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Lun 3 Juil - 21:49



Visite ! Mais dis cale !


Le vieillard était particulièrement heureux en cette belle après-midi. En réalité, le pauvre était dans un état des plus inconcevables si on prenait en compte la réalité. Sa rencontre avec des révolutionnaires quelques jours auparavant avait eu le don de le plonger dans un déni des plus profonds. Pour le moment, il ne réalisait tout simplement pas ce qu’il s’était passé sur cette ile maudite. Revoir le corps de sa femme meurtri avait eu le don de le choquer au plus haut point et il n’était tout simplement pas parvenu à prendre de la distance. Dans son esprit, il était en réalité persuadé que le navire faisait route pour Toroa, où il pourrait ainsi retrouver sa femme, ses petits-enfants ainsi que son fils qu’il n’avait pas revu depuis plus de deux ans. Le temps semblait interminable mais les évènements récents l’avait précipité dans un état d’euphorie et de déni le plus total.

D’humeur taquine, il remplissait sa mission avec brio depuis quelques heures. Pas de sieste, pas de râle à vous faire dénuder un bigorneau. Non, rien que le travail bien fait pour prendre en charge les blessés et faire les dernières inspections médicales. En réalité, il s’adonnait même à quelques petits plaisirs et coups fourrés en tout genre pour traumatiser les petits jeunes qui osaient s’aventurer dans son office dans ses appartements transformés en laboratoire et hôpital de fortune pour l’occasion.

L’ancêtre avait préparé pas mal de ses propres pilules pour pallier au moindre problème d’ordre « poisonneux » pour les jours et les semaines qui viendraient. Installé derrière son bureau, une petite décoction explosa dans la pièce juste à côté et c’est son assistante, un petit bout de femme totalement apeuré depuis plusieurs jours maintenant qui fit son apparition dans l’entrebâillement de la porte. Les cheveux noircis par la fumée, toussotant quelques volutes, elle en tremblait encore tout en désignant la pilule visiblement ratée.

Nils explosa de rire et c’est à ce moment précis que le jeune mousse qui était encore retenu pour terminer sa visite médicale s’éclipsa discrètement. Arquant un sourcil alors qu’il congédia également la pauvre petite, l’ancêtre ne put que constater qu’il était désormais seul sans pour autant prendre la mouche. Il avait pris cette habitude mais il ne fallait pas qu’il le reste trop longtemps : regardant une photo de sa famille sur le bureau où tout le monde souriait tandis que le grand-père se cassait la figure dans le fond, il secoua finalement la tête avec une idée de génie.


Suivant !

Le prochain serait sa victime… elle allait prendre ! Comme si Nils sortait de prison après vingt ans de réclusion ! En vérité, il entrebâilla sa porte de laboratoire pour que le prochain entre. Au-dessus de cette dernière, une simple petite décoction du poison de Nils. Le vieillard en avait eu marre de faire des dépistages de fonctionnement immunitaire avec les mêmes tests ! Place à l’innovation ! Un bon petit poison laxatif pour savoir si le prochain marin était susceptible d’avoir un système immunitaire efficace !

Pouffant de rire dans sa barbe, il avait hâte que celui-ci n’arrive. Bien que le piège fût visible, qui pourrait penser à un tel stratagème envers un coéquipier ? Certes, la réputation du vieillard n’était plus à faire mais tout de même !

Quand bien même le jeune marin se ferait prendre, une pilule de contrepoison l’attendrait bien évidemment par la suite.




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Mer 5 Juil - 18:30


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Avec Nils.


Leur dernière escale en date avait été plus virulente et plus éreintante que les mouettes n'auraient jamais pu l'envisager : leurs opposants, une bande de révolutionnaires puissants et surentraînés, avaient pris un malin plaisir à les malmener. Tant et si bien que le jeune vampire n'avait lui-même été d'aucune utilité : la principale tête ennemie, une primée à près de cent millions de berrys, l'avait étalé sans la moindre difficulté tout en prenant le luxe de l'épargner et de ne lui infliger aucune véritable blessure susceptible de lui laisser des séquelles. Autrement dit : une nouvelle fois, l'adolescent avait été froidement renvoyé à sa condition de jeune homme sous-estimé et qui, justement, manquait singulièrement d'expérience. S'il n'était pas capable de se rendre utile sur les champs de bataille, le garnement voyait mal comment il pourrait, un jour ou l'autre, finir par gravir les échelons jusqu'à ce poste à responsabilités qu'était celui d'amiral. Pour l'heure, envers et contre tout, notamment le soutien indéfectible du contre-amiral d'West Blue, Ericken, Ito était absolument incapable de marquer les esprits et de se rendre digne de ses mentors, brillants combattants et fameux hommes de terrain. Ces considérations abruptes et démoralisantes ne l'aidaient pas à retrouver confiance en ses compétences, et il n'avait malheureusement absolument aucun compagnon de bord susceptible de le rassurer à ce sujet. Il ne se voyait pas discuter des doutes qui le hantaient avec le colonel Armstrong, figure autoritaire et respectable qui, dans les faits, avait déjà bien assez de travail ainsi. Les autres marines n'étaient ni plus ni moins, pour l'écrasante majorité en tout cas, qu'un condensé de soldats endurcis et rompus à l'exercice de la navigation qui passaient leur temps à le tourner en ridicule, pour éviter que son bas grade nouvellement acquis ne finisse par le pousser à l'arrogance. Tant et si bien que le jeune épéiste ne voyait aucun frère à qui se confier, et qu'il était destiné à affronter ses propres peines seul...

