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Black & White are the new Green
Harlock Zora
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Harlock Zora
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Mar 24 Fév - 8:13


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1 : Le bilan


Impel Down ne faisait pas vraiment dans le respect de la vie humaine. Le pénitencier ne se donnait pas forcément la peine de séparer les hommes des femmes par exemple. Quand bien même il l’avait fait, ça n’aurait pas empêché n’importe quel nouveau détenu de se faire martyriser par ses paires. En matière de cruauté ou de capacité à faire souffrir autrui, hommes comme femmes se montraient particulièrement doués. L’humain semblait avoir une disposition naturelle à faire le mal, c’était en tout cas ce que n’importe quel détenu finissait par penser après quelques jours de détention, avant que cette pensée n’évolue vers quelque chose d’encore plus radical du genre : « Les gardiens d’Impel Down ne sont pas humains, ce sont des monstres ». Ce qui – admettons-le – n’était pas si éloigné de la vérité, au sens descriptif du terme au moins.

D2537 n’en était pas encore là. En fait elle n’en était tout simplement pas au stade où la douleur ne l’empêchait pas de réfléchir [double négation]. Dans les premières heures de sa mise en cellule, le défi avait été de rester consciente. En effet à peine arrivée, l’un de ses nouveaux colocataires avait tenté de la dépouiller – et plus si affinité – mais il s’était vite rétracté après que notre révolutionnaire – Ex-révolutionnaire – se mette à hurler une suite de mots incompréhensibles. Catalogué comme « folle » par le reste de la cellule, personne ne s’approchait d’elle et de son corps en charpie – que les gardes avaient tout de même pris soin de trainer au fond de la cellule, pour éviter d’avoir à le regarder à chaque passage.

- LES BARRIERES… je vous ai tout… Baltigo… vous ne passerez pas… ARRÊTEZ !

Sa bouche et ses cordes vocales fonctionnaient encore au grand dam des autres prisonniers qui auraient bien voulu qu’elle perde la parole plutôt que la vue. Effectivement, le sang et les autres liquides qui avaient dégouliné de sa cavité orbitale gauche, laissant derrière eux une trainée brunâtre, témoignaient de la perte de son œil gauche, une expérience particulièrement traumatisante d’ailleurs.
Le bourreau avait commencé par lui poser une question comme à son habitude et au début elle avait répondu par le silence, suite à quoi il lui avait enfoncé du sable dans l’œil, maintenant ses paupières ouverte. Il avait ensuite reposé la même question et à nouveau, elle n’avait rien dit. En punition cette fois-là, il frotta son œil avec une puissante eau de javel qui le fit fondre. D2537 avait hurlé, sans néanmoins fléchir sous la pression, déterminée à ne pas répondre. Une troisième fois alors, il posa cette même question à laquelle, encore une fois, elle ne daigna pas répondre. Le bourreau s’était alors approché avec une cuillère pour tout simplement retirer le reste d’œil fondu de son orbite, en veillant soigneusement à ne pas laisser de morceaux. 2537 s’était débattue avec force, à tel point que les lanières qui la retenaient imprimèrent de profondes marques sur ses poignets et ses chevilles.

- Les souterrains… Ceresa… je vous en supplie … ARRÊTEZ !

Mais il n’avait pas eu le temps de s’occuper de l’autre œil. De toute façon, il s’était bien amusé à d’autres endroits. A chaque fois qu’elle voyait cette ligne horizontale sur son ventre par exemple, notre demoiselle avait envie de vomir. Celle-là aussi fut traumatisante. Le bourreau lui avait ouvert le bide, en veillant bien à ce que sa « patiente » ne se vide pas de son sang, avant d’introduire sa main à l’intérieur pour en malaxer le contenu. S’étaient superposés à la douleur du procédé la désagréable sensation ainsi qu’une vision d’horreur de ses propres boyaux partiellement extraits de son corps. A un moment, il avait même délicatement mis sa main autour de son cœur… Jamais la mort n’avait paru si proche.

- La salle des Archives… Les postes avancés… Sayouri… le Code… Les communications… la… la… la ronde, la ronde ! Non, je ne mens pas, LA RONDE !

- Oh par pitié, que quelqu’un achève cette folle…

- Il fait trop chaud, la flemme de bouger. T’as qu’à aller le faire toi-même., lui répondit une voix criarde, féminine.

- Je ne comprends déjà pas ce qu’elle fout encore là. On ne s’était pas mis d’accord pour se partager sa ration de nourriture ? Il y a quelqu’un qui la nourrit en douce ou quoi ?

