▬ Dis père.

Les yeux fins et aux reflets noisettes d'Aïsha vinrent se perdre sur le portrait qu'elle tenait entre ses mains, dessinant les traits d'un homme à la peau mate et au sourire communicateur. En le fixant, la jeune femme ne put se retenir de se rappeler de la ressemblance qu'elle pouvait avoir avec lui. Les yeux des deux Sanchez se superposaient comme dans un miroir, tandis que le visage brun au menton arrondi apparaissait comme un trait commun évident.

▬ Dois-je vraiment le faire ?

Quelques larmes vinrent couler le long de ses joues rondes et propres. Instinctivement, du haut de son petit mètre soixante, elle vint à se poser sur un canapé non loin pour se laisser aller à quelque émotion, se réfugiant derrière ses mains fines et entretenues malgré les quelques craquelures visibles et inhérentes à ses origines de femme-sable, ne laissant alors qu'apparaître son énorme chevelure brune ondulées descendant jusqu'en bas de son dos, et sa tenue typique de son pays, Alabasta, comme elle portait des centaines dans le même genre.

Quand on la regarde ainsi, Aïsha ne paraît pas très impressionnante ni très atypique. Une jeune femme banale, avec une beauté lui permettant au moins de ne pas passer inaperçue, à l'instar de sa coiffure si caractéristique. Pourtant, lorsqu'elle se relève, chassant ses larmes, on sent assez aisément toute l'aisance dans ses mouvements, toute l'agilité dont elle sait faire preuve.

Derrière ses vêtements, on pourrait y découvrir un corps athlétique, taillée pour la marche, l'exploration, les exercices physiques. Depuis toute petite, il faut dire qu'elle a grandi pour devenir chasseuse, comme tous les Sanchez avant elle. Une combattante entraînée à faire face aux éléments qui l'entourent, à se battre contre les créatures du désert. Le destin l'aura bien amené à devenir finalement guérisseuse, mais elle aura appris à user de cette force pour clamer sa propre indépendance, en allant chercher elle-même les plantes dont elle a besoin ou bravant le désert sans hésitation pour accomplir son travail.

On y croirait pas, surtout en la voyant comme ça, hésitante, triste, habillé dans des vêtements propres et plutôt chics. Mais ne vous y laissez pas prendre, car elle ne vous laissera pas croire très longtemps qu'elle est faible. D'ailleurs, il est en vérité assez rare de la voir dans un tel état. Femme forte, elle ne montre que rarement ses véritables émotions, affichant un regard dur et sévère, chassant généralement les sourires heureux et naïfs et ne laissant apparaître d'elle qu'une posture assurée et sérieuse, imperturbable.

▬ J'aurai tant aimé que tu sois là. Que vous soyez là.

Elle finit par reposer le cadre pour ne pas se laisser aller plus longtemps à l'émotion. Elle n'a plus le droit d'hésiter ou de douter à présent, car Aïsha est grande. Aïsha est forte. Et même si elle aurait souhaité des réponses, des gens pour lui dire qu'elle a fait le mauvais choix, revoir le visage de son père une dernière fois lui a permis de se rappeler qu'aujourd'hui, elle est seule. Et ce n'est malheureusement pas ses bijoux et accessoires dont elle se pare avec plaisir tant elle en raffole qui viendra y changer quelque chose.

▬ Allez, il est temps d'y aller.

Retrouvant finalement son air calme et sérieux, plein d'assurance et de détermination, elle viendrait à attraper ses affaires pour se mettre en route, remerciant intérieurement sa tante, l'une des dernières Hassam - sa famille du côté maternelle - dont elle est encore proche, pour les mocassins qu'elle lui avait offert, lui permettant ainsi de marcher agréablement au travers du désert d'Alabasta, direction l'océan …

▬ Papa. C'est vrai que nous ne venons pas d'ici ?
▬ Aïsha … Ne t'ai-je pas déjà parlé de notre histoire ?

Ces quelques mots … Voilà comment s'est forgé celle qui deviendra un jour Aïsha Sanchez. D'une nature curieuse, sa peau craquelée, l'éducation particulière qu'on lui inculquait et son nom bien atypique parmi ses amis d'enfance l'ont très vite poussé à vouloir comprendre qui elle était. Alors son père lui raconta, et alors sa vie changea du tout au tout. De jeune fille du désert, elle devint alors dernière née d'une ancienne famille venue des tréfonds du monde : San Tulum.