Toujours était-il que le Nabeshima souffrait toutefois de la chaleur et du soleil. Il avait fréquemment besoin de s'hydrater et de demeurer à l'ombre lors des périodes les plus harassantes, ce qu'il n'appréciait que très modérément : une fois encore, les matelots se donnaient du mal, leurs peaux cuivrées totalement exposées à l'astre solaire, tandis que lui jouissait d'un statut particulier qui lui permettait de ne se montrer qu'aux heures les plus fraîches... Une fatalité qu'il avait néanmoins tenté de combattre à plusieurs reprises avant de se résigner, ayant constamment manqué de tourner de l’œil et même, la dernière fois, de basculer par-dessus bord tandis qu'il s'affairait aux cordages. Cette faiblesse qui était la sienne, couplée à de fréquents malaises, le poussaient toutefois à s'inquiéter sévèrement d'hypothétiques conséquences à retardement qu'aurait pu générer sa désillusion cruelle et brutale face à la tête d'affiche révolutionnaire qui l'avait si durement envoyé au tapis. Peut-être souffrait-il de lésions invisibles... Si tel était le cas, mieux valait prendre le problème en main plutôt que de le laisser perdurer et se dégrader. Certes, cela signifiait qu'il devait nécessairement passer par la case de l'infirmerie, une expérience qu'il appréhendait relativement à cause des lubies extravagantes de son vieil occupant, mais cela s'avérait désormais nécessaire pour continuer à fournir un travail de qualité... Aussi l'adolescent prit-il innocemment la direction de la cabine en question, priant pour que l'inlassable médecin soit dans un jour de quiétude.

-Qu'est-ce que...

Il s'en était rendu compte un instant trop tard : quelque chose trônait au-dessus de la porte qu'il venait de pousser machinalement. Surpris et déséquilibré, l'adolescent manqua alors de s'étaler lourdement mais parvint à se rattraper lestement à la poignée de la porte. Cela ne lui permit toutefois pas d'éviter la fiole, qui percuta le haut de son crâne avec un fracas sonore épouvantable qui acheva de le déstabiliser : il glissa sur le liquide qui s'écoulait désormais le long de ses jambes et il se foula violemment la cheville, poussant un juron doublé d'un léger cri de douleur, avant de se retrouver littéralement les quatre fers en l'air. En un instant, Ito venait de comprendre qu'il avait encore une fois été victime des dangereuses farces de l'ancêtre, résident de plus en plus insupportable du navire gouvernementale. Et pour cause : Nils allait réellement à l'encontre de l'idée que le Nabeshima se faisait d'un soldat de la justice respectable et honorable. Malgré son vieil âge, il n'avait jamais rien accompli de glorieux ou de sensationnel, rien en tout cas qui ne lui avait été conté. Tout au contraire, son corps semblait avoir éternellement piégé une âme puérile et taquine, et il n'était pas spécialement judicieux de le côtoyer lorsqu'il se sentait pousser une envie mesquine... Cette fois-ci, le sergent avait décidé de se rendre à l'infirmerie pour une visite de routine et se retrouvait donc à endurer une souffrance sourde qui lui grignotait la cheville. Et c'était d'ailleurs sans compter sur les grognements furieux qui émanaient dorénavant de son estomac et de ses intestins... Ce vieux fou finirait par tous les tuer.

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Mer 5 Juil - 20:27



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Le vieillard explosa soudainement de rire. Un rire tonitruant, presque malvenue tellement il trouvait la situation hilarante. Loin de lui l’idée de se moquer mais il fallait bien avouer que de voir un jeunot se faire avoir de cette façon par le plus vieux gag du monde avait de quoi retourner n’importe quelle âme insensible. Tapant du poing sur la table, Nils ne parvenait tout simplement pas à s’arrêter de rire et c’est dans une euphorie totalement non maitrisée qu’il s’échoua telle une baleine dans un bruit des plus sourds derrière son bureau. « Se tordre de rire » prenait ici tout son sens.

Il fallut bien plusieurs secondes pour que le médecin ne remontre sa tête de derrière son bureau. En temps normal, il avait pour habitude de tester les réflexes de ses patients avec le petit marteau. Cependant, d’humeur totalement taquine encore une fois il envoya la pilule de contrepoison d’un geste ample et particulièrement virulent. Le but pour le jeune bretteur était simple, attraper la pilule !


Tiens ! Attrape ! Réflexe ?
En soi, il n’y avait rien de dangereux et le vieillard en oubliait bien toutes ses courbatures et maux habituels. Il avait simplement envie de jouer. Bien que le missile puisse être considéré comme tel dans la mesure où lorsqu’un vioque envoie un projectile, il est plus logique de l’esquiver de prime abord, Nils espérait vraiment que le jeunot aurait été assez vif d’esprit pour prendre le médicament à son propre poison. Qu’il l’ait attrapé ou non, Nils expliquerait alors le composé chimique sans pour autant regarder le sergent : bien trop occupé à griffonner quelques mots sur son cahier.


C’est le contrepoison. Avale ça gamin ! Alors… capacité d’observation… nulle. Réflexe…
Le docteur releva la tête pour de nouveau observer le jeune matelot. Dans tous les cas, il allait falloir approfondir la question de la capacité d’observation un peu plus tard. S’il avait pris le médicament, Nils expliquerait que l’effet risquait d’être quasi immédiat et inviterait le jeune Nabeshima à s’installer sur le siège en face du bureau. Dans le cas contraire, le vieillard désignerait les toilettes du doigt. Ces dernières avaient été installées là depuis peu de temps : avec un vieillard possédant des lubies aussi facétieuses que Nils, il avait été plus que nécessaire d’installer un tel dispositif. De nombreux entretiens avaient déjà eu lieu depuis ce « cabinet » de docteur.

Tout naturellement, Nils entreprit alors de poser les questions de routines. Il n’avait pas vraiment eu le temps de passer du temps avec les recrues du navire et il devait ainsi prendre le maximum d’information pour ses dossiers. Cette tache le rebutait tout particulièrement mais il s’y attela avec un certain entrain pour une fois. Un crayon, sa tablette, s’installant en croisant les jambes, on aurait facilement pu se croire chez le psy au final.


Nom. Prénom. Sexe. Grade, et tout ce qui est susceptible d’être important.

Louchant quelque peu sur sa tablette, l’ancêtre tendait la tablette tel un peintre en train de réfléchir à un portrait. En réalité, c’était plutôt lui qui allait avoir besoin d’approfondir sa propre capacité d’observation.




