Il était bourré. Encore. À vrai dire, c'était ce vieux con de charpentier qui l'avait fait boire jusqu'à ce que sa gorge soit aussi asséchée qu'une citerne trouée. Il titubait dans les rues, agressant du regard ceux qui osaient le défier. Parfois un humain, parfois un animal, et parfois même un objet prenait pour son grade. Les foudres de l'Ookami étaient si incohérentes que lorsqu'il s'effondra au milieu de la rue, seuls quelques sourires un peu moqueurs vinrent cueillir sa maladresse, et on le laissa là.
Il se réveilla quelques heures plus tard. Il avait ronflé tout du long, mais la journée touchait à sa fin. Il était temps d'aller dans les bars, se dit-il en plongeant une main dans ses poches vides. Un petit grognement : il n'avait plus de sous. Il allait falloir qu'il fasse la manche... Enfin du moins, c'est ce qu'il avait prévu de faire, comme il lui arrivait d'emprunter sans rendre ou de boire et d'oublier de payer, mais un étonnant bâillement vint cueillir son envie de se fouler.
Levé, il sentit le vent qui se portait contre son corps à moitié nu. Il avait perdu son tee-shirt ? Il s'était endormi avec pourtant... Et merde, on le lui avait retiré. On avait aussi du lui voler ses derniers berrys.
- Oh, jeune homme, que faîtes-vous ici ?
Il tourna la tête et fronça les sourcils. C'était un vieillard qui venait de lui adresser la parole, enfin, un gars bien bâti avec la cinquantaine bien tassée. Il avait le regard moqueur et la tape dans le dos de l'homme-loup finit de faire grommeler ce dernier qui s'écarta pour partir. Quand son regard se porta alors sur le sol, il put voir sous son pied un papier froissé. Il le prit et observa avec intérêt son contenu. « Bingo »... Est-ce que ça lui permettrait d'obtenir de l'argent ?
Un sourire s'érigea sur son visage tandis qu'il prenait l'affiche à pleines mains. Il se tourna alors vers le vieil homme qui comprit la raison de ce soudain gain d'intérêt : il avait affaire à un expert en Bingo, de toute évidence ! C'était une très bonne chose, puisqu'il allait pouvoir prendre ce poulain sous son aile.
- Tu veux venir jouer avec moi ?
- Ouais ! Allez, le vioque, on y va !
Il était enjoué, et si la présence d'humain le débectait, il pouvait l'outrepasser pour se procurer de l'alcool. Lorsqu'il fut amené au Bingo, il fallait savoir qu'il n'avait aucune idée de l'île sur laquelle il se trouvait. Karim avait été amené ici par un vieil homme charpentier, un contremaître qui semblait vouloir s'amuser un peu et l'éloigner de cet atmosphère étouffant qu'était la pression des docks de Water Seven. Quand on était en conflit avec la majorité de ses collègues... Mais de toute évidence, pour le vieillard, Karim était un peu le reflet de sa propre image quand il était jeune.
Arrivant bientôt au bingo, le natif de l'île et l'homme-bête firent belle impression. D'un coup de pied énergique, il défonça la porte en bois qui le menait à l'intérieur de la salle de bingo. Il était 17h20.