol.
Rudra D. Khan et son compagnon Wolfred Manimalius s’étaient tous les deux retrouvés bloqués sur cette île quelques jours auparavant, suite à une altercation non loin de là avec des forbans de hautes mers à qui ils n’avaient pas vraiment pris le temps de demander l’allégeance. S’ils avaient pu s’en sortir victorieux sans trop de mal, pour le bateau qu’ils se trimballaient depuis leur rencontre, ce fut la goutte d’eau. Les natifs n’avaient malheureusement aucune embarcation prête à affronter la fureur des océans et pour un fruité paranoïaque comme Rudra, il était tout bonnement impensable de ne serait-ce qu’imaginer continuer l’aventure sur un esquif pouvant présenter le moindre risque.
Plongé au summum du désespoir, il pensa abandonner ses projets et son envie de se rendre sur Torino pour se reconvertir en tant que planteur de caroubiers, la spécialité locale. Pendant plusieurs jours, il avait même fait peur à Wolfred pour la toute première fois, lorsqu’il commença à lui présenter après plusieurs nuits d’insomnie des plans d’investissements et d’exploitation agricole dans les parties les plus recluses du territoire et se faire une nouvelle vie. En tout, il avait concocté quatre scénarios eux-mêmes divisés en plusieurs sous-catégories, ce qui aurait sans doute pu être plus impressionnant, si deux d’entre eux ne consistaient pas simplement à influencer en sa faveur la balance de l’offre et de la demande en assassinant les autres producteurs locaux et un troisième simplement composé de deux étapes : “Planter des caroubiers” relié par une flèche à “Faire du bénéfice”.
Fort heureusement, juste avant qu’il n’en arrive à un point de non-retour, une autre alternative se présenta finalement à eux. Un navire marchand fit escale sur l’île de la Muerte, afin de se refaire un stock et de proposer certains de leurs produits aux habitants, notamment ce qui semblait être de la nourriture exotique. Rudra refusa catégoriquement de s’y intéresser en premier lieu, convaincu du bien fondé de sa nouvelle idée, il commença à réfléchir à une technique pour dresser un tamis de fil sur une grande surface de terre pour la retourner et tenter non seulement de la délimiter mais également la préparer à recevoir de premières graines. Ce n’est qu’après plusieurs discussions avec Wolfred, qui négocia principalement avec l’estomac de son sauveur pour le convaincre, que Rudra finit par abandonner son nouveau projet pour revenir sur son ancien. Après tout, il n’était pas vraiment fan de caroubes en soi. Et s’il les cultivait simplement pour les échanger contre d’autres fruits identiques, étant donné que rien d’autre ne poussait dans le coin, il n’était pas bien sûr d’en voir l’intérêt, avec un peu de recul.
Cependant, c’était comme choisir entre la peste et le choléra car si le Nether Titty était un bon gros galion massif et bien sécuritaire, il grouillait non seulement de matelot et de personnel mais aussi de toute une bande de civils et potentiels acheteurs qui semblaient s’être intégré au voyage comme s’il s’agissait d’une croisière. Sans même avoir mis le moindre pied sur le pont, il pouvait déjà entendre ses propres pensées étouffés par les discussions intéressantes et bruyantes qui se déroulaient un peu partout aux alentours, couplées à des odeurs de transpiration qui remontaient avec l’air marin à chaque bouffée d’air et une chaleur humaine qui ne faisait qu’amplifier la hargne des rayons qui battaient sur son crâne. Après avoir tapé du point contre les planches du ponton, il décida finalement de tourner les talons et de retourner à son terrain. S’il en croyait son intuition, la pleine lune n’allait pas tarder à montrer le bout de son nez. Un bon moment pour les semences.
Toutefois, avant qu’il n’ait le temps de s’éclipser de nouveau, Wolfred joua son rôle auto-attribué de garde-fou et attrapa son ami par l’épaule.
« Ecoute frère, t’es pas chaud, je capte. » Commença-t-il, son masque ne rendant pas vraiment justice au ton grave qu’il avait essayé d’employer. « Qu’est-ce que tu vas en foutre, de tous tes arbres ? »
Arrêté dans sa tentative d’évasion, Rudra prit un instant avant de retourner la tête très lentement vers son camarade, qu’il observa en se grattant distraitement la nuque. Wolfred était l’une des rares personnes qu’il pouvait regarder directement dans les yeux et il aurait pu reconnaître son visage entre mille. Ses yeux lisses et vitreux et son gros visage touffu perpétuellement immobile.