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Dim 10 Sep - 8:26


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Il jurait et grommelait avec tant d'ardeur en se massant vainement la cheville endolorie qu'il ne remarqua pas le moins du monde le geste hostile du docteur à son encontre. Le lancer de pilule, qu'il ne soupçonna qu'à partir du moment où le vieillard l'alerta par la parole, ne fut pas réceptionné avec toute la grâce et l'agilité qu'il aurait pu déployer en temps normal : tout au contraire, il eut tout juste le temps de relever le visage, s'apprêtant à lui adresser un sermon bien gratiné malgré leur différence de grade et d'expérience qui n'allait pas en son sens, et sa bouche ouverte engouffra le comprimé sans qu'il n'ait véritablement l'occasion de le voir venir. Le médicament vint donc se caler confortablement dans sa gorge, sans vouloir sembler s'en retourner à son estomac. Ito, le souffle coupé et une sensation de virulente nausée lui remontant le long du torse, se mit à toussoter furieusement en se mettant à quatre pattes, des larmes s'échappant le long de ses yeux. Il lui fallut encore une bonne dizaine de secondes de supplice avant que le médicament ne s'en aille finalement, libérant sa gorge et sa respiration. Après une sacrosainte bouffée d'air relativement frais, considérant la propreté toute aussi relative des lieux suite aux innombrables farces de son occupant habituelle, l'adolescent se redressa péniblement en boitant à demi pour se diriger vers le fauteuil que l'ancêtre lui avait pointé du doigt, non sans lui adresser au passage un regard aussi noir qu'hostile. Un tel médecin à bord, ça n'était clairement pas une sinécure : les soins apportés au moindre bobo prenaient une tournure tout juste épique lorsque le vieillard décidait de s'en mêler, car il leur fallait redoubler d'efforts pour ne pas aggraver leurs états physique. Certes, jusque-là le médecin n'était jamais allé trop loin et n'avait jamais mis leurs existences en péril, mais le Nabeshima préférait le surveiller comme le lait sur le feu plutôt que de prendre des risques inconscients. Le pire dans toute cette affaire, c'était que le colonel Armstrong, le seul en mesure de le foutre à la porte, n'avait jamais éprouvé le besoin de passer par la case infirmerie : étant un cyborg, les soins du docteur Gratz auraient été bien vains. Autrement dit ? Il était celui des marines qui côtoyait le moins le facétieux grand-père... Une véritable malédiction pour le reste des justiciers, qui devaient par conséquent le supporter.

Néanmoins, lorsque vinrent les si célèbres questions routinières, le garnement ne put s'empêcher de soupirer avec lassitude. Il perdait déjà du temps, après s'être inutilement blessé en pénétrant dans ce fichu cabinet... Le vieillard le connaissait, pourtant. Pas personnellement, mais au moins de grade et de nom : le vampire était l'un des seuls marines gradés du navire, après tout. Il ne se laissa toutefois pas démonter, ne souhaitant pas laisser à son interlocuteur le plaisir de bouder.

-Nabeshima Ito. Sergent-chef. Masculin. Et j'ai la cheville tordue.

Il avait à nouveau ponctué sa prise de parole d'un regard mauvais et acerbe en direction du vieillard, histoire de lui rappeler qu'il n'y était pas spécialement pour rien. Cependant, il chassa promptement cette agressivité de son regard. Il ne valait mieux pas mettre le docteur dans de mauvaises dispositions pour l'entretien à venir, ou ce dernier risquait de s'allonger péniblement... L'épéiste n'était à la vérité pas certain de pouvoir supporter davantage de blagues et de farces en tout genre, a fortiori si elles mettaient en péril sa propre intégrité physique. Autrement dit, il espérait vainement qu'en faisant profil bas et qu'en se contentant du strict minimum, le vieillard finirait par lui lâcher la grappe... Une ambition démesurée pour quiconque connaissait un tant soit peu Nils Gratz, mais qui valait mieux que de se morfondre sur le malheur de posséder à bord de leur navire un docteur aussi incompétent. Cependant, cela ne l'empêchait pas de demeurer sur ses gardes : il surveillait le moindre des faits et gestes de son supérieur, comme si cela pouvait le prémunir des futures déconvenues qui finiraient assurément par s'imposer. C'était la seule chose actuellement envisageable de son point de vue, puisqu'il avait d'ores et déjà pénétré dans l'arène... Restait à voir si cela allait s'avérer utile... Ou si toutes les précautions prises n'allaient servir qu'à le ridiculiser davantage encore.

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Dim 10 Sep - 11:42



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Le vieillard galérait à prendre toutes les informations en même temps. De toute façon, tout était bien écrit sur le dossier et lorsqu’il entendit finalement la pathologie dont souffrait le jeune homme, il ne put que soupirer d’un air particulièrement las tout en baissant la tête. Est-ce qu’il s’endormait ? Ou bien était-il dans une sorte de désespoir lié aux déclarations du jeune homme ? L’un dans l’autre, les deux situations auraient pu être liées : de son temps, on n’allait pas embêter un médecin parce qu’on s’était simplement tordu la cheville. En fait, comment est-ce qu’il était même possible de préciser ça alors que le jeune homme était un fier soldat de la toute puissante marine ?

De toute évidence, soit on se foutait du grand-père, soit on lui donnait un os à ronger. Dans tous les cas, ce genre de palabre n’était pas ce qui venait en premier lorsqu’on parlait de « tout qui semble important ». Ici, ce n’était pas ce qui était dit qui était important mais ce qui ne l’était pas.

La réflexion du grand-père aurait aisément pu passer pour une sieste malvenue mais c’est avec un regard brillant et nouveau qu’il fixa dans les yeux son patient. Arquant un sourcil et dans une petite moue de la bouche, il lâcha un « mouais » avant de se relever énergiquement.

Nils fit signe au jeune Nabeshima d’en faire de même pour s’installer sur le brancard qui lui servait de zone pour ausculter. Faisant le tour de son bureau, il s’était approché d’Ito avant de s’appuyer sur le bureau pour pointer la fameuse zone. Cependant, habitué à faire des cabrioles et des caisses dans ses simulations de crises cardiaques et excuses en tout genre, son jeu d’acteur s’était nettement amélioré.

Sans crier gare, il feignit une moue de surprise et fit en sorte de ripper de son bureau tout en engendrant une chute. Inévitablement, le vieillard avait fait en sorte de partir tomber en direction du jeune homme. Avec le poids de Nils, sa corpulence et sa démarche, nul doute que plusieurs choix se poseraient alors au sergent-chef. Allait-il réceptionner l’ancêtre pour éviter la chute terrible de son supérieur ? Ou alors tenterait-il une esquive pour laisser choir le Gratz au sol en pensant qu’il s’agissait là d’une nouvelle blague ?