En découvrant cela, elle comprit alors qu'un grand destin l'attendait, du moins elle le vécut ainsi. Dès lors, elle commença à développer un caractère plus mature que les autres, apprenant les traditions de sa famille avec ardeur, faisant tout pour être celle qui pourrait succéder à ses parents le moment venu afin de garder en vie l'histoire de sa famille, de son peuple. Elle deviendrait forte pour cela, et rendrait fier ses parents.

Car même si elle n'en avait pas conscience pendant longtemps, sa vie n'a jamais que tourné autour de ses parents. Fille unique chérie, digne héritière de la volonté familiale, il n'en fallait pas plus pour qu'elle soit chérie et aimée comme aucun autre enfant parmi ceux qu'elle connaissait. Pour ainsi dire, la notion de dispute, elle ne l'avait jamais connu que par ses camarades de jeux lorsque leurs parents venaient les récupérer, ou à l'école, par les professeurs.

Aïsha, en effet, est une femme studieuse, consciente de ce qui l'entoure et de ce qu'elle est capable de faire. Toujours là pour satisfaire les autres, surtout ses parents, et s'amuser quand il le faut. Il arrivait parfois qu'un de ses camarades lui demande si elle était réelle tant elle rayonnait … à l'époque.

En grandissant, ce désir d'accomplir cette destinée finit par la changer. Consciente de son rôle, mais surtout de qui elle était, de ce qu'elle était capable de faire, elle se forgea une vision du monde qu'elle garderait à jamais. Dès lors, elle devint têtue, moins joyeuse et plus sérieuse, s'éloignant même inconsciemment des gens qui pouvait nuire à sa façon de voir les choses. Aïsha a ainsi appris à devenir une fille solitaire sans que cela ne semble la déranger, qu'importe les remarques qu'on puisse lui faire.

Pourtant, la vérité est qu'elle ne s'est jamais réellement sentie seule. Elle avait encore ses parents, sa famille, ses amours, ses piliers. S'ils ne devaient rester qu'eux à ses côtés, cela lui suffisait amplement. Et puis de toute façon, elle était convaincu que son destin n'était pas de vivre auprès des autres, mais bien de poursuivre la tradition familiale en devenant une chasseuse émérite et en passant sa vie d'adulte à vivre dans cette nature hostile dont elle se ferait souveraine.

Cependant, malgré cela, elle a toujours gardé un côté sociable et étonnamment amical envers les gens. Elle n'a jamais détesté ne serait-ce qu'une personne et aime même faire preuve d'altruiste quand il le faut, tout autant qu'elle faire preuve d'un sang-froid hors norme quand c'est nécessaire.

Cela, elle le doit à sa mère. Sanchez par alliance, Maïa est celle qui a donné à Aïsha ses origines de femme-sable, mais surtout et avant tout celle qui lui a longtemps servi de voix de la raison. Très humble et réfléchie, elle a dédié sa vie de femme au foyer à donner une nouvelle éducation loin des vieilles traditions de la famille, lui apprenant la vie en société, la politesse, lui ouvrant à des passions nouvelle comme les bijoux, la mode mais aussi la médecine.

Et si son père, Miguel Sanchez, devint le modèle de force, de détermination et de tradition de la jeune femme, Maïa fut celui de la gentillesse, de la compréhension du monde et de la nouveauté. Un mélange de culture qui a donné lieu à celle qui est désormais Aïsha.

Ainsi, malgré son éducation réussie en tant que Sanchez, la jeune femme se tourna vers la médecine le moment venue, devenant guérisseuse à la place de sa mère sans pour autant renier ses origines en poursuivant la mémoire de sa famille disparue. Elle est une Sanchez, et rien ne lui fera dire le contraire.

Parce qu'après tout … Elle est la dernière d'entre eux.

▬ Aïsha … Nous l'appellerons Aïsha.

Voilà comment a été le premier contact de la jeune femme avec la vie. La voix de son père la tenant dans ses bras, lui donnant un nom, une existence, une raison d'être. Même si évidemment trop jeune pour s'en rappeler, dans son esprit elle s'est longtemps mis en tête l'histoire tel qu'il lui avait été conté par ses parents.