« Je mets mes caroubes où je veux, Wolfred. » Répondit-il, sur un ton très sérieux. « Et c’est souvent dans la meule. »
Prit de court, le faux Mink dut rassembler ses esprits avant de répondre, sentant que s’il ne faisait pas rapidement mouche, il allait vraiment devoir se reconvertir en péquenaud lambda et avec son costume, il ne se voyait pas vraiment trimer chaque jour sous le soleil brûlant.
« Elle est petite cette île gros. Pour l’instant, on a évité la plèbe mais si on chope un terrain et qu’on se lance dans le biz… On va avoir des clients. On va avoir des voisins… Peut-être même… » Fit planer Wolfred, qui forcait autant que possible l’angoisse dans sa voix. « Des connaissances..! »
Le temps que le garçon cligne des yeux et Rudra s’était volatilisé, comme une ombre. La mascotte reconnaissait bien là celui qu’il avait décidé de suivre. Rapide, furtif, imperceptible. A peine avait-il saisi la réalité de la situation qu’il avait déjà dû commencer mettre en exécution un plan d’infiltration pour pouvoir s’immiscer incognito dans le bateau qui serait leur ticket hors de ce maudit bout de terre isolé. Un véritable coup de génie, un…
« Un cauchemar ! Une divine mascarade ! » Hurla le triclope, recroquevillé dans un cocon qu’il avait tissé sur le sol, tout simplement en dehors du champ de vision restreint de son nakama. « Bloqué en pleine mer avec des gens ou ici, obligé de… d’apprendre leurs noms ?! Immonde ! »
La situation commençait à déraper hors de tout contrôle et aucun des deux ne savait combien de temps le navire allait rester à quai. Alors que la situation semblait totalement désespérée et que Rudra se lamentait sur le sol, une altercation sur le Nether Titty l’arrêta net dans ses jérémiades, spectacle auquel on ne pouvait assister qu’une fois dans sa vie, selon la légende. Trois types aux épaules massives semblables à des pêcheurs de l’extrême débarquèrent en passant à tabac un type à coup de matraques. L’oppressé portrait un large turbant déjà plein de sang sur le crâne et même s’il avait beau être en forme, faisait bien pâle figure en comparaison et même s’il réussit à placer quelques crochets et un uppercut dans des mâchoires, il se retrouva rapidement dépassé par l’avantage numérique.
Il avait une mâchoire carrée et prononcée, qui semblait taillée dans le marbre et encaissait chaque assaut avec bravoure, la mâchoire fermement maintenue en place. Sa bouche était gonflée par les coups et sanguinolente, se déformant dans une grimace douloureuse sous le poids des impacts mais malgré tout, ses deux yeux noisettes brûlaient d’une fureur indescriptible. Dans le dos, visible au travers de ses guenilles, il possédait une petite paire d’ailes aux plumes soyeuses , qui achevèrent de piquer l’intérêt du triclope. Captivé par ce à quoi il était en train d’assister, le triclope était dans l’incompréhension la plus totale mais était comme incapable de bouger, ne serait-ce que pour se gratter la tête pour se débarrasser du noeud que la scène lui faisait au cerveau. Quelque chose clochait. Quelque chose sur lequel il n’arrivait pas tout à fait à mettre le doigt. Pour mieux y voir, il ouvrit son masque de tissu pour porter un regard direct sur la scène même si cela revenait à s’exposer à l’air libre.
« Son visage… Non, non, je ne comprends pas. » Murmura-t-il, pensif tandis que l’escarmouche touchait à sa fin. « Il faut qu’on monte sur ce bâteau. »
Soulagé, Wolfred s’accorda une petite danse de la victoire en remerciant sa bonne étoile, avant que le duo ne commence à chercher un moyen de jouer les passagers clandestins, une fois de plus. Ils s’étaient immédiatement imaginé un scénario digne des plus grands romans d’espionnage, mais leur objectif était en réalité une simple formalité, étant donné que les marchands acceptaient à peu près n’importe qui à bord sans trop s’encombrer de la moindre vérification et qu’une partie de leur passagers se trouvaient être des marines enthousiastes de toute sorte de carouberies qui avaient décidé de se payer une petite permission de quelques semaines sur l'île de la Muerte, libérant bien plus de place que nécessaire pour ceux qui souhaitaient se joindre à la traversée.
En dépit du manque d’intérêt ou de méfiance que semblaient lui porter le reste des vacanciers fortunés, il resta à l’écart jusqu’à ce qu’il finisse par quitter le port, sans même parler à son compagnon et se contentant de marmonner accroupi dans un coin, ne laissant que sa bouche et ses doigts dépasser de ses montagnes d’habits pour se ronger les ongles jusqu’au sang, ce qui ne manqua pas de lui ouvrir l’appétit. Une fois en pleine mer et la plupart des gens occupés à faire bronzette dans leur coin ou à faire des galipettes dans leurs cabines, Rudra décida finalement d’aller découvrir son nouvel environnement, à la manière d’un animal craintif.