Dans tous les cas, le piège s’était refermé : si son raisonnement était juste, alors le jeune homme devrait probablement utiliser sa cheville pour s’extirper ou pour sauver le médecin. S’il s’agissait d’une ruse pour cacher autre chose, il faudrait alors que le jeune homme pense à simuler la douleur en plus d’effectuer l’esquive ou la réception. Difficile à faire sous l’effet de la surprise… c’était là-dessus que le vieillard comptait.

Dans le cas où le jeune homme avait effectivement une blessure à la cheville, ce dernier allait sans doute souffrir un peu mais au moins, il aurait une bonne raison de lui passer un savon pour une simple douleur à la cheville.

Il ne suffisait plus à l’ancêtre qu’à s’attarder sur les réactions du jeune sergent-chef. Difficile de berner un ancien après tout !





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Lun 25 Sep - 18:13


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S'il s'inquiétait à l'origine de ses accès de faiblesse fréquents et soudains, qui l'empêchaient de se mêler aussi fréquemment que ne l'aurait imposé son modeste grade aux opérations musclées de navigation et de manipulation des cordages, l'adolescent avait bien rapidement perdu de vue ces considérations pour des troubles plus palpables et tangibles. Sa cheville le faisait souffrir, certes modérément, mais la folie latente de l'ancêtre lui déplaisait en l'occurrence au plus haut point. Il n'était pas venu ici pour essuyer ou constater singeries et idioties : il était venu pour être soigné, pour que l'on s'attache à examiner le fonctionnement de son corps sous toutes les coutures, pour être rassuré quant à son état de santé. Au final, Ito risquait de partie en bien plus piteux état que celui dans lequel il n'avait passé la porte à l'origine... Et c'était pour le moins énervant, dans la mesure où cela remettait en question le bien fondé de l'existence elle-même du vieillard au sein de leur joyeuse troupe. Et dire qu'un homme aussi incompétent et peu recommandable possédait un tel grade, et jouissait de telles responsabilités au sein de la hiérarchie militaire... Il allait sans dire que l'amirale-en-chef et ses plus fidèles subordonnés ne savaient pas le moins du monde à qui ils avaient affaire quand ils avaient approuvé ses montées en grade. On était là bien loin du pragmatisme redoutable et du charisme placide du cyborg Armstrong, à la fois source d'inspiration pour le jeune vampire et égide pour l'ensemble de leurs camarades d'infortune. S'ils possédaient à peu de chose près les mêmes responsabilités, il allait sans dire que Nathanael les embrassait avec davantage de considération et de minutie que le vieux fou qui leur servait de médecin de bord... Au final, le Nabeshima pestait encore lorsque son homologue gouvernemental sembla enfin vouloir s'activer : il se redressa effectivement, commençant à pointer du doigt un brancard situé non loin, sans doute dans l'optique d'y emmener le jeune épéiste afin de commencer à constater l'étendue des dégâts. Malheureusement, il semblait vouloir avant toute autre chose persévérer dans ses innombrables et insupportables pitreries... Et le sabreur n'allait pas tarder à en faire les frais.

Car lorsque l'ancêtre sembla glisser, commençant à entamer une longue et palpitante chute en direction du garnement, ce dernier prit une poignée d'instants seulement pour considérer la situation inextricable dans laquelle il venait encore d'être fourré. Les deux possibilités étaient simples : esquiver le vieillard et le laisser choir purement et simplement, ou prouver son attachement à la cause gouvernementale et tenter de le récupérer avant que ses vieux os ne fassent une rencontre impromptue avec le parquet de l'infirmerie ? Si la deuxième option était assurément la plus tentante du point de vue d'Ito, l'instinct militaire et la dévotion extrême que ce dernier portait à ses supérieurs le poussaient toutefois à agir avec loyauté, envers et contre tous ses ressentiments. Un tel comportement, honorable à souhait, aurait prouvé qu'il méritait amplement toutes les félicitations qui lui avaient adressé depuis qu'il avait pris la mer, accompagnées d'un certain nombre de montées en grade prestigieuses compte tenu de son très jeune âge. Il devait se montrer à la hauteur des espoirs que plaçaient en lui les hauts dignitaires de l'armée... C'était là son moindre devoir. Néanmoins, tout ne se déroula pas comme escompté : s'il tenta bel et bien de se ruer en direction du vieux colonel pour l'intercepter durant sa chute, l'adolescent oublia momentanément la douleur qui lui dévorait la cheville. Tant et si bien que, lorsqu'il tenta d'y prendre appui, son visage ne laissa transparaître guère plus que l'expression d'une insoutenable agonie, laquelle la coupa net dans son élan. Le problème, c'est qu'il s'était déjà déplacé suffisamment pour être directement et frontalement sur le chemin de l'ancêtre... Qui, par conséquent, lui décocha un coup de boule d'une virulence tout bonnement spectaculaire. Suite au choc, et toujours à cause de son pied endolori, le Nabeshima commença à perdre l'équilibre. Il tenta de pivoter pour se rattraper au bureau, mais sa main le manqua de peu, dans la précipitation. Pas son menton. Il s'y fracassa allégrement et se mordit la langue au passage, le tout dans un fracas épouvantable causé par la chute conjointe de son supérieur et de lui-même.

-Putain de merde...

La suite de ses grossiers propos furent intelligibles tandis que le garnement crachait un peu de sang et de bave sur le parquet de l'infirmerie, sans se soucier un seul instant supplémentaire des règles de bienséance. Trop, c'était trop : ce vieux fou n'allait pas tarder à le tuer s'il s'acharnait à lui causer du tord à cette allure. Ito entreprit donc de se redresser, plus péniblement que jamais, prenant appui sur le bureau qui s'offrait tout naturellement à lui après lui avoir offert un fougueux baiser. Il retrouvait enfin tout juste son équilibre, ainsi que sa contenance, qu'il décocha à l'intention de son supérieur des propos étonnamment venimeux, qu'il n'aurait pas formulé en temps normal :

-Vous allez continuer ça encore longtemps ?!