Son père lâchant des larmes à n'en plus finir, heureux de savoir qu'il tenait là celle qui pourrait continuer de poursuivre sa lignée, la famille des Sanchez, et qu'elle ferait, il l'espérait, perpétuait à son tour jusqu'à ce que s'accomplisse la prophétie que leurs ancêtres avaient énoncé à leur départ de San Tulum il y a de cela trois siècles.

Sa mère, voyant là venir au monde l'être qu'elle chérirait le plus au monde, lumière de sa vie, bonheur ultime comblant son existence, voyant déjà paraître le long de son corps les craquelures significatives de son appartenance à la même race qu'elle, heureuse de savoir qu'elle ne serait pas l'intruse des Sanchez, celle que l'on a simplement permis d'avoir une existence pour donner naissance à un héritier.

Ainsi, tant d'émotions s'étaient mélangés ce jour-là, donnant à Aïsha le poids d'une vie déjà toute tracée. Héritière des Sanchez, dont le sang était celui des ancêtres des fiers guerriers de San Tulum, et Amour d'une vie de mère, celle dont même le simple départ serait dévastateur. Sans le savoir, la jeune femme commença sa vie avec un fardeau comme peu d'enfants en incombaient.

Pourtant, elle grandit sans jamais avoir à se soucier de cela. Maïa et Miguel Sanchez n'étaient certes pas les meilleurs parents du monde, tout juste dans la banalité des couples peuplant les chauds déserts d'Alabasta, ils mirent malgré tout en œuvre pour que leur jeune fille puisse être toujours comblée. Présents, souriants, on peut dire qu'Aïsha grandit dans une atmosphère bien agréable, chérie et éduquée petit à petit pour suivre le destin qu'on lui traçait involontairement.

Dès qu'elle se trouva en état de marcher par elle-même, et même de courir, son père commença à lui parler de ses origines, du moins celles de sa famille. Pas après pas, histoire après histoire, il lui raconta les contes des fiers guerriers de San Tulum, ayant combattu pour leur honneur jusqu'au bout face à l'ennemi. Un récit enivrant, qu'Aïsha comprit bien tard qu'il avait été grandement enjôlé par son père qui voyait ses ancêtres comme des modèles, mais qui à l'époque la toucha au plus profond de son cœur, de son être.

A mesure que le temps passait, de jeune fille vivant joyeusement la vie comme ses quelques camarades qu'elle rencontrait lors de ses rares virées familiales sur Yuba, elle apprit à devenir la guerrière que son père voyait en elle, ou du moins qu'il espérait voir en son héritière. Il l'entraîna, lui apprit la maîtrise de son corps, lui fit apprendre la chasse dans le désert, la forma à l'art du combat à mains nues, lui inculqua les traditions des Sanchez comme la danse ou la peinture. Petit à petit, elle commença à se forger sa combativité, sa détermination, son courage, tout ce qui pouvait l'aider à honorer ses origines.

▬ Chéri, je ne suis pas sûr que …
▬ Oh non, tu ne vas pas me faire la leçon Maïa. Elle a fait son choix, maintenant je vais tout faire pour qu'elle ne le regrette pas.
▬ Et tu ne veux pas faire le moindre compromis ?

Malheureusement, à toute décision s'appliquait des conséquences irréversibles. Évoluant auprès de son père, la jeune fille en vint progressivement à s'isoler de ses amis, des jeunes de son âge, se concentrant sur son apprentissage pour devenir une Sanchez à part entière comme elle se l'imaginait. Une situation qui, avec le temps, ne manqua pas d'inquiéter sa mère, dont le travail en tant que guérisseuse rendait sa proximité avec sa fille de plus en plus relative. Bientôt les disputes éclatèrent, sans qu'aucun ne parvienne à trouver de compromis, sans qu'Aïsha n'ait besoin de changer son mode de vie.

La brune, elle, ignorait cela. Volontairement, en un sens. Elle voulait aller au bout des choses, car elle sentait que c'était là le destin qu'elle souhaitait avoir. Accomplir la volonté des Sanchez, rendre fière son père, découvrir San Tulum, découvrir peut-être cette fameuse île majestueuse dont il lui parla maintes et maintes fois : El Dorado. Alors elle faisait ce qu'il fallait pour être prête, pour y arriver. S'éloignant de sa mère pourtant aimante et qui cherchait à l'éloigner de son objectif.