Sur le pont inférieur qui semblait servir pour stocker un surplus de cargo, il n’y avait pas âme qui vive et il s’y glissa sans un bruit, suivi de près par son acolyte. Dans l’espace exiguë entre d’imposantes conteneurs recouverts de bâches épaisses et opaques, la navigation n’était pas facile mais cela avait l’avantage de fournir un ombrage satisfaisant qui protégeait non seulement des rayons insidieux de l’astre solaire mais aussi et surtout de celui encore plus terrible du regard de la populace.
Un endroit parfait pour le triclope, du moins en théorie. Quelque chose le dérangeait, le ramenant plusieurs années en arrière lorsqu’il n’était encore qu’un enfant pour qui le monde entier n’était qu’un énorme point d’interrogation abstrait et qu’on lui cachait les véritables ficelles du monde. Tant et si bien qu’il ne remarqua même pas s’être retrouvé seul. Il aurait pu tout simplement dormir là, peinard jusqu’à la prochaine escale, mais une sensation désagréable lui faisait trembler l’échine. Pas à pas, il s’avança entre dans l’ombre en effleurant les sangles qui maintenaient le tout en place du bout des doigts. Tout le long de ses phalanges des fils s’extirpèrent hors de la peau en grouillant comme des vers, se prolongeant jusqu’à laisser dépasser des filaments translucides comme des tentacules de méduse.
« Il faut que je regarde, sinon je ne pourrais pas dormir. Mais si je regarde, on va se rendre compte que je suis passé par là. Comment est-ce qu’on remet ces trucs ? Comment est-ce qu’on enlève ces trucs ?! » S’inquiéta progressivement le maudit, incapable d’empêcher ses dents de claquer les unes contre les autres. « Graaaaah ! Je n’peux pas, je ne sais pas et je reste planté là ! »
Dans une contorsion paniquée de ses appuis, du bassin et des épaules, il balança ses bras dans un geste dramatique pour appuyer sa détresse. Sans un bruit, les fils rasoirs du jeune Khan claquèrent comme des fouets minuscules, en lacérant au passage toute une rangée de bâches, qui s’effilochèrent au vent devant un triclope livide.
« Oops. »
Sa maladresse révéla plusieurs cages énormes, aux barreaux épais et hauts de plus de deux mètres. Dans la première, il découvrit un couple d’énormes lapins des neiges dont la fourrure blanche était noircie par la crasse, exténués, protégeant de leurs corps massif toute leur portée de petites bêtes duveteuses qui grelottaient de peur. Dans la seconde il trouva un bovin des mers, rare spécimen qui barbotait dans un aquarium bien trop petit, le regard vitreux perdu dans le vide. Il y avait d’autres espèces rares, tous semblants plus misérables les uns que les autres, couverts de blessures et de leurs propres déjections, enfermés dans des conditions insalubres. Comprenant rapidement la situation, Rudra sentit ses nerfs se tendre mais avant qu’il n’ait le temps d’agir, c’est la dernière cage tout au bout de celles qu’il avait dévoilées, à l’intérieur de laquelle se trouvait un humanoïde qu’il reconnut instantanément : Celui-là même qui s’était fait passer à tabac, une heure plus tôt.
Comme hypnotisé, il s’approcha du captif pour s’accroupir devant lui et se mettre à sa hauteur.Enroulé dans ses vêtements à la manière d’une momie intégrale, Rudra décida de son plein gré de créer une ouverture sur le masque de toile qui lui entourait le visage, scindant en deux le tissu qu’il avait lui-même créé à l’aide de son fruit du démon pour se retrouver nez à nez avec un parfait inconnu. Il resta un instant immobile, sans rien dire, à essayer de déchiffrer l’air de celui qui lui faisait face. Suite à une bonne minute de profond silence, c’est finalement le prisonnier qui s’exprima le premier.
« Tu m’as fait peur, mon frère. » Dit-il en toute simplicité en retirant son épais turban couche après couche mais juste assez pour dévoiler son front brièvement, révélant un troisième œil carmin très similaire à celui de Rudra. « Il faut que l’on fasse vite, si on veut tous pouvoir libérer ces pauvres bêtes à temps. »
Rudra, toujours sous le choc de sa découverte, tourna la tête à droite puis à gauche, où il ne se trouvait rien d’autre que le bastingage donnant directement sur l’océan. C’était bien la première fois qu’il rencontrait un autre être comme lui et ce dernier ne lui laissant pas le moindre temps de répit avant de lui envoyer la suite du programme à la gueule. Pour compenser le stress que lui faisait ressentir cette discussion inattendue, il commença à se ronger goulument la lèvre inférieure tout en se grattant frénétiquement les paumes avec ses ongles.