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Sam 30 Sep - 18:53



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Nils ne s’attendait tout bonnement pas à ce qui lui arriva en un éclair. Surestimant ou sous-estimant les capacités du jeune sergent, un coup des plus virulents vint le frapper en plein crane. Serrant la mâchoire plus que de raison, le vieillard vola en même temps qu’il se mordit la langue sous la surprise. A l’aide de ses réflexes réveillés par la douleur, le vieux docteur parvint tout de même à observer une grimace de douleur… ou d’autre chose.

Le coup de boule fut des plus phénoménaux et l’ancêtre percuta la coque non-loin du hublot de son laboratoire. Le choc assourdissant et la force du jeune homme avait eu le don de faire un « boum » des plus fracassants et le navire bougea un tantinet sous le choc. En trombe, des pas se firent entendre dans le couloir avant qu’une jeune femme en blouse blanche ne fasse irruption dans la pièce. Blonde, l’air sévère, elle portait un carnet de note et ne put s’empêcher de soupirer en observant tour à tour les deux individus. Redressant ses lunettes sur son nez, la jeune femme lança finalement un regard noir à l’ancêtre avant de s’en retourner vers le Nabeshima, plus compatissante mais tout en restant ferme.

- On respecte ses supérieurs… même s’il mérite bien plus que ces propos.


Le ton ferme était celui d’un égal à égal, peu gradée, la jeune femme n’attendait rien en retour et était prête à prendre des coups mais elle faisait ce qu’elle pouvait pour garder le minimum de calme au sein de cette partie du navire. Elle avait adressé la seconde partie de phrase comme une confidence sans que Nils ne puisse rien entendre, compatissant sincèrement pour le pauvre sergent qui devait endurer ça. Se massant la tempe, elle darda finalement un regard démoniaque vers le grand-père qui se relevait péniblement.

- Quant à vous, mon colonel…

Le poing serré, elle se devait de respecter la hiérarchie mais bouillait véritablement. Trop, c’en était trop.

- Faites votre boulot correctement ou j’vous préviens que je vous en colle une qui vous retournera directement dans votre tombeau !

Sans même attendre quoique ce fut, elle tourna les talons avant de claquer la porte violement. L’ancêtre, avec un air quelque peu boudeur, titubant des suites du coup, prit les quelques paroles à la légère.


Fa va… Fi on peut plus F’amufer…
Se dirigeant tant bien que mal vers ses fioles un peu plus en retrait, le vieil homme ne prêta pas plus d’attention au Nabeshima. Il avait compris qu’il avait mal… et potentiellement qu’il avait poussé le bouchon un peu loin. Manipulant assez adroitement, étrangement, chacun de ses objets de recherche, une fabuleuse réaction se produisit et deux petits bonbons se formèrent peu à peu dans une fiole. Sans vraiment regarder, il attrapa la fiole et en sortit les deux pilules mécaniquement.


Felle-fi pour maintenant. L’autre fi la douleur revient. Pour le refte, repos. F’est fufte foulé.
Le vieillard s’était retourné et avait posé les deux médicaments devant le sergent, sur le bureau. Le changement radical dans l’attitude de Nils avait de quoi surprendre et pour cause : l’intervention de la jeune mégère lui avait rappelé sa femme. C’était toujours elle qui le ramenait à la raison et aujourd’hui… elle n’était plus là.

Il n’y avait plus d’air taquin dans l’attitude du vieillard, seule une moue sérieuse et habituelle d’un médecin au travail avec potentiellement une pointe de mélancolie. Nils lança alors un regard en direction du cadre de photo de sa famille avant d’en détourner le regard pour attendre l’éventuelle réaction du jeune sergent. S’il prenait la pilule, la douleur mettrait seulement quelques secondes à disparaitre : produit de son propre poison et de ses années d’expérience, le vieillard avait tout de même d’excellents restes.





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Il était venu pour une visite quasiment routinière, et allait finalement s'extraire péniblement de l'infirmerie avec davantage de problèmes et de blessures qu'auparavant : son problème d'insolations et de faiblesses face à la chaleur et au soleil n'allait pas être arrangé à cette allure et, tout au contraire, les blessures qui s'emmagasinaient allaient nécessiter un certain repos relatif pour permettre au jeune sabreur de reprendre son entraînement journalier bien en main. C'était pour cela qu'il ne passait que très rarement et ponctuellement dans la cabine du vieux Nils Gratz : il n'était pas un cas isolé, et de très nombreux matelots témoignaient sans cesse d'expériences similaires. Au final, l'ancêtre ne semblait prendre son travail au sérieux qu'à partir du moment où les vies étaient en danger... Car en cas de situation pesante et lourde, le médecin semblait s'affaire de manière bien plus consciencieuse. Une coïncidence heureuse, sans quoi son parcours au sein de la marine aurait sans doute tourné plus court que prévu : les troubles fêtes n'étaient guère appréciés parmi les troupes du Gouvernement Mondial. Mais comme le colonel faisait du bon travail en cas d'extrême urgence, personne n'avait certainement décidé de prendre le problème à bras le corps... Ce qui, invariablement, conduisait à ce genre de situations où le patient courrait davantage de risques en se rendant à une auscultation qu'en demeurant à l'écart, en soignant ses douleurs par ses propres moyens. D'une certaine manière, le Nabeshima regrettait que personne n'ait affirmé son autorité sur le vieillard auparavant, et c'était peut-être instinctivement qu'il s'était senti obligé de hausser le ton pour contredire cette triste habitude... En plus de la colère qui commençait à gronder en lui, bien évidemment. Néanmoins, cette colère s'estompa promptement lorsqu'une nouvelle figure fit son apparition dans l'infirmerie : une jeune médecin blonde et sérieuse, dont l'attitude austère trancha rapidement avec celle plus loufoque de son supérieur. Elle le rappela d'ailleurs sèchement à l'ordre, non sans avoir rappelé au sergent-chef les obligations qui étaient les siennes. L'adolescent s'en excusa après avoir soufflé bruyamment et profondément, retrouvant vivement sa contenance en fermant les paupières.

-Oui, désolé... Je me suis emporté.

