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Edward Lawrence
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Edward Lawrence
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Ven 6 Oct - 21:58


Intro

Début 1508 ~ En mer - Entrée du Nouveau Monde




Un drapeau noir.

Il nous surplombait ainsi, oscillant de temps à autre au grès des tumultes qui nous haranguaient. Mon regard s’y était comme perdu, comme s’il cristallisait en ces quelques instants l’irrémédiable espoir de nous voir émerger de ce cataclysme. Oui, il oscillait telle cette lueur irrésistible à laquelle nous devions à tout prix nous raccrocher. La promesse de meilleurs lendemains, d’une destination plus conciliante.

Un drapeau noir comme… la mort ?

N’était-ce finalement pas notre réelle et inéluctable destination ? Après tout, nos ossements s’affichaient déjà sur la toile noire, il était donc indéniable qu’il s’agissait là d’un signe précurseur de notre trépas à venir. Comment ne pas y songer, dans la situation dans laquelle nous nous trouvions ?

Une nouvelle secousse ébranla mes appuis et m’envoya paître contre la première surface boisée susceptible de retenir ma spectaculaire envolée, m’arrachant au passage une douloureuse complainte.

« Putain de bordel… c’est vraiment la merde… »


Pestais-je, impuissante face au monde qui se déchaînait littéralement sous mes yeux, après m’être bien péniblement redressée.

Qu’avions-nous donc profané pour subir pareille avarie ? C’était comme si ciel et mer s’étaient accordés pour nous accorder un ultime jugement. Nous étions à la merci de ce cataclysme, et nous avions beau nous débattre, ce n’était qu’une question de temps avant que nous finissions engloutis par cette mère indomptable que nous avions eue l’insolence de vouloir braver.

« Alors quoi… ? »


Une voix s’éleva parmi les grondements furieux qui nous menaçaient.

« C’est comme ça que vous comptez braver le Nouveau Monde ? Est-ce là votre limite en tant que pirates ? »


Les insinuations me firent vriller.

Que baragouinait-il encore ? Qu’espérait-il ?

N’était-il pas censé être notre phare dans ces profondeurs tourmentées ? Notre guide dans cette tumultueuse traversée ? Ou était-il trop aveugle et inconscient pour mesurer les aléas qui se dressaient aujourd’hui sur sa route ?

Une énième secousse nous fit vaciller, alors que le navire venait brusquement de changer de cap, s’éloignant une nouvelle fois des directives que j’avais pourtant formulées.

« Bordel Sasaki ! Arrête tes conneries et ramène-nous à la surface ! »

« Mon instinct me dit de rester : ces tornades sont probablement ingérables hors de l’eau ! »

« Il ne s’agit pas de tes instincts de poisson, mais de navigation ! Nous sommes moins mobiles sous l’eau, on va pas s’en sortir ! Nous devons fuir ces frondes marines et retourner à la surface ! »

« Té oulé folle kwé ?! »

« STOP ! »


La voix du capitaine détonna de nouveau, interrompant notre altercation qui était sur le point de dégénérer.

« Ce n’est pas le moment de vous prendre le bec. Trouvez ensemble une solution… »

« Une solution ? Dans ce bordel ? Mais c’est impossible capitaine ! IM-PO-SSI-BLE ! On va juste mourir, en fait ! »


Il fronça les sourcils, se crispant face à moi, sa navigatrice qui, en plus d’avoir osé l’interrompre, semblait s’être enlisée dans une spirale négative. Il n’avait probablement pas tort. Ce n’était pas le navire qui était en train de sombrer, mais mon esprit combatif. Et ceux des autres avec, par extension. Il semblait pourtant vouloir y remédier.

« Impossible ? C’est notre quotidien désormais, ici dans ces mers. Impossible n’est pas pirate ! Nous allons voguer sur l’impossible, nous allons le dompter ! Car nous sommes des pirates du Nouveau Monde ! »

« Facile à dire pour toi, t’en branles pas une… »

« Toujours des beaux discours… c’est pas ça qui va nous sortir de ces trombes… »






Il soupira. Sans doute s’était-il enfin rendu à l’évidence : c’était peine perdue. À quoi bon lutter ? À quoi bon se mentir ? Nous n’étions sans doute pas de taille pour le Nouveau Monde. Et lui, en tant que capitaine, était d’autant plus fautif. Il ne pouvait nous reprocher de ne pas être au niveau si lui-même ne l’était pas. Un capitaine pirate incapable de naviguer. Et de nager. Dans les deux cas, un fardeau, une enclume.