« Hey, tu sais où elle est passée ma mère, dis ? Dis ? » Demanda-t-il en penchant la tête sur le côté, changeant de posture pour se retrouver assis par terre, en serrant ses genoux repliés contre sa poitrine à l’aide de ses bras. « Je l’ai perdue. »
L’ange a trois yeux papillonna des paupières suite à une réponse qui n’était manifestement pas celle qu’il avait attendue. Avant de continuer à parler, l’inconnu décida de se relever sur ses appuis afin de regagner un peu de prestance en dépit de ses blessures.
« Désolé, je n’ai aucune idée de où se trouve ta mère. Tu es la première personne que j’ai vu avec trois yeux, sur cette mère. » Le timbre de sa voix était monotone, ce qui avait un côté extrêmement apaisant même si son témoignage ne l’était pas tant. « Je m’appelle Ran. Je sais que tu ne t’attendais surement pas à ça en mettant les pieds sur ce bateau, mais si je suis encore dans cette cage quand ils finiront par se rendre compte de ce que tu es et ce que tu as fait, je serais incapable de te venir en aide. »
Suite à cet avertissement, Rudra déglutit en devenant tout pâle alors qu’il se sentait pris de vertige. Certes, il avait suffisamment l’habitude de se faire passer à tabac pour ne plus vraiment être surpris lorsque ça arrivait, mais cela ne voulait pas dire que l’activité le réjouissait particulièrement. Il fallait rapidement trouver un moyen de gérer cette situation mais il n’avait pas de clef sous la main ! A tout moment, les trois types patibulaires allaient débarouler et lui casser les dents. Les mêmes déchets surement responsables pour tout ce lugubre spectacle.
« Aaaaaaah, il faut que je te sorte de là tout de suite, Ran, tout de suite ! Sinon comment je vais aller à Torino ?! » Paniqua le triclope qui commença à pianoter des dents sur ses ongles pour se les ronger sur un rythme ininterrompu.
« Et ! Toi là, qu’est-ce que tu fous ici ?! » Tonna soudainement une voix dans son angle mort.
« KYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!!!! » Hurla le pauvre jeune homme dont le coeur bondit littéralement dans la poitrine, repliant son masque dans un réflexe instinctif en comprenant qu’il n’était plus seul avec son nouvel ami.
Il se retourna d’un geste vif en dégainant deux fils qui s’extirpèrent de son majeur et son index gauches, balayant l’espace devant lui d’un puissant revers du bras. Les deux excroissances se prolongèrent sur plusieurs mètres, fouettant à l’aveuglette jusqu’à atteindre ceux qui venaient de prendre le passager clandestin la main dans le sac. Dans un bruit de claquement sec, le maudit lacéra en profondeur le visage de deux types brandissant des machettes, dans une giclée de sang et de cris de douleur aiguë.
« Ils vont alerter tout le monde, fais quelque chose ! » Somma Ran, totalement impuissant dans sa situation.
« Non, non ! Taisez-vous ! Taisez-vous ou tout le monde va vous entendre ! » Scanda Rudra en hurlant à son tour.
Soudain, sortant de la cale, Wolfred fit son apparition. Tel un véritable héros, il ne perdit pas un instant et baissa la main vers ses hanches où se trouvait un holster contenant une arme de poing massive, qu’il pointa à l’arrière du crâne d’un des deux sabreurs ensanglantés, avant d’appuyer sur la détente. Boom. Expirant au moment de la déflagration, il pivota son corps pour aligner son bras sur le deuxième énergumène. Boom. Quelle classe il avait, ce Wolfred ! Décidément, Rudra avait bien fait de le prendre sous son aile, pensa-t-il, dans un soupir de soulagement. Pour la discrétion, par contre, il faudrait repasser.
« Ouais alors, c’est blindé non seulement d’enfoirés, mais de fils de pute aussi. Ils ont essayé de me choper, tellement j’suis un spécimen rare. Aucun rapport avec la clandestinité. Aucun ! »
« Combien ? » S’enquit Rudra, qui connaissait bien les capacités d’éclaireur de son nakama.