- Oui, moi. Parce que contrairement à vous, je suis sur le chantier la majorité du temps et quand je reviens ici c’est pour dormir… Elle fait moins de bruit quand elle mange, s’exprima-t-il de sa voix caverneuse. Est-ce que ça pose problème à quelqu’un ?

Du haut de ses quatre mètres, le barbu toisa le reste de la cellule. Dans une ancienne vie, Gaëlor était capitaine pirate. Son équipage sévissait principalement sur la cinquième voie de Grand Line. Il avait été en rivalité avec plusieurs grands noms actuels alors que ces derniers n’étaient encore que des inconnus. Il aurait pu devenir une figure lui aussi si son chemin n’avait pas croisé celui du vieux Groogal. Gaëlor qu’on appelait autrefois : « le bricoleur » pour sa manie à enfoncer les têtes d’un coup de marteau, à la manière d’une vis, croupissait dans l’enfer des flammes depuis une quinzaine d’années.

- Non mais si elle crève, Gaëlor, t’auras ton temps de sommeil, crois-moi.

L’homme massif jeta un regard intimidant au bavard, avant de se tourner vers le fond de la cellule. Personne ici n’osait le contester parce qu’il n’hésitait jamais à frapper pour obtenir ce qu’il voulait et ce n’était pas les menottes ou l’immense boulet attaché à son pieds qui l’en empêchait. Aujourd’hui il n’avait même plus besoin de se donner cette peine : toute la cellule était à sa botte et une hiérarchie tacite s’y était formée. D’un pas lent, lourd et pesant, Gaëlor parcourut ainsi la pièce sans avoir à s’inquiéter des autres qui s’écartaient à son passage. Il atteignit finalement D2537 et s’accroupit pour pouvoir mieux l’observer.

- J’ai… j’ai… j’ai … j’ai tout dit ! J’ai tout dit ! Pitié ? Hein, pitié ? Non ! Vous aviez promis, VOUS AVIEZ PROMIS !

- Tu la boucles deux secondes et tu m’écoutes, dit-il en saisissant la bouche de la jeune fille entre son pouce et son index. Si d’ici trois rations de nourriture tu n’as pas retrouvé tes esprits, je te tue.

On ne raisonnait pas en heures à Impel Down, ça n’avait aucun sens. Le fonctionnement de la prison reposait en partie sur l’absence de repère temporel pour les détenus. Ils ne pouvaient se baser ni sur les rondes des gardes, ni sur les horaires de travaux forcés, ni sur le rythme auquel ils étaient nourris pour avoir une idée précise du temps écoulé. « Trois rations de nourritures » pouvait tout aussi bien représenter trois jours qu’une semaine.

- Vadim Oulanov… Andromède Elpa… Machinehead… Golbat… ATTENDEZ ! Je vous serai utile ! Je… Je… Je… Amiral, Capitaine de… Commandant ! Luvneel ! Arrêtez ces voix, taisez-vous ! Arrêtez de me parler !

Gaëlor retourna s’assoir à sa place fétiche. Elle semblait avoir compris les termes du deal. Dans environ trois jours, si elle ne retrouvait pas ses esprits, elle décèderait. Intrigué, l’un des autres détenus demanda au capitaine pirate la raison de sa clémence, question à laquelle il ne daigna répondre. Il voulait lui laisser une chance parce qu’il avait compris qu’une personne normale se serait laissé mourir plutôt que de subir ce qu’elle avait subi. Elle tenait à la vie et elle s’y était tenu avec plus de hargne que tous ceux qu’il avait pu rencontrer. Certains y voyaient un évident signe de lâcheté, mais pour Gaëlor ce trait était le symbole évident d’une forte volonté.

- Gaëlor, si je me puis me permettre, je sens en elle quelque chose de terrifiant.

- Je veux pas remettre en question tes capacités, mais son Haki est instable, son cerveau est retourné, son corps est brisé. Elle n’est une menace pour personne.


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Mer 11 Mar - 14:26


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2 : Folie ou survie


« Un mur vivant haut de quatre mètre dressé devant elle, la toisant d’un regard réprobateur » convenait parfaitement pour décrire la scène d’un point de vue externe. Le sursis accordé par la figure d’autorité reconnue par l’ensemble des détenus de la cellule était arrivé à son terme. Finalement autorisé à retourner dans sa cage après une douzaine d’heures passées à réparer les dégâts causés par le clan Orato, Gaëlor le Bricoleur n’avait pas apprécié ce qu’il y vit en passant de l’autre côté des barreaux en Granit Marin : elle ne s’était toujours pas calmée. Le niveau de décibel qu’elle débitait semblait carrément indiquer que son état avait empiré. Conformément à ce qu’ils avaient convenus, il décida d’en finir en vitesse. Les bagarres entre détenus étaient interdites, donc pour ne pas attirer l’attention, il opta pour un étranglement.