Il se redressa ensuite plutôt péniblement, prenant garde à ne pas raviver soudainement la blessure qui lui lancinait la cheville et à cause de laquelle il avait fait sa mauvaise chute, puis retourna s'affaler sur le fauteuil qui l'attendait pour étendre un peu sa jambe et essuyer sa langue. Ito, ensuite, regarda le ballet auquel se livra l'ancêtre, étrangement studieux. Il ne se prononça pas lorsque ce dernier se dirigea vers une étagère, et sembla confectionner deux petits pilules à ingérer. Lorsque le vieil homme les lui tendit en annonçant qu'elles étaient censées pouvoir contrer la douleur, le vampire se montra dans un premier temps franchement sceptique. Un sourcil arqué et l'autre œil à demi plissé, il hésita un bref instant avant de constater que l'expression faciale du colonel n'était clairement plus à l'hilarité, même faussement camouflée. Il décida donc de partir du principe que le sketch duquel il avait été victime bien malgré lui venait de s'achever avec l'irruption inattendue de l'infirmière, et attrapa donc les deux gélules qu'on lui tendait pour en consommer une d'emblée. Restait à savoir si l'effet allait être assez prompt et efficace, ou si tout cela n'allait pas encore déraper sur une mauvaise farce ou sur un cachet aux effets secondaires plus néfastes que bénéfiques. Le jeune épéiste en herbe, là-dessus, commença à se redresser, prêt à quitter la pièce, mais s'interrompit finalement en remarquant le regard teinté de nostalgie du Gratz échoué sur une photo qui l'affichait en compagnie d'autres personnes que l'adolescent n'avait jamais vu. Ce dernier, après un nouvel instant d'hésitation, se laissa finalement choir assez lourdement sur le fauteuil qu'il était en train de quitter et, lentement, prit la parole sans trop savoir s'il voulait bel et bien le faire.

-C'est... Votre famille ?

Il n'était pas certain de vouloir endurer une conversation avec celui qui lui renvoyait plus ou moins continuellement l'image d'un grand père sénile et à moitié fou, mais il s'était de toute manière engagé sur ce chemin avant de peser le pour et le contre... Avec patience, il décida donc de demeurer au sein de l'infirmerie encore quelques instants, ne fut-ce que pour donner au vieillard l'occasion d'engager la discussion. Après tout, même s'ils étaient membres du même équipage, Ito n'avait pas souvenir d'avoir véritablement conversé avec le vieillard avant ce jour-ci... C'était peut-être une bonne occasion pour apprendre à ce connaître. Ericken et Hato lui avaient toujours savamment conseillé de connaître ceux qu'ils côtoyaient, ne fut-ce que dans l'hypothèse d'un affrontement imminent, avec ou contre eux. Il n'y avait que peu de chance que leurs destins respectifs les amène à se combattre un jour ou l'autre... Mais il était fort probable qu'ils finissent par s'élever contre une menace commune. Autant prendre les devants, en prévision de ces difficultés à venir...

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Nils avait arqué un sourcil en voyant le jeune homme rester un peu plus longtemps. Pas très adepte du fait que l’on puisse rester en sa compagnie, le vieillard avait d’abord pensé à le congédier d’une façon bien personnelle. Commençant par lever le bras comme pour mimer la fessée, le colonel se ravisa finalement pour s’installer plus confortablement dans son siège.

Depuis qu’il avait été sur le navire du Jugement, Nils n’avait eu de cesse que d’être évité par tout un chacun. En même temps, c’était compréhensible : toute personne en présence du vieillard développait un nouveau talent de cache-cache impressionnant. Une fois, il avait même eu l’impression d’avoir été seul sur le navire toute une semaine… en y repensant, c’était certainement parce qu’il n’était pas sorti de sa cabine…

Seulement voilà, depuis quelques jours, le premier contact avec les révolutionnaires avait eu le don de déprimer le grand-père. Apprendre le décès de sa femme de cette façon avait été une véritable épreuve pour l’ancêtre. Au final, même s’il avait voulu faire petite catharsis de cet événement traumatisant, personne n’aurait été suffisamment proche ou volontaire pour le laisser parler. Beaucoup trop avaient en tête ses interminables monologues.


Oui. f’est Ginny, Chloé, Alphonfe et…
Il ne parvenait pas à finir. D’une voix que personne ne lui connaissait, il était allé au principale pour répondre à une question. C’était véritablement une première pour le grand-père. N’insistant d’abord pas, Nils ne parvint malheureusement pas à retenir ses paroles. Etant tout de même parvenu à réfréner ses pleurs et ses larmes, il renifla une fois avant de poursuivre, comme si les mots sortaient d’eux même.


Et Mamie… elle déteftait fette photo !
Un rire sans joie vint prendre le paternel aux tripes. Se saisissant de la photo, il la regarda un instant avant de la retourner vers Ito, si tant était qu’il fut toujours sur place. Sur cette dernière, on voyait facilement les trois petits enfants en train de fondre sur le vieillard et le renverser tandis que la grand-mère faisait la soupe à la grimace, à peine deux mètres plus loin.


F'est fou comme les petits me manquent…
Il ne tenait plus qu’à un fil. Il n’aurait pas fallu s’épancher davantage, pour sûr. Nils bougea rapidement sur sa chaise. En réalité, il n’avait cherché par ce geste qu’à camoufler le fait qu’une larme avait coulé le long de sa joue. Le souvenir de la perte de sa femme venait de se raviver de façon bien trop violente pour lui. Il ne restait plus qu’une seul chose à faire, détourner la conversation au mieux et le plus vite possible. De retournant vers le marin, Nils sauta du coq à l’âne.


Et toi gamin ? T’as de la famille ? T’aimes la foucroute ?
Bon okay. Cette deuxième question était bien moins subtile que la première… il fallait tout de même espérer que le jeune homme comprenne. Au pire, il partirait. Dans tous les cas, Nils pourrait tout de même le remercier de l’avoir écouté, ne serait-ce que quelques secondes.