« De ce que j’ai pu voir, pas plus de trente. Sans compter ces deux-là, on va dire, pour pas avoir de mauvaise surprise. »
Trente personnes encore ? TURENTU ?! Il commença à hyperventiler, obligé de s’appuyer sur l’une des cages pour pouvoir maintenir son équilibre alors qu’il suffoquait en plein air tel un poisson hors de l’eau. Le danger allait donc arriver droit sur eux à la vitesse d’un cheval au galop, avant qu’ils ne puissent vraiment se préparer. Cool. Tout autour d’eux, la mer, véritable danger mortel et potentiel tombeau pour n’importe quel utilisateur de fruit. Cool cool cool. Toujours pas de clef pour Ran, du coup ça allait être quoi, du deux contre trente ? Et si dans les passagers se trouvait un combattant exceptionnel qui décidait de se ranger du côté des braconniers ?
Dans un instinct de survie, il glissa vers l’arrière pour aller se recroqueviller contre une cage en s’isolant dans un cocon de tissu tressé de sa propre création. Il avait si peur qu’on ne vienne s’en prendre à lui qu’il commença à sécréter du fil sortant à la base de sa forteresse personnelle. Rudra déploya tout un réseau de fils arachnéens à même le sol, les maintenant le plus fin possible en les laissant pendre du bout de ses doigts pour les faire ramper sur le pont, érigeant son premier système de détection et de défense. Depuis le confort de sa protection, il pouvait ainsi repérer tout ceux qui pénétraient dans un large cercle tout autour de lui en marchant sur ses filaments. Même si depuis le temps qu’ils voyageaient ensemble, il avait fini par apprendre à reconnaître la corpulence et la stature de Wolfred au travers de ses senseurs, ce dernier avait déjà suffisamment servi de dommage collatéral pour savoir qu’il fallait mieux éviter le moindre mouvement, une fois dans ce périmètre.
« Oooooh, World Wide Web, protège-moi de ceux qui me veulent du mal ! » Pleurnicha-t-il, juste avant de ressentir des vibrations provoqués par des pas à sa gauche. « On va commencer par les plus faibles. On va écrémer les troupes, sinon, ils seront beaucoup trop. Trente. Trente c’est bien trop. »
Dès qu’il sentait le moindre passage sur son filet de sécurité, il commençait à se focaliser sur cette partie en particulier pour transformer son système de détection en piège mortel. Les fils s’accrochaient fermement à la cheville de ses proies, déchirant les vêtements et la peau, permettant non seulement d’attaquer directement les tendons mais aussi de faire perdre l’équilibre à ceux qu’il attaquait pour les faire tomber la tête la première par terre, là où se trouvait tout le reste de son mécanisme. Détestant le moindre détail au hasard, il profitait de ce moment pour saucissonner ses victimes comme des petits gigots avant de resserrer sa prise dans un lent mouvement de torsion.
« Arachne’s Feast. » Murmura-t-il, roulé en boule.
Une prise, deux prises. Trois, quatre. Dix. Aux quatre coins du bateau, d’horribles cris d’agonie retentirent tandis que les braconniers tombaient comme des mouches, face à l’incompréhension la plus totale. Quinze. Vingt. Incapables de se défendre ou de rompre les liens qui les emprisonnaient, ils ne pouvaient que sentir les cordes de piano pénétrer leur chair sans pouvoir y échapper, dans une torture froide et détachée. Puis, une fois suffisamment de pression exercée et leurs corps compressés et tordus dans des positions incongrues, le système de hachoir se relâchait d’un coup, tronçonnant chacun de ceux qui avaient eu le malheur de se faire attraper en un tas de gros dés de viande difforme.
En même temps que le son de la panique et de l’horreur se répandait sur le navire, au pont désormais tapissé d’entrailles et d’hémoglobine, une vague d’apaisement ensevelit Rudra tout entier, qui pouvait littéralement compter le pourcentage de risque chuter à vue d’oeil. Comme pour appuyer la symphonie de cris et de pleurs, plusieurs détonations familières se firent entendre alors que le jeune Manimalius remplissait sa part du boulot. Un peu plus loin, l’ange observait la scène ou du moins le peu qu’il pouvait en voir entre ses quatre murs de barreaux, ayant peine à croire à ce qui était en train de se passer.
[color=#000000] 9900]« Combien ? » S’exclama une voix plaintive et étouffée, alors que la toile se retirait progressivement.