- Hey ! Qu’est-ce que vous faites ? Je vous ai tout dit ! Vous aviez promis !

- Economise ta salive. T’as toujours pas compris, hein ? dit-il en refermant ses grandes mains autour du frêle cou de sa future victime.

- Je ne… pas mourir… à l’aide… peina-t-elle à articuler en agitant frénétiquement ses pieds et mains liés par de solides chaines.

- Hahaha, parce que tu crois vraiment que quelqu’un va venir te sauver ? Oublie ton monde et ses règles telles que tu les connaissais, ici t’es à Impel Down ! C’est chacun pour soi, personne ne s’occupe des autres ! Si les monstres veulent te fouetter, jette leur ton voisin en pâture. Pousse ton compagnon de cellule dans les flammes si ça te permet d’avoir plus de bouffe ! Dès que tu oublies ces règles, tu signes ton arrêt de mort !

Elle sentait ses forces la quitter peu à peu, mais chacun de ces mots fut enregistré dans sa conscience. « Chacun pour soi » hein ? Son bourreau le lui avait déjà fait comprendre. Il lui avait promis d’arrêter si elle parlait. Il lui avait promis, alors forcément elle les avait… Oh. C’était peut-être pour ça qu’il était là ; pour eux, pour les venger. Oui, ils l’avaient envoyé pour la punir, mais ce n’était pas de sa faute. Non, ce n’était pas sa faute.

- Je suis désolée… Je vous ai trahis… Je suis désolée… répéta-t-elle en sanglotant.

Pas certain de comprendre ce à quoi elle faisait référence, Gaëlor relâcha momentanément son étreinte mortelle, sans toutefois enlever ses mains de son cou.

- Nan nan, hahaha ! Ce sont eux qui t’ont trahi, sinon tu ne serais pas ici ! T’es passée sur le billard… Ils ont dû te faire mal pour te forcer à avouer, en te faisant des promesses en carton, n’est-ce pas ? Ouais, à entendre ce que tu nous débites, je parie qu’ils t’ont dit que tu resterais vivante ? Que t’aurais une belle cellule confortable ou tu pourrais siroter ton thé, tranquillement ?

Gaëlor pouvait sentir la vie s’échapper du frêle corps féminin, totalement opposé au sien, qu’il tenait entre ses mains. Cette fille, le concentré de stupidité dans sa façon de raisonner, sa faiblesse, tant de défauts chez elle qui lui donnait terriblement envie de la briser comme une brindille. Ouais, il fallait qu’il la tue, il ne pouvait plus supporter ce regard plein d’incompréhension et d’interrogations qu’il avait lui-même longtemps arboré en arrivant ici. Nan petite, pensa-t-il en serrant sa poigne, décidé à en finir, ce sont définitivement eux qui t’ont trahi.

- Bah laisse-moi te révéler un truc : t’es ici pour mourir, comme nous tous. Sauf que certains privilégiés ont le luxe de pouvoir partir plus tôt, exécutés sans avoir à endurer la souffrance ! Donc tu vois, quelque part c’est un cadeau que je te fais.

Elle fut incapable de dire quoi que ce soit, non seulement parce que la pression sur ses cordes vocales l’empêcherait de parler clairement, mais aussi parce qu’elle réfléchissait. Ce type avait employé les mêmes expressions que le bourreau. Ce n’était pas elle qui les avait trahi, mais eux qui l’avait trahie ! Bien sûr ! Tout devenait logique ! Elle se laissait faire en acceptant ce qu’elle avait à tort pris pour une punition, alors que non, il n’était pas un émissaire vengeur de la Révolution mais juste un bourreau de plus. Un bourreau sans outils, sans table froide, sans connaissances médicales, sans lanières pour la retenir… Un bourreau contre lequel elle n’était pas impuissante. Alors, dans un sursaut de dernière seconde, elle visa son visage et lui cracha une visqueuse gerbe de sang.

- Bordel, mes yeux !
Son étranglement s’affaiblit suffisamment pour qu’un brusque mouvement de la tête permette à D2537 d’échapper partiellement à l’étreinte d’une des deux mains, qu’elle mordit aussi fort que possible. Ses dents s’enfoncèrent profondément dans la paume du colosse qui, se retenant de ne pas hurler pour ne pas alerter les gardes, secoua le bras pour essayer de lui faire lâcher prise tout en essayant de la repousser de sa main valide, malgré la faible amplitude de mouvement laissée par les chaines. Emporté par l’inertie, la demoiselle finit par lâcher prise et son corps vola à travers la cellule pour aller s’écraser contre les barreaux.