« L’impossible est né du doute : il se nourrit de l’incertitude. »


« Est-ce donc là vos limites ? Est-ce donc la fin que vous acceptez ? À cause de quoi ? La peur de l’inconnu ? Des aléas naturels ? De l’ombre de la mort ? »


« Balivernes ! Foutaises ! Inepties ! Nos limites sont celles que nous nous accordons à nous-mêmes ! »


« Relevez-la tête ! Nous nous hisserons jusqu’à mettre ce Nouveau Monde à nos pieds. Qu’importe nos peurs, qu’importe nos doutes, qu’importe nos faiblesses, qu’importe nos pertes. Nous irons là où nous devons être. »


« Je sais ce que vous vous dites. Nous sommes tous faibles. Trop faibles. Des insectes, des nuisibles, impuissants face aux astres qui étincellent au-dessus de cet océan indomptable, insignifiants face à ses caprices naturels. Individuellement, nous ne sommes rien. Seuls, aucun d’entre nous ne saurait survivre à cet enfer, pas même moi ! Mon inaction en est le symbole. Que pourrais-je bien faire dans cette situation si ce n’est me faire engloutir par mon incompétence ? »


« Mais vous, vous disposez chacun de talents maritimes que je ne possède pas : individuellement vous avez donc les armes pour vous battre contre ces vagues et ces vents qui veulent notre perte. »


« C’est pour cela que vous êtes là, à mes côtés. Je vous ai choisis ! Vous, et vous seuls. Vous êtes les élus, vous, parmi tous les autres ! En vous invitant à me rejoindre sur ce navire, je n’ai pas hésité une seule seconde à vous confier ma vie ! »


Un frémissement s’empara de l’équipage qui semblait comme suspendu à ses lèvres. C’était sans précédent : l’homme le plus égocentrique de ce vaste équipage, celui qui avait jusqu’alors toujours privilégié sa propre vie à celle d’autrui venait de nous adresser un respect et une reconnaissance que nous n’aurions jamais imaginé recevoir de sa part.

« Alors quoi ? Vous continuez malgré ça à douter de l’étendue de vos compétences respectives ? De votre capacité à braver cette avarie ?! Seuls et isolés, peut-être, mais en multipliant vos forces respectives, en unissant vos talents, aucun cataclysme du Nouveau Monde ne saurait vous résister !! »


« Ce jour est à graver dans l’histoire dans la piraterie, cette même histoire que nous garnirons de nos aventures. Car bientôt, nos réussites et nos victoires détonneront à travers le monde. Aujourd’hui, débute notre légende, aujourd’hui débute… NOTRE ERE !! »


« OUUUAAAAAAIIIISSS !! »


Alors, comme enflammées par ce discours, nos voix résonnèrent en une seule, comme pour acclamer le leader qui, par ses mots, était parvenu à nous convaincre de sortir de notre torpeur. Galvanisés, par ce discours tonitruant, plusieurs de nos comparses se tambourinaient la poitrine comme célébrer davantage la gloire de leur capitaine.

« YAROUDOMOOOO !! »


« OUAIS !! OUAIS !! OUAIS !! »


Quand était-il devenu aussi inspirant pour ses troupes ? D’où lui venait un tel leadership ? Des frissons assaillaient mon épiderme tandis que je sentais mes tempes battre au tempo improvisé par les plus motivés d’entre nous. Et lui, se tenait là, face à nous, emmitouflé dans son manteau orné de plumes noires, son regard embrasé posé sur l'horizon lointain, là où il situait sa destination.

« NOTRE VOYAGE… NE FAIT QUE COMMENCER !! »






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Membre du club officiel des "Victimes d'Erwin le vicieux" et des "Victimes de Pumori".
Edward Lawrence
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