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Mer 6 Déc - 23:44


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L'atmosphère était subitement devenue plus lourde, et l'interrogation relativement rhétorique de l'adolescent n'aida pas vraiment à l'alléger. Pudique et silencieux, le vampire se cantonna à une écoute silencieuse tandis que le vieillard répondait à cette question, avec une expression faciale imbibée de regrets et de tristesse. A la vérité, Ito n'avait jamais vraiment cru que son vieux supérieur soit capable de manifester de telles émotions : il avait souvent considéré, à plus ou moins juste titre, qu'il n'avait tout simplement plus toute sa tête et qu'il avait bien du mal à penser de manière raisonnable et logique. Ce constat était néanmoins sévèrement ébranlé lorsqu'il observait la douleur qui tiraillait le médecin, et il se surprit même à se demander si ce dernier n'était finalement pas beaucoup plus sain d'esprit qu'il ne voulait bien le laisser penser. Une hypothèse folle, que l'épéiste en herbe noya bien promptement en se souvenant des innombrables cabrioles et bêtises qu'avait généré l'ancêtre depuis qu'il voguait à ses côtés : il était peu probable qu'une personne saine et douée de lucidité soit capable d'être aussi destructrice et loufoque, à son insu comme volontairement. Toujours était-il que cet éclair de lucidité de la part du vieillard eut à tout le moins le don de remuer puissamment les entrailles du garçonnet, qui posa un regard assez vide sur la photo que lui présenta son interlocuteur. Pour le coup, il ne pouvait pas vraiment dire le contraire : la vie de gouvernemental n'était pas de tout repos, et ils devaient tous, d'une manière ou d'une autre, s'écarter des leurs pour obéir aux ordres. Cependant, le Nabeshima avait a minima eut la chance de ne plus avoir de véritable famille depuis qu'il avait été recruté au sein de la famille. Le renvoi de sa question fut néanmoins suffisant pour le troubler davantage encore, et s'il ouvrit la bouche immédiatement pour y répondre, il demeura finalement coi un long moment durant lequel il tentait difficilement de se souvenir de ceux qu'il avait un jour considéré comme étant sa famille.

Il avait grandi sur East Blue, et sa petite enfance était assez basique. Il avait vécu de nombreuses années au côté d'une mère et d'un père aimants, et avait encore la chance d'en posséder des fragments de souvenirs. Il avait néanmoins été obligé de leur fausser compagnie lorsqu'une bande d'esclavagistes l'avaient capturé... Et, à partir de là, il ne s'était plus jamais vraiment soucié des siens, de sa prime meute, dans la mesure où il avait toujours préféré déployé d'incommensurables efforts pour survivre et persévérer, pour rendre cette société plus tranquille et placide. Alors devait-il considéré qu'Hato avait été sa famille de substitution ? D'une certaine manière, oui. Il avait joué le rôle d'un grand frère, lui enseignant tout un tas d'arcane pour sortir de sa condition misérable et pour tenter de devenir un homme fait, qui serait a minima capable de subvenir à ses propres besoins. Malheureusement, le taciturne bretteur était mort depuis quelques années désormais... Et il n'avait jamais eu l'occasion de le remercier véritablement pour tout ce qu'il avait réalisé et pour tous les savoirs qu'il lui avait prodigué. Ce vide abyssal qui s'empara de son corps fut fortifié encore lorsqu'Ito se souvint d'Ericken, le brillant et glorieux vice-amiral en charge d'West Blue, qui avait été son second mentor et lui avait permis de s'intégrer plus durablement à la marine avant de lui dénicher une place de choix au sein de l'équipage du cyborg Nathanaël Armstrong. A sa façon, Ericken aussi avait agi comme un frère. Certes moins brutal et moins désabusé que le pirate, mais non moins efficace et protecteur... Le problème, c'était que ce prestigieux gradé avait été sévèrement blessé dans une rixe l'opposant à Ren Tao, pour le peu que le Nabeshima avait pu en comprendre. Il avait longtemps voulu se rendre à son chevet, mais s'était finalement fait une raison : d'abord, il n'était guère respectueux de se précipiter au lit d'un patient qui était un guerrier si brillant et si talentueux, alors que lui-même n'était encore qu'un marmot incompétent et manquant cruellement de rigueur et de professionnalisme. Cela aurait été le couvrir de honte, sous un certain aspect... Ensuite, le vice-amiral avait voulu l'élancer sur les mers pour lui permettre de découvrir le monde. Retourner à ses jupons à la moindre occasion n'aurait fait que le renvoyer à l'état d'enfant apeuré et esseulé... Etat qu'il voulait définitivement contredire. Il n'était plus le cadavre qu'il avait été des mois durant... Il était un jeune homme fier et fort, avec ses doutes, certes, mais également ses convictions et ses certitudes. C'est uniquement grâce à ce constat que le garnement finit par ponctuer une phrase d'un sourire compatissant et empathique.

-Oui, j'ai une famille. Et j'irai la retrouver, lorsque j'en serai digne.

Avec lenteur, l'adolescent reprit conscience de l'instant présent et se rendit compte qu'il venait d'une certaine manière de se confier à la personne la plus improbable possible pour remplir un tel office. De retour dans la réalité, il secoua la tête avec véhémence, chassant ses pensées grises de son esprit, puis se rendit d'un coup d'un seul compte du fait que la douleur avait définitivement désertée sa cheville. Il la mit à l'épreuve en se redressant progressivement, puis rangea la seconde pilule dans l'une des poches de son uniforme avant de remercier le médecin d'une brève courbette.

-Merci pour la pilule, colonel. Bonne fin de journée.

Il avait presque oublié que c'était ce loufoque colonel qui lui avait causé la blessure dans un premier temps...


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Jeu 7 Déc - 9:33



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Quel homme ce Nils ! Quel talent d’acteur ! Parvenir ainsi à cacher ses émotions ! Comme quoi les gênes Gratz étaient réputés pour leur talent dans la comédie. Un léger sourire s’esquissa à cette pensée sur son visage tandis que le jeune sergent en était à perdre la tête dans ses pensées.

Se perdant à son tour de nouveau dans sa photo, Nils eut un léger sursaut lorsque Ito répondit. Il aurait été aisément possible de croire à un réveil comme s’il s’était endormi. Chose extraordinaire : le colonel écouta tout de même attentivement les paroles du gamin sur sa famille.

Digne ?! De la dignité pour rejoindre sa famille ? Voilà qui eut le don d’exaspérer le médecin au plus haut point. Lui qui était prêt à se rouler dans la boue et à finir encore plus bas que terre pour pouvoir retrouver sa moitié et ses enfants aujourd’hui disparus, voilà qu’un sale môme ne souhaitait revoir la sienne que s’il en était digne…

Soupirant plus en avant en dédaignant de la tête, Nils n’en parla pas tout de suite et se leva pour accompagner le jeune homme à l’entrée. Sans psychologie aucune, il accepta le remerciement d’un signe de tête. Après tout, ça restait son travail, cependant, il ne put se retenir de l’ouvrir après avoir posé sa main sur la poignée de la cabine pour le laisser sortir.