- Mes doigts ! Sale garce !

Entre deux coulées de sang, recracha en effet un index ainsi qu’une moitié de majeur et se redressa du mieux qu’elle put pour faire face à l’assaut d’un Gaëlor enragé. Faisant abstraction des nombreuses voix dans sa tête, l’ex révolutionnaire observa l’offensive du « Bricoleur » de son œil valide, se calquant sur le rythme de ses pas pour agir au bon moment. Ainsi, lorsque l’ex pirate abattit ses deux poings, ceux-ci percutèrent le sol chaud de la prison tandis que la demoiselle, plaquée contre la jambe droite de son adversaire, n’eut qu’à prendre appui sur un genou et se faufiler entre les deux bras poilus tendus au-dessus d’elle pour se retrouver nez-à-nez avec lui. Avant que Gaëlor n’ait le temps d’agir, elle passa au-dessus de sa tête, tout en écartant les jambes pour que sa chaine s’enroule autour de son cou.

- Ton cadeau, tu peux te le garder.

Usant alors de son poids et de son bras valide, elle étrangla le colosse qui se mit alors à bouger partout dans la cellule. Ses mains menottées l’empêchaient d’atteindre la prisonnière suspendue à son cou, la tête vers le bas, dans son dos. Il eut alors pour idée de foncer à reculons sur un mur pour l’y écraser mais anticipant la manœuvre, la prisonnière se hissa au sommet du crâne dégarni du pirate pour éviter la transformation en crêpe, tout en maintenant son étreinte. Le gros lard suffoquant dont les forces diminuaient tandis alors une main désespérée vers le reste des détenus qui observaient l’affrontement sans intention aucune d’y intervenir. L’un d’entre eux se permit même ce petit commentaire :

- Tu l’as dit toi-même : chacun pour soi.

Furieux de voir son autorité bâtie sur la durée ainsi contestée, Gaëlor, dans une ultime tentative pour s’en sortir, décida tout simplement de se laisser tomber sur le dos, forçant alors sa tortionnaire à lâcher prise, ce qu’elle fit. Respirer cet air chaud, sec et nauséabond de l’enfer des flammes n’avait jamais été aussi bon. Malheureusement cet instant de répit ne fut que de courte durée. A peine avait-il pu se délecter de quelques inspirations qu’elle était revenue. Il pouvait sentir ses cuisses frêles de part et d’autre de son visage. Lui, allongé au sol sur le dos et elle, agenouillée sur lui, les jambes autour de sa tête.

- Tu m’as menti !

Ce premier coup le surprit. L’impact des menottes en granit marin sur sa mâchoire lui brisa quelques dents.

- Tu m’as trahie !

Le deuxième coup lui faire connaissance

- Tu m’as abandonnée !

A l’instar des nombreux qui suivirent, le troisième coup brisa l’un des nombreux os composants la boite crânienne.

- J’ai dit tout ce que je savais, je t’ai supplié d’arrêter et toi…

Toujours la même suite de mouvements : elle levait ses deux bras menottés au-dessus d’elle avant de les rabattre avec force sur le tas de chair ensanglanté qu’était devenu la tête d’un Gaëlor mort depuis un petit moment, en lui adressant de temps à autres des reproches qui pourtant ne lui étaient clairement pas adressés, le tout sous le regard médusé d’autres compagnons cellules, inquiets à l’idée d’avoir à supporter l’odeur d’un cadavre en décomposition, le temps qu’un garde ne passe dans le coin.

- Tu as essayé de me tuer ! Maaaais je ne suis pas morte, tu vois ? Je-ne-suis-pas-morte !

Un coup pour chaque syllabe de cette dernière phrase. Analyser la situation, jouer les hystériques puis tuer Gaëlor ; le point d’orgue d’une stratégie de survie mise en place dès son arrivée dans la cellule… Quoique, trahir les siens puis planifier de sang-froid le meurtre d’un inconnu et enfin s’acharner sur un cadavre en hurlant de façon démente, c’était peut-être ça la folie, la vraie.

- J’ai faim, lâcha-t-elle alors d’une voix douce qui contrastait avec le sang qui couvrait sa tenue rayée.

Folie ou survie, deux excuses tout aussi valables l’une que l’autre.



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