« Pfiou, ça a bien chuté là mais il reste des gros morceaux. Une demie-douzaine, en plus des trois gros bras là. » Dénombra le faux Mink en utilisant ses doigts pour compter les survivants. « Va falloir que tu sortes Rublargh ! »
« Rudra, pas Rublargh. Qu’est-ce que tu racontes, Wolfie ? » S’insurgea-t-il en sortant de sa cachette tel un majestueux mais maladif papillon. « GASP ! »
Face à lui se trouvait toujours Wolfred mais assommé au sol, la tête écrasée par la large botte d’une des trois armoires à glace encadrée par ses deux sosies. A son cou il portait un collier au bout duquel pendait un large trousseau de clefs rouillées. Le triclope serra la mâchoire et les poings en voyant la façon dont on venait de traiter son ami tout en continuant d’évaluer la menace toujours présente. Si jamais il se défendait maintenant, nul doute que Wolfred allait en payer les frais. En soi, à titre individuel, ils n’avaient pas l’air si fort que ça et pourtant, juste avec leur nombre et leur fourberie, ils arrivaient à devenir une menace. Il n’y avait aucun moyen de contenir une telle engeance, si ce n’était par la manière forte. C’était de leur propre faute, après tout.
« Cloportes. » Cracha-t-il avec dégoût en grinçant des dents. Puis, d’un coup sec, il frappa ses deux mains l’une contre l’autre. « Safe Space. »
Faisant coulisser ses paumes l’une contre l’autre, il forma un rectangle en joignant son pouce droit avec son index gauche et inversement en repliant le reste de ses doigts. Tout son corps fut pris de palpitations soudaines tandis que tout le tissu autour de son corps commençait à s’affoler, bondissant de part et d’autre jusqu’à ce qu’une gerbe de fils ne vienne inonder toute la distance qui séparait Rudra et celui qu’il estimait être le capitaine du Nether Titty. A la manière d’une horde de serpents, les liens serpentèrent jusqu’à leur cible pour simplement la contourner, érigeant tout autour de celle-ci un large cube, au milieu duquel ne se trouvait plus que Rudra et son opposant, les yeux dans les yeux. Au-dehors, les renforts essayaient de trancher et frapper l’étrange construction qui était apparue, en vain.
« Super ! Whooptie doo mon gars ! Ca va pas m’empêcher de fumer ton petit pote avant de te faire ta fête. J’ai pas besoin de mes hommes pour… » Se vanta le Capitaine méchamment interrompu par deux vrilles qui s’étaient plantées dans ses épaules, façonnées dans le plafond du Safe Space.
« Tais-toi, j’ai peur que ta connerie me contamine. » Ordonna Rudra d’un coup sec, les bras et les mains tendus.
Refermant son poing droit en le tournant sur lui-même, il commença par envelopper son ami dans un manteau protecteur avant de passer à la suite. Agrippant le vide de sa main gauche, il tira d’un coup sec et se retrouva brutalement propulsé en avant, dévorant la distance qui le séparait de son adversaire en un claquement de doigt. Il le dépassa avant qu’il n’ait le temps de réagir, lui ouvrant le flanc à l’aide d’un fil rasoir tendu tout le long de son bras droit. De son dos sortait tout un réseau de câbles tendus, plus épais et espacés qu’auparavant, qu’il avait déployé sur son passage, créant une structure aérienne dans toute la surface de son cube.
« Att… Attends, on peut s’arranger ! » Supplia le pauvre homme après avoir rapidement ravalé sa bravoure en saisissant le guet-apens dans lequel il s’était jeté.
« Moira’s Thread : Lachesis. »
Au bout de sa course, Rudra prit appui sur une corde tissée qui servait de base à sa technique mais également de tremplin. Renvoyé en arrière grâce à une propulsion assistée par un système de poulie dans son dos, il taillada sa proie à la cuisse et au talon droit, l’obligeant à poser un genou à terre. Bondissant de corde en corde au sein du ring en trois dimensions qu’il avait érigé, il continua à se jeter sur son opposant à toute vitesse en prenant des directions aléatoires pour l’empêcher de réagir. A chaque nouveau passage, il lui prélevait un petit peu plus. De la peau pour commencer, puis de la chair, rongeant les muscles jusqu’aux os. Le capitaine relâcha rapidement sa pression sur son otage et s’effondra sur le côté, se ramassant autant que possible pour défendre ses parties vitales à l’aide de ses membres, en proie à un châtiment qui s’étira le temps d’interminables minutes.
« Assez… Arrête… Pitié… » Sanglota l’homme en plein supplice.
Le triclope s’arrêta en plein air, suspendu par le dos et en pianotant doucement dans le vide, il se laissa retomber tranquillement sur ses appuis. En expirant lourdement, il s’approcha en marchant doucement vers son gibier, en faisant claquer sa langue contre son palais avec un écho lugubre. Il s’arrêta juste devant la montagne de muscles, posant le pied sur son dos sans arrêter de se gratter la nuque d’une main et le bras de l’autre.