Bientôt, à l'aube de son adolescence, Aïsha n'avait plus que son avenir en tête, et son père pour pilier, rythmant sa vie à celle du désert et des entraînements pour renforcer son corps, pour apprendre l'art du combat et en parfaire les techniques. Maïa, elle, était dévastée par la situation. Elle voyait sa lumière disparaître, cet amour qu'elle lui avait tant donné jusqu'alors se perdre dans un gouffre qui creusait leur relation. La jeune brune était née mi-Sanchez, mi-Hassam, mais désormais, c'était comme si seule subsistait la racine paternelle. Alors un jour elle a craqué. Et pleins de larmes, elle a cédé à la peur de perdre à jamais sa fille chérie.

▬ S'il te plaît Aïsha, écoute-moi …
▬ Et pour quelle raison, maman ?
▬ Parce qu'il y a tant de choses à te faire découvrir, un avenir qui peut encore se dessiner devant toi …

Ce jour-là, sous le clair de lune, les larmes de sa mère ont eu l'effet d'un électrochoc pour la jeune adolescente. L'amour qu'elle lui portait, la détresse dans ses paroles, mais aussi toutes les merveilles dont elle n'avait jamais entendu parler auparavant lui firent réaliser à quel point elle était dans l'erreur. Combien inconsciemment, elle s'était enfermé dans ce destin que son père lui avait offert sur un plateau d'argent. Elle était devenue la guerrière qu'elle souhaitait devenir, mais en vérité … Ne pouvait-elle pas rêver d'autre chose ? Quelque chose qui comble réellement son cœur, ses envies ?

Ce jour-là, elle retrouva les tendres bras de sa mère. La chaleur qu'elle dégagea lui rappela alors qu'au fond, elle restait encore une simple jeune fille qui avait toute la vie devant elle. Alors derrière sa grande carapace de courage et de puissance, elle ne put se retenir de pleurer à chaudes larmes, laissant alors sortir tout ce qu'elle avait inconsciemment rejeté, tous ces sentiments qui auraient pu faire d'elle une femme si différente. Bientôt, ce fut le regret qui prit place, se changeant bien vite en une détermination nouvelle d'avancer vers une nouvelle direction, un chemin qui la comblerait plus encore que d'être une simple descendante de San Tulum.

Elle confronta alors son père, lui expliquant son désir de trouver sa propre voie, sans pour autant renier ses origines, sans pour autant rejeter toute l'éducation qu'il lui avait donné. Une décision qui ne fut pas sans conséquence, une fois de plus, et conduisant à la fracture entre ses parents pendant de longues semaines, chacun cherchant à faire plier l'autre pour imposer sa façon d'éduquer Aïsha. Et puis finalement … Tout s'arrêta, quand elle-même décida qu'il était temps d'avancer.

▬ Chéri … Tu es certaine de toi ?
▬ Le choix a toujours été tien, mon amour. Et je serai toujours de ton côté quoique tu décides …
▬ Papa, maman … merci.

En quelques mots, la jeune brune s'était libéré. Leur expliquant son désir de ne pas les perdre tous les deux, elle choisirait de continuer à perpétuer la tradition des Sanchez, tout en se rapprochant à nouveau de sa mère pour découvrir les choses qu'elle pourrait lui apprendre. Ainsi tout en restant digne de son père, elle ouvrirait une voie nouvelle qui pourrait peut-être à la fois l'amener à accomplir la promesse faite à Miguel lorsqu'elle devint officiellement une guerrière, tout en se lançant vers une vie dans laquelle elle serait heureuse et surtout elle-même.

Ainsi fut scellé l'avenir d'Aïsha. La suite, elle coula de source. Poursuivant ses entraînements, ses chasses, sa formation pour apprendre à se battre, elle porta un regard nouveau vers le monde extérieur, renouant le contact avec ses rares amis encore présents à Yuba, se laissant entraîner dans la découverte de nouvelles choses comme la mode, l'exploration ou des choses plus particulières comme la société, la géographie … Mais surtout, sa mère lui fit découvrir l'art de la guérison, la compréhension de la nature et des herbes, la poussant involontairement dans son univers, dans un monde dont elle ne trouverait plus jamais la sortie.