Arrête-donc tes conneries et va les retrouver quand tu pourras. S’il est trop tard, ta dignité te permettra pas de les ramener…
Le docteur Gratz laisserait alors le jeune Ito partir. En effet, il avait fait son devoir et avait même pu profiter un peu de lui. Au final, il n’avait pas vraiment aidé le jeune homme, il avait simplement réussi à laisser un peu de sentiments passer pour éviter le trop plein. Refermant la porte derrière le jeune sergent si ce dernier était parti, le vieillard laisserait juste quelques mots sortir de ses lèvres, juste à peine audibles.


Merci…
C’était simple et concis. Nils n’avait jamais vraiment eu pour habitude de parler aussi simplement aux marins et encore moins aux jeunes mais voilà. Peut-être qu’il s’agissait ici du coup de pied au cul que le grand-père avait toujours redouté mais tant attendu pour enfin mettre le pied à l’étrier.

Sa décision était assez certaine. Au final, il rentrerait seul sur Toroa. Il devrait alors trouver les responsables du carnage qui l’avaient tant fait souffrir. Cela ne ramènerait évidemment pas sa famille à lui, c’était certain et il en avait conscience. Non, la raison pour laquelle il allait monter le Compost et se diriger vers ces hommes à punir était simple : il réclamait simplement vengeance. C’était futile, il le savait, et il comptait tout de même le faire, sans savoir que la sensation de vide qui en résulterait provoquerait le plus intense changement de sa vie… même en tant que septuagénaire.



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Ven 8 Déc - 1:47


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Face au soupir de l'ancêtre et à sa désapprobation affichée et assumée, le jeune vampire ne put guère plus qu'afficher un regard incrédule. Il choisit néanmoins pas de s'appesantir à ce sujet, voyant que le vieillard n'avait pas l'air de vouloir en dire plus et qu'il avait même manifestement hâte de mettre le garnement à la porte. Leur moment de complicité avait vite pris fin mais, d'une certaine manière, Ito n'était pour la première fois de son existence pas mécontent d'être venu jusqu'à cette infirmerie fréquemment considérée comme maudite par la majorité des hommes de main de l'équipage. Étrangement, la présence du vieil homme lui était même apparue comme étant agréable, pendant ces quelques brèves secondes en suspend... Une expérience unique, il en avait pleinement conscience, et qui, il le savait tout aussi lucidement, n'était pas prête de reparaître. C'était uniquement car ils s'étaient tout deux trouvés cernés de doutes et de mélancolie qu'ils avaient partagé un instant privilégié, entre supérieur et subordonné. Il y avait bien peu de chance pour qu'une telle situation, propice au dialogue et à la sincérité à la fois, ne repointe le bout de son nez. Et, logiquement, le bretteur en herbe n'avait strictement aucune raison de l'espérer : car elle insinuait qu'ils se reverraient nécessairement et immanquablement en mauvaise forme... Lorsque le sergent-chef eut enfin dépassé le pas de la porte, il pivota pour faire face au colonel Gratz tandis que ce dernier attrapait la poignée. Néanmoins, et avant de la refermer pour couper court à leur entrevue, le maudit du poison glissa d'ultimes intelligentes et intelligibles palabres au jeune adolescent, le renvoyant de plus belle à ses doutes et à ses incertitudes. Ces mots, à la fois plein de bon sens et de fatalisme, eurent le don de laisser le Nabeshima bouchée bée un long moment, lors même que la porte s'était refermée devant lui pour les plonger tout deux dans l'isolement psychologique et philosophique qu'ils avaient dûment mérité. L'élève d'Hato avait souvent songé à cette funeste probabilité, précisément à cause de la mort du Supernova lors du Siège de Mars. Et si sa famille initiale disparaissait sans qu'il n'ait l'occasion de les retrouver ? Jusqu'ici, il n'avait jamais senti de vide oppressant en son sein, pas en tout cas au point de le pousser à remuer ciel et terre pour les retrouver... Mais comment s'assurer que cela ne serait jamais le cas, et qu'il ne serait pas trop tard lorsque l'envie de les retrouver se ferait irrésistible ? Le même constat était à dresser quant au vice-amiral Ericken, guide et grand frère de substitution, considérant le danger qu'il courrait perpétuellement de part l'océan qu'il guidait et la position prestigieuse qui était la sienne. Il était cible de toutes les haines tenaces et criminelles, sur West Blue... Il cristallisait tout ce que les forbans et les hors-la-loi souhaitaient ardemment voir périr. Il s'en était jusque-là toujours bien sorti... Mais rien ne garantissait véritablement que cela serait éternellement le cas.

Après ce nouvel instant de réflexion hors du temps, le marmot tourna les talons pour s'écarter de l'infirmerie, considérant que rester là planté comme un poteau n'allait guère arranger ses peines de cœur et d'esprit. Sans trop réfléchir, il se dirigea mécaniquement en direction de sa propre cabine, referma la porte derrière lui et se laissa tomber sur son lit, sur le dos. Le regard perdu dans le plafond, il se souvint des maigres souvenirs privilégiés qu'il chérissait plus que tout au monde. Était-il réellement assez solide pour prendre la mer tel qu'il l'avait fait, si jeune et si inexpérimenté ? Il avait certes gravi les échelons promptement et déjoué tous les pronostics en s'attirant à la fois la sympathie de ses hommes et le respect de ses supérieurs... Mais son parcours était néanmoins jonché d'erreurs grossières et d'immaturité latente. La majorité des actions entreprises jusqu'à maintenant étaient paradoxalement d'un constat pour le moins mitigé, lorsqu'il n'avait pas carrément été une épine dans le pied du cyborg d'airain. Dans ces conditions, comment pouvait-il être certain de ne pas s'être fourvoyé durant toute sa courte carrière ? Il avait peut-être davantage besoin de ses proches qu'il n'avait bien voulu le croire... Avec un soupir las, il ferma les paupières et décida tout simplement de se laisser bercer au gré des vagues. La seule certitude qu'il avait, dans l'état des choses, c'est qu'il était bien loin d'être un homme fait et complet...
Il lui restait encore tant et tant à parcourir...

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