« Pas assez profond, pas assez profond. » Analysa-t-il alors que son regard furetait dans tous les sens. « C’est fatiguant. Je suis fatigué. »
Il ferma les mains et joignit ses index tendus, les décollant en les maintenant liés par un fil déployé sur un bon mètre, il passa la corde au cou de sa victime, malgré ses tentatives pitoyables de se débattre et d’agripper le lien pour tenter de s’en dégager ou de le rompre. Le simple fait de l’attraper lui laissa de profondes coupures faisant jaillir du sang, ce qui diminuait encore davantage le moindre espoir d’avoir une prise décente tandis que le pauvre homme commençait à suffoquer.
« Moira’s Thread : Atropos. » Murmura le maudit en tirant en arrière d’un coup sec, renforçant son mouvement avec une puissante pression du pied.
Après un bruit de lame tranchante, la tête patibulaire du chef des braconniers roula sur le sol, séparée du tronc qui se transforma en fontaine, suite à une coupe nette. Le bourreau prit quelques instants pour reprendre son souffle et réfléchir à ce qui allait suivre maintenant que Wolfred et lui-même étaient hors de danger immédiat. Il y avait encore huit personnes sans doute d’un calibre à peu près similaire à celui de leur chef. Rudra s’en était rapidement débarrassé mais avait dû abattre plusieurs de ses cartes à la chaîne pour l’empêcher de répliquer et il avait mis du temps à réellement lui pénétrer le cuir et ce n’était pas envisageable pour tous ceux qui restaient.
Joignant les paumes, il délia son Safe Space devant les regards ébahis des braconniers qui découvraient la scène dont ils n’avaient pu qu’entendre les sons jusqu’à présent. Les restes du cube tissé se recycla en s’ouvrant comme une énorme fleur, dont chaque mur était une pétale qui manifesta une multitude de pistils qui s’attaquèrent à quatre des survivants.
« Ravenous Hydra. »
S’accrochant à leurs membres et s’insinuant sous la peau, les fils pilotés par Rudra prirent le contrôle de leurs nouveaux hôtes pour qu’il puisse les manipuler à distance. Capitalisant sur ses successions de surprises, il força ses pions à utiliser leurs armes pour sauter à la gorge de leurs compagnons, Deux des plus lents à réagir se firent prestement éventrés et les pantins vainqueurs partirent à l’assaut de celui qui avait préféré découpé son propre ami plutôt que de se laisser poliment assassiner. Il utilisa le fil qui s’était libéré à la mort de l’un de ses jouets pour les faire surgir sous les pieds du dernier duo qui en était venu aux prises, faisant surgir des épines de tissu qui émergèrent vers le haut en les emportant dans leur sillage et les criblant de trous.
Pendant ce temps, désormais un peu plus tranquille, le boucher alla s’emparer du trousseau de clef qui gisait juste à côté de son regretté possesseur. Claudiquant jusqu’à la cage d’un Ran aux yeux exorbités, il essaya les clefs une à une, tandis que le carnage continuait derrière lui.
« Magnifique… » Enonça sobrement l’ange. « Qu’est-ce que tu vas faire des autres ? »
Haussant un sourcil interloqué, le fruité regarda autour de lui pour remarquer quelques civils éparpillés ça et là, certains se jetant à l’eau, d’autres tétanisés dans un coin. Une bande de fourmis insignifiantes qui ne posaient pas vraiment de danger. A moins qu’ils n’appellent des renforts ? A moins qu’ils ne l’attaquent dans un moment de faiblesse, avec sa garde baissée ? A moins que…
« Je vais les tuer. C’est plus simple comme ça. C’est plus propre, c’est plus sûr. » Répondit-il en opinant machinalement du chef, arrivé à la moitié du trousseau. « Allez, la prochaine, c’est la bonne. »
« Les tuer ? Ils n’étaient peut-être pas tous au courant du trafic. »
S’arrêtant dans ses recherches, Rudra pencha la tête sur le côté et tapa trois coups de pieds sur le sol. Il leva les yeux au ciel et resta silencieux quelques secondes, avant de continuer à essayer les clefs, qu’il fixa intensément du regard.