Les années se poursuivirent ainsi plus tranquillement. Les tensions passées furent progressivement effacés par le bonheur toujours plus grand d'Aïsha dans cette nouvelle vie, confondant de plus en plus son statut de guerrière à celui de jeune femme intégrée à la société. Certes pas la plus sociable, elle trouvait néanmoins son plaisir dans le peu qu'elle pouvait faire, heureuse de sentir qu'elle était appréciée.

▬ Père …
▬ Ne pleure pas chéri. Je ne fais que rejoindre nos fiers ancêtres là-haut dans les étoiles …

Malheureusement, une vérité terrible que les parents se gardèrent de mentionner à leur fille était leur âge bien avancée lors de sa naissance. Et bien qu'avec le temps, elle finit par s'apercevoir de leur santé dégradé – ce qui ne fit que s'accentuer en devenant une guérisseuse – elle ne put réaliser que trop tard que son modèle et géniteur approchait tristement de la fin de son histoire. Trop tard pour lui dire réellement au revoir. Trop tard pour l'appréhender comme il le fallait. Bien trop vite, voilà que le dernier des Sanchez avant elle s'éteignait paisiblement, laissant ainsi femme et fille avec la douleur de son départ.

Aïsha ne se remit jamais vraiment de cette perte. Réduit à l'état d'urne funéraire, son père devint ainsi le dernier souvenir qu'elle avait de lui, le chérissant et le protégeant comme s'il était sa dernière raison de vivre. Cependant, elle ne tarda pas à se mettre en tête que ce n'était pas ce que son père aurait souhaité pour elle, alors elle poursuivit ses entraînements avec assiduité, cherchant à découvrir par elle-même ce qu'il n'avait tristement pas eu le temps de lui apprendre.

Dans le même temps, elle se rapprocha encore plus de sa mère, Maïa, qui bien qu'ayant eu de nombreuses confrontations virulentes avec son mari, se trouva dévastée par sa disparition, se plongeant dans un premier temps dans son travail avant que les bras de sa fille chérie ne la tire de la solitude dans laquelle elle avait cherché à se plonger.

Toutes les deux désormais réunis, la jeune brune ne tarda pas à suivre pleinement les pas de sa mère en devenant son assistante, accomplissant même parfois elle-même des soins. Et tranquillement, bien qu'animée par le deuil et les divers événements qui secouèrent le pays – heureusement moindre pour les deux jeunes femmes, vivant bien loin des grandes villes – les années se poursuivirent pour elles …

▬ Mère …
▬ Aïsha … Sois heureuse. Je t'aimerai toujours, et … Je veillerai sur toi même depuis les cieux … Alors sois heureuse. Promets-le moi.
▬ Je … t'en fais la promesse, maman.

… Et puis un jour, la réalité rattrapa Maïa. Et à son tour, elle écrivit la dernière ligne de son conte, quittant à jamais ce monde où seule vivrait encore sa fille, désormais orpheline. Une nouvelle fois, Aïsha pleura. Elle pleura comme elle ne l'avait jamais auparavant, laissant sortir cette fois tout le mal que la perte de ses deux plus chers amours lui avait provoqué, la rappelant au deuil de son père, la poussant à celui de sa mère, des deux en même temps désormais. Et c'est le cœur brisée, solitaire, que la jeune femme dut désormais apprendre à vivre sa vie par elle-même.

Tout comme Miguel, Maïa trouva place dans l'urne funéraire, se mélangeant à celui qui avait partagé tant d'années de vies, comme un dernier hommage à leur amour que même leurs disputes et leur relation au quotidien ne parvint jamais à réellement faire disparaître. Aïsha continua ainsi de chérir cette urne comme son bien le plus précieux, voyant en l'objet le message de ses parents la motivant à poursuivre ses rêves et le destin qu'elle s'était dessinée.

Message auquel elle répondit sans hésitation, devenant officiellement guérisseuse à la place de sa mère, décidant de mettre tout en œuvre pour accomplir la volonté de son père. Alors un jour … Elle décida de partir sur les mers. Pour aller trouver San Tulum. Pour forger enfin cet avenir qu'elle s'imaginait depuis toute petite.

Pour devenir la femme accomplie qu'elle rêvait d'être.
Pour que son bonheur soit complet.
Et qu'elle rende à jamais sa famille fière d'elle …