« Et alors ? Aucun rapport. C’est mieux pour tout le monde, comme ça. »
Kilik ne répondit rien de plus et se contenta d’attendre sa libération avec un sourire sur le visage. Au bout de plusieurs minutes de silence et à la toute fin du trousseau, la grille finit enfin par s’ouvrir devant un Rudra qui suait à grosses gouttes, jusqu’alors convaincu qu’il ne pourrait jamais libérer son compatriote. Le duo libéra les animaux, ouvrant toutes les cages présentes sur le pont et à la cale, endroit qui était réservé à la vente où les bêtes étaient rendues présentables avant d’être mises en vente. Le triclope y délivra notamment un magnifique spécimen, un oisillon minuscule aux plumes vertes émeraudes qui fonça sur lui comme une balle en piaillant, se retrouvant instantanément coincé dans un enchevêtrement de tissus disparates.
Ensuite, ils procédèrent à l’exécution du reste des passagers qui polluaient encore le navire, Rudra faisant tout de même très attention à ne rien faire directement et à passer par l’intermédiaire de son fruit du démon pour ne pas gesticuler dans tous les sens et déranger le passager qu’il avait récolté dans son écharpe. Du coup, il faisait courir ses fils pour découper et embrocher les fuyards qu’il débusquait aux côtés de Ran et d’un Wolfred qui avait repris du poil de la bête.
« Quand on aura terminé sur ce navire, il faudra encore que je ramène ces animaux dans leur habitat naturel. Accepterais-tu de m’aider ? » Demanda Kilik au cours d’une discussion assez réservée, entre deux tueries.
« Oh, oui ! Mais non. Je vais à Torino, moi. »
« Il faudra que je vérifie sur leurs registres, mais je sais qu’il y des animaux de Torino ici. Je vais à l’opposé justement. Il faut juste mettre la main sur un autre navire… »
En somme, il n’y avait rien à perdre, au contraire. Il accepta volontiers, impatient de prendre un peu plus le temps de découvrir les différentes bêtes, notamment celles qu’il aurait à ramener lui-même. C’était un bon moyen de se faire accepter facilement par celles qui étaient déjà sur place, en débarquant triomphant comme un héros venu ramener les bébés arrachés aux bras de leurs mères. Ou de leurs ailes. Ran lui expliqua rapidement d’où il venait et qu’il avait l’intime conviction que leurs chemins allaient se croiser de nouveau. Extrêmement bien organisé, contrairement à l’impression qu’il avait pu donner à première vue, il organisa toute une trajectoire à suivre vers l’île la plus proche pour se ravitailler et subtiliser un autre vaisseau, mais également pour se rendre à Torino sur la meilleure route possible, hors des patrouilles de marine ou autres foyers à pirates sanguinaires.
Lors de la première nuit, après avoir suivi les élucubrations de Rudra pendant plus d’une heure sans rien dire, il profita d’un moment où Wolfred n’était pas à leurs côtés pour se rapprocher de lui et lui murmurer une simple question en arborant un sourire malicieux.
« Tu as déjà entendu parler du Culte du Chaos, Rudra ? »
Rudra D. Khan
Ghetis Archer
Amiral Kurohebi
Messages : 3324
Race : Humain
Équipage : La Couronne
Feuille de personnage Niveau: (52/75) Expériences: (55/1000) Berrys: 999.999.999.999 B
Mar 21 Mar - 8:05
TEST RP :
Français 9/10 Présentation 2/2 Cohérence 3/3 Ecriture 8/10 Originalité 6/10 Appréciation du rp 12/15 Total 40/50
Un bon test qui s'inscrit dans la continuité de la présentation, le texte est assez bien décrit pour se figurer l'histoire sans pour autant être long. On y retrouve des descriptions de combat plus précises qu'à la présentation, ce qui était le point sur lequel j'avais des attentes particulières. Tu aurais pu avoir un meilleure note, mais le personnage de Ran n'a pas été assez exploiter je dirais.
Récompense :
A la fin de cette mission tu t'attires la sympathie d'un bébé oiseau de Torino qui semble vouloir faire un bout de chemin avec toi jusqu'à Torino. Ran te demande de ramener l'oiseau sur l'île de Torino, pendant que lui se charge de ramener les autres animaux.
En arrivant à Torino avec cet oiseau, les oiseaux adultes de Torino vont d'abord s'agiter comme par haine, avant que le petit oiseau ne s'interpose, permettant aux siens de comprendre que tu l'avais en réalité aidé. De là ils auront de la sympathie pour toi alors qui est humain.
Plus tard, quand tu iras sur le Nouveau Monde, tu pourras rappeler Ran et voguer vers des aventures sur l'histoire des trois yeux de Plague Island ! Ran t'a donc laissé son numéro de denden mushi
Te voilà donc validé niveau 18 , il ne te reste plus qu’à procéder aux divers recensements que voici ! Ton fruit t'es accordé, tout comme ton D et 18 millions de